La veille de leur départ, le dîner avait été houleux. Joran avait aidé sa sœur à tempérer l'humeur massacrante de leur paternel en détournant au maximum son attention, mais le cadet avait des obligations en tant que sapeur-pompier volontaire et s'était trouvé d'astreinte pour la dernière soirée de Madenn dans sa famille. Au grand damne de Baptiste qui essuyait encore les remarques acerbes du géniteur de sa petite-amie, qui cette fois ne prenait même plus la peine d'enrober ses paroles. Erik n'avait cessé d'être désagréable avec Baptiste et de le provoquer sur la situation de son couple avec sa fille. En homme civilisé, ce dernier n'avait pas souhaité répondre à ces attaques injustifiées pour ne pas entrer dans son jeu, mais la dernière perche qu'il lui tendit avait été trop belle pour passer à côté et Baptiste rebondit cette fois :
—Une chose est sûre, ne comptez pas sur mon consentement pour cette union. Je peux déjà vous répondre que je refuse d'approuver que ma fille passe à côté de sa vie en la gâchant de cette façon...
—Et bah justement, votre avis on ne vous l'a pas demandé étant donné que ce n'est pas vous que j'ai l'intention de demander en mariage. Je vous prie de m'excuser, grogna Baptiste en posant sa serviette sur la table avant de se lever et de quitter la pièce, puis la maison.
—Erik ! s'indigna sa femme. Bon sang tu ne peux pas tenir ta langue cinq minutes ?
—Et toi maman ? demanda alors Madenn en se tournant vers Josépha. Qu'est-ce qui t'a pris de lui parler comme ça hier matin ? Je sais que vous vous faites du souci après tout ce temps et que c'est votre devoir de me protéger. Mais vous n'imaginez pas à quel point cet homme m'a sauvé la vie.
Madenn avait la respiration haletante et le cœur qui battait à tout rompre dans sa poitrine. Son ton était sec et froid, mais pour une fois, pas une larme à l'horizon.
—En dix ans, c'est la première fois que j'arrive à passer des journées entières à ne pas y penser et mes nuits à en rêver, reprit-elle. En dix putains d'années, c'est la première fois que je me sens enfin heureuse et libre de pouvoir vivre enfin ma vie. Je me sens moins coupable de ce qui s'est passé et je respire enfin ! Alors foutez-lui la paix et pour une fois laissez-moi faire ce que je veux parce que je sais que je vais dans la bonne direction avec Baptiste. Excusez-moi.
Elle se leva à son tour et sortit pour rejoindre son capitaine qui était assis sur le ponton en bas de la maison, les pieds dans le sable et...
—Tu fumes maintenant ? l'interrogea-t-elle en s'installant à côté. Donne.
Il lui passa son paquet et Madenn alluma une cigarette à son tour. Ils ne parlaient pas et se contentaient de regarder l'horizon dans lequel le soleil était en train de se coucher. Madenn raconta ce qui s'était dit et Baptiste posa enfin les yeux sur elle. Il la regardait avec une telle intensité qu'elle en fut troublée et ne savait déchiffrer l'expression qu'elle lisait sur son visage.
—Qu'est-ce qu'il s'est passé, il y a dix ans ? demanda-t-il alors.
Madenn tourna à nouveau le regard vers l'horizon et tira une grande bouffée sur sa cigarette.
—Je faisais de la compétition de voile jusqu'en terminale, avec Gaël mon ami d'enfance. On était comme frère et sœur tous les deux.
—Vous sortiez ensemble ?
Baptiste n'avait pu s'empêcher de lui poser cette question, un petit pincement au cœur. Madenn eu un rictus puis finit par rire de bon cœur.
—Non, on ne sortait pas ensemble même s'il était beau comme un Dieu. Il était comme mon frère mais surtout, il était homosexuel. Bref, on était en compétition ce week-end-là, nos parents étaient tous là, et...on a eu un accident. Je...cet accident c'est de ma faute, parce que je voulais à tout prix gagner cette compétition et en exécutant une manœuvre ça a mal tourné...j'ai oublié de contrôler sa position, j'ai voulu aller trop vite, et le mat de la grand-voile est venu le frapper de plein fouet, en pleine tête. Gaël est mort sur le coup.
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Les chroniques amoureuses - Tome 1 : Baptiste et Madenn
Romance« Parfois, il peut nous arriver d'avoir l'impression que rien ne va dans la vie, que ce soit professionnel ou personnel ; on perd le goût et l'envie de s'amuser au quotidien, on a le sentiment de ne pas aller dans la bonne direction. Et puis parfois...