21. Vengeance

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GIAN


Relevant à peine les yeux de la liasse de documents posée sur mon bureau, je remercie d'un geste Amanda qui vient de m'apporter mon huitième café de la journée. Je la sens s'immobiliser quelques secondes à mes côtés, fébrile, mais ne lui accorde aucun regard. J'ai beau avoir fini par prendre une secrétaire, je ne compte pas suivre l'exemple de mon père et la baiser entre deux réunions. Bien qu'elle rêverait de cela.

Je l'entends renifler discrètement et elle sort de mon bureau. Je m'autorise alors à pousser un long soupir et étends mes bras au-dessus de ma tête en baillant ostensiblement.

J'ai à peine le temps de boire mon café que la porte de mon bureau s'ouvre à nouveau. L'aura orageuse de Romeo s'engouffre dans la pièce comme une tornade et je fronce le nez de dégoût. Bordel, je ne m'habituerai jamais aux phéromones de ce connard. Je relève la tête avec ennui et croise son grand sourire hypocrite. Il tire une chaise et se laisse tomber dessus, croisant nonchalamment ses jambes avant de me lancer un regard moqueur.

— Alors, cette paperasse ? Tu t'en sors ?

Je me recule sur le dossier de mon fauteuil et analyse l'homme en face de moi. Son costume bordeaux flambant neuf met en valeur sa peau caramel et la largeur de ses épaules. Ses cheveux bruns sont tirés en arrière en un petit chignon et ses yeux noisettes brillent de cette putain de lueur sournoise que je ne supporte pas chez lui.

Après ce que nous avons appelé « La Grande Descente » - à savoir la nuit où les flics ont perquisitionné chaque villa mafieuse –, Romeo et moi nous sommes associés pour unir nos forces et rétablir notre supériorité sur la ville. Ce soir-là, quarante-trois mafieux dont dix directeurs généraux et un chef de clan ont été arrêtés et envoyés en prison. Ceux qui sont parvenus à s'échapper à temps ont dû faire profil bas pendant plusieurs semaines, le temps de restructurer leurs forces et d'attendre que la police se calme. Je suis resté chez les Bellini durant cette période critique, refusant cependant de rester inactif et bien décidé à renforcer ma puissance.

Au bout de quelques jours, Dario a débarqué, miraculeusement vivant, et nous avons commencé à réfléchir à comment maintenir nos activités tout en les rendant plus discrètes. C'est à ce moment-là que Romeo Donati m'a rendu visite et m'a proposé d'unir nos forces. Lui aussi se terrait chez des amis et ruminait une rancœur terrible envers ces connards de flics. Il lui fallait un associé ; il m'a choisi. L'idée ne m'enchantait pas, mais j'ai accepté. Il nous fallait désormais retrouver des pions politiques et pour les acheter, nous devions faire en sorte que les affaires marchent.

Ensemble, nous nous sommes déployés dans tous les recoins de la ville avec un seul mot d'ordre : vengeance.

Chaque clan a rassemblé ses hommes et personne n'a été épargné. Toutes les familles qui jusque-là osaient nous résister ont été abattues et chaque homme n'ayant pu rembourser sa dette envers nous a été réquisitionné pour faire le sale travail.

Faisant fi de toute morale et de toute compassion, nous avons écumé chaque commerce, chaque entreprise, chaque putain de particulier qui nous devait de l'argent et nous l'avons pris. Nous avons récupéré tout ce qui nous revenait de droit et n'avons épargné personne. Cela a-t-il effrayé la population ? Pas réellement. Face à un gouvernement qui augmente les impôts et reste incapable de résoudre la crise économique qui affaiblit notre pays, des milliers de nouvelles personnes sont venues nous emprunter l'argent que les banques refusaient de leur donner et ce, qu'importe le taux d'intérêt que nous leur réclamions. Et c'est ainsi que notre activité d'usuriers a explosé ces derniers mois, renforçant par la même occasion notre assise sur les habitants de la région.

Les dents longuesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant