6. Rebelote

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GIAN


Cela fait deux mois que l'incident chez Petrucci a eu lieu et je n'ai pas revu ce putain d'oméga depuis. Après l'arrivée de Dario, nous sommes parvenus à sortir de la villa sans encombre et nous sommes engouffrés dans la voiture sans dire un mot. Lev s'est calé contre une portière, moi contre l'autre, et un silence pesant s'est installé jusqu'à ce que nous arrivions chez moi. Alors, le Russe s'est cassé sans un mot et je me suis retenu de lui loger une balle dans la nuque.

Je ne comprends pas. Je suis incapable de mettre des mots sur ce qu'il s'est passé ce soir-là. Moi qui me vantais d'être insensible aux phéromones d'omégas, moi qui ai passé ma vie à m'entraîner pour ne jamais perdre le contrôle de mon corps, j'ai failli craquer une dizaine de fois en voyant ce connard de communiste en chaleur. Comment ai-je pu ne pas réaliser plus tôt que c'était un oméga ? Et surtout, comment Petrucci l'a su ? Bordel, mais aucun signe ne le laissait deviner, aucun ! Lev ne dégage aucune odeur, il ne réagit à aucune phéromone ! Comment un oméga peut-il être aussi inodore et rester si impassible en étant entouré d'alphas ? Toutes ces questions m'ont hanté des jours durant et j'ai cru que j'allais en perdre la tête.

La seule explication plausible est que ce connard soit un oméga récessif – ce qui expliquerait une très faible odeur de base – et qu'il se soit ensuite entraîné aussi intensément que moi pour contrôler son corps – ce qui justifierait son absence tout court d'odeur et son insensibilité aux phéromones d'alphas. Mais bordel, un oméga !

Au-delà de cette découverte ô combien déplaisante, je crois que c'est surtout le fait que Petrucci possède une information que je ne connaissais pas qui m'a rendu fou. Il savait que Lev était un oméga, ce qui signifie que son réseau de contacts est bien plus étendu que le mien et que l'accès à des informations personnelles concernant mon entourage est chose aisée pour lui. Et putain, que c'est frustrant et énervant !

Je ne m'associe pas à des omégas. Ça a toujours été le cas et c'est indiscutable. Je sais pertinemment que bon nombre d'entre eux sont puissants, intelligents et compétents, mais il est hors de question que je m'associe à quelqu'un qui puisse se faire influencer par des phéromones. La plupart de mes hommes sont des bêtas, et les quelques alphas parmi eux ont subi un entraînement très similaire au mien pour contenir leurs pulsions en présence d'un oméga. Ça, couplé à l'absorption régulière d'inhibiteurs pour éviter la survenue indésirée de leurs ruts. Un oméga pourrait certainement suivre un entraînement semblable, mais les omégas sont moins forts physiquement et ne possèdent pas cet égo surdimensionné des alphas, cet ego qui les incite à toujours repousser leurs limites et à se jeter dans le tas si le moindre tort leur a été causé. Or, cet ego m'a été maintes fois utile chez mes hommes lorsqu'il s'agissait de les envoyer tuer des gens ou ravager des bâtiments.

Depuis deux mois donc, le Russe et moi ne sommes plus en contact. Et d'un côté, ça me fait chier. Parce que le commerce que nous avions commencé à mettre en place prospérait. Jamais encore la demande de came n'avait été si forte et mon clan commençait à se développer à une vitesse fulgurante ; je me voyais déjà partir à la conquête de plusieurs villes et territoires.

Bordel, il a fallu que ce soit un oméga.

Je soupire et rabats mes cheveux en arrière d'un geste rageur. Penser à cette histoire m'agace. J'ai des centaines d'autres affaires à régler et je reste bloqué là-dessus. Le clan Castelli n'a pas besoin des bas-fonds pour prospérer. Et je n'ai pas besoin de cet idiot pour m'élever.

Soudain, la porte de mon bureau s'ouvre en fracas et vient s'écraser contre le mur. Je lance un regard irrité vers l'intrus qui a osé s'incruster dans mes quartiers sans autorisation. Pourtant, je ne peux m'empêcher de hausser un sourcil surpris en voyant Dario plié en deux, visiblement éreinté par la course qu'il a menée depuis je-ne-sais-où jusqu'ici. Il s'approche en titubant et je m'inquiète vaguement de ses yeux écarquillés d'horreur.

Les dents longuesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant