LEV
Agenouillé sur le béton crasseux, je tente d'ignorer le tiraillement de mes mains nouées dans mon dos et promène mon regard dans chaque recoin de la cave.
Quelques minutes auparavant, les Cortese nous ont traînés comme des putains d'esclaves au sous-sol du bâtiment et nous ont balancés dans un coin sans rien dire de plus. Je crois que j'aurais préféré une bonne mise à tabac spontanée ; la situation actuelle me paraît trop calculée, trop réfléchie, et je crains le destin qui nous attend.
A mes côtés et pourtant trop loin pour que je puisse le toucher, Gian est dans la même posture que moi, les poignets entaillés par le fil de fer et le regard plus sombre qu'un ciel d'orage. Ses yeux refusent de rencontrer les miens ; a-t-il peur d'y lire de la peur, de la pitié, de la colère ? Je n'en ai aucune idée. Mais j'ai besoin de voir, de voir les émotions tapies au fond de ses iris, ces émotions qui me dévoileraient ne serait-ce qu'un peu les pensées qui l'agitent. J'ai besoin de lui montrer aussi, que je le ferai sortir d'ici, qu'il ne mourra pas ce soir, que je resterai avec lui jusqu'au bout.
Peut-être est-ce justement cela qu'il ne veut pas voir.
Tout à coup, la porte de la cave s'ouvre dans un grincement digne d'un film d'horreur, ce qui m'aurait arraché un ricanement sarcastique si je n'étais pas la victime dudit film.
Un homme se découpe à l'entrée. De taille moyenne mais de corpulence ahurissante, le nouveau venu peine à avancer sans que les boutons de sa chemise ne lui explose à la gueule. Une canne soutient tant bien que mal l'amas de graisse qui lui sert de corps et je me surprend à espérer qu'elle se rompe sous son poids. Ses yeux torves sont surmontés d'épais sourcils qui assombrissent son regard et s'étirent bien trop loin sur ses tempes. L'aura qu'il dégage est monstrueuse.
Lorsqu'il aperçoit Gian, son visage s'éclaire d'un sourire pervers qui me donne envie de lui arracher les dents une par une.
— Je n'aurais pu rêver de meilleur cadeau d'anniversaire.
Sa voix caverneuse me file un frisson. Gian ne réagit pas.
L'homme s'approche lentement de nous en s'allumant un cigare dont l'odeur âcre emplit rapidement la pièce. Il s'arrête devant mon associé et pose une main sur son ventre d'un air satisfait.
— Il était temps que tu retrouves enfin la place qui te revient de droit Castelli : à genoux devant moi.
Je devine le rictus de Gian plus que je ne le vois. L'inconnu éclate d'un rire tonitruant dénué de joie. J'ai l'impression d'assister à une mauvaise pièce de théâtre.
— C'est fou, même relégué au rang de chien, tu gardes ce putain de regard arrogant.
Sans prévenir, sa canne s'abat avec une violence inouïe sur le visage de Gian qui est projeté au sol. Mon cœur s'emballe affreusement et je sens la colère ruer dans mes entrailles.
— Relève-toi.
Gian obtempère. Son nez pisse le sang et pourtant il n'a poussé aucun grognement de douleur en recevant le coup.
— Ravi de te revoir Ricardo. Je ne pensais pas te trouver ici.
Le mastodonte sourit méchamment.
— Ça t'a surpris n'est-ce pas ? Je n'arrive pas à croire que tu aies été assez stupide pour tomber si facilement dans mon piège. Je pensais qu'avec tous les remous que tu as créés ces derniers mois, tu serais un peu plus intelligent.
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Les dents longues
Ficción GeneralParce qu'il est ambitieux, Gian Castelli décide de s'associer à Lev Shcherbakov, même si cela l'oblige à supporter un gamin violent et taciturne. Parce que Lev l'est tout autant, il accepte, même si cela revient à côtoyer un alpha arrogant et impito...