Chapitre I - L'enterrement - part. II

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- Non, ils sont bien décédés, mais je suis incapable de te dire comment. Et en tant que mère, cela ne cesse de me hanter jour et nuit. J'aurais tant aimé tenir ton père dans mes bras une dernière fois, dit-elle en serrant ses mains contre sa poitrine.

Puis, il eut un moment de silence. Assis l'un à côté de l'autre sur des chaises en osier tressé, nous étions submergés par le parfum et le chant de ses Séjournas, des fleurs aux multiples vertus médicinales dont la consommation en tisane remplissait de vigueur instantanément. Mamie Ada reprit en contemplant ses plantes préférées.

- Nous venons d'un monde bien différent de celui-ci, tu adorerais Marlavant et la vie qu'on y mène, la magnifique cité d'Agora, le port de Zénildor, le vacotae, la gaieté...

- Quel monde ? Mamie, de quoi tu parles ? Est-ce que tu te sens bien ? demandais-je inquiet.

Mes pensées furent interrompues par les coups que donnait mon grand-père à ma porte, il me pressait. C'était aujourd'hui qu'avait lieu l'enterrement de mamie Ada. J'enfilais ma veste de costume et dévalais les escaliers à toute vitesse. Il avait une fois encore oublié d'éteindre la télé, mamie Ada ne supportait pas que quoique ce soit reste allumé dans la maison sans notre présence. Comme pour lui rendre hommage, j'allais chercher la télécommande pour éteindre cette télé qui annonçait les informations. Je m'arrêtai un moment devant celle-ci, une femme rappelait la disparition de Dan Mavinga, cet été dans la forêt de Fontainebleau. J'éteignis la télé, je n'aimais pas cette histoire. La veille de la disparition de Dan j'avais fait un rêve dans lequel je le voyais congelé dans un lac glacé, il y avait plusieurs visages, dont un autre jeune de mon lycée, Antoine Planelle. Heureusement, il n'avait pas disparu avec Dan Mavinga. Je ne m'attardai plus, connaissant mon grand-père, il aurait pu s'en aller sans m'attendre, l'heure c'était l'heure ! Je montais dans sa vieille Alpine bleue et en silence on se dirigeait vers le cimetière de Fontainebleau qui se trouvait tout près de mon lycée, mon grand-père le remarqua et brisa le précieux silence qui habitait le véhicule.

- Ah... tu vois, ta grand-mère sera toujours très proche de toi, dit-il en désignant mon établissement du doigt.

J'aurais mille fois préféré qu'il se taise ! son intervention n'avait absolument rien de rassurant, à croire que même la mort de sa propre femme ne l'affectait pas ; je ne lui lançai pas le moindre regard et je restai figé contre la vitre de la portière avant, à regarder le paysage défilait. Lorsque nous arrivâmes au funérarium, une crainte s'empara de moi, j'avais peur de la voir dans un autre état, pâle, froide et sans vie. Je descendis de la voiture et malgré la douleur qui envahissait mon cœur, je fus très touché par la présence de Lana Reece, c'était clairement ma meilleure amie. Lana était originaire de Brighton, en Angleterre, née d'une mère écossaise et d'un père congolais. Sa famille s'était installée à Fontainebleau il y a deux ans et tenait un restaurant ethnique au centre-ville. Lana était ma seule amie, l'unique personne à m'avoir adressé la parole lorsque je suis arrivé au lycée François 1er l'année dernière. Elle aurait pu traîner avec n'importe qui, mais elle m'avait choisi, Lana Reece m'avait rendu important pour elle.

Ses parents l'avaient accompagné. Elle vint à ma rencontre et me serra dans ses bras, c'était très agréable. C'était tout ce dont j'avais besoin à ce moment précis. Sa maman me prit également dans ses bras, son père me rassura. Désormais dans cette pièce froide, malgré un décor chaleureux, je me tenais dans un premier temps à distance du corps, puis à pas hésitants j'allais la rejoindre une dernière fois. Je me tins tout près de mon grand-père, il rattachait son chignon, il le faisait à chaque fois que quelque chose n'allait pas. Peut-être venait-il de réaliser la perte de sa bien-aimée. J'osai lui caresser l'épaule, il resta immobile et ne bougea pas. Malgré nos défauts, nous devions désormais apprendre à vivre ensemble, sans mamie Ada. J'étais prêt à faire quelques concessions et ainsi honorer la mémoire de ma grand-mère. Je me décidai à poser ma main sur ses mains jointes, elles étaient froides, solides. Puis il était temps d'y aller. Nous montâmes dans nos voitures respectives, et formions un petit cortège en direction du cimetière. Après dix longues minutes de trajet, on arrivait enfin au cimetière, mes mains étaient devenues toutes moites et je me mis à stresser : fallait-il vraiment dire adieux à mamie Ada ? J'avais encore du mal à réaliser. En sortant de la voiture, je fus très surpris en découvrant le monde présent pour accompagner mamie Ada. Il devait y avoir une bonne trentaine de personnes. Je n'en connaissais aucune car mes grands-parents ne recevaient jamais personne à la maison et jamais personne ne nous conviait. Alors que je me dirigeais vers le groupe, une main se posa sur mon épaule, c'était M. Baudry, mon professeur principal : quelle surprise, qu'il ait fait le déplacement ! Ce fut une grande joie que de recevoir du soutien de sa part.

- Ta grand-mère était très fière de toi Maxime, me dit le professeur avec un regard doux et sincère.


Marlavant - Le cœur de la forêt - T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant