− Comment as-tu osé me faire une chose pareille ? Je tenais beaucoup à cette voiture, et tu le sais ! Elle est bonne pour la casse maintenant. Penses-tu que ça valait le coup de prendre ce risque et de jouer les rebelles ?
− Je suis vraiment désolé, je ne voulais pas en arriver là, mais je n’ai pas trop eu le choix. Yann et sa bande m’ont obligé à le faire. Ils me harcèlent sans arrêt et voulaient s’en prendre aussi à Lana…
− Eh bien, tu n’aurais pas dû céder, me coupa-t-il, furieux.
− Que voulais-tu que je fasse exactement ? Que je me batte avec eux ? À un contre trois, j’aurais pris une bonne raclée. La belle affaire !
− Eh bien, oui, tu aurais dû te battre, comme ton père l’aurait fait !
Je n’en revenais pas. Comment pouvait-il me balancer cela en pleine figure ? À croire que sa voiture était plus importante que moi. Je m’efforçai de retenir mes larmes, mais c’était peine perdue. Je ne pouvais plus garder en moi toute cette tension accumulée entre nous depuis la mort de Mamie Ada. Si elle était encore vivante, elle aurait compris la situation et m’aurait écouté.
« Tu ne veux jamais me parler de mon père, et tu t’en sers maintenant pour me dire que j’ai eu tort de protéger Lana. Mais quel hypocrite, criai-je ! »
Je savais au fond de moi que je dépassais les bornes, mais je me fichais des conséquences à cet instant. Un silence planait.
Il ferma les yeux et prit une grande inspiration, comme s’il voulait se calmer ou préparer une de ses répliques qui me mettraient K. -O. Au lieu de ça, il tourna les talons et ouvrit la porte de la maison.
− Cette discussion est terminée. Rentre et file dans ta chambre, répondit-il d’un ton sec et froid.
− Non, vas-y ! Parle-moi de mon père. Il aimait se battre ? Il affrontait ses problèmes sans les fuir, hurlai-je sans retenue, ce qui provoqua un écho retentissant dans notre rue.
Aussitôt, quelques lumières de voisinage s'allumèrent simultanément et des silhouettes tendaient discrètement leurs rideaux de fenêtres pour distinguer l’agitation nocturne. Mon grand-père balaya le sujet de la main et rentra dans la maison sans un mot de plus.
Je m’efforçai de sécher mes larmes devant un auditoire improvisé et j'entrai à mon tour en claquant la porte derrière moi. Je me dirigeai directement dans ma chambre et préparai mon sac à dos. Au sortir de cette journée rocambolesque, j’étais déterminé à quitter cette maison. Je trouvai des sous-vêtements, un jean et un sweat à capuche que j'enfouis anarchiquement dans mon bagage. Quelle vie demerde! Mes sanglots redoublèrent, alors je me jetai sur mon coussin et criai à plein gosier jusqu’à tousser de douleur. Après plusieurs secondes, je m’adossai à la tête de mon lit et je finis par me calmer en reprenant lentement mon souffle. Ma gorge me brûlait, et de mon lit, je récupérai ma gourde sur ma table de chevet.
Après une gorgée d’eau croupie, je balançai ma gourde sur mon bureau, mes mangas tombèrent par terre, mais autre chose les avait accompagnés dans cette chute. Je vis ce gros livre : c’était la Bible de Lana. Depuis qu’elle me l’avait offerte, je n’avais jamais eu l’occasion de l’ouvrir, mais à cet instant précis, j’avais besoin de quelque chose de différent. Je tapotai légèrement le gros livre pour le dépoussiérer, ce qui fit glisser un marque-page sur mon bureau. Je pus y lire un petit mot dont je reconnus l’écriture fine et gracieuse de mon amie : « Pour utiliser autre chose que ta grosse cervelle. Jésus t’aime, mon ami ». Je ne pus m’empêcher de rire en lisant ses mots et je repensai à toutes ces fois où Lana s’agaçait en me reprenant d’aller trop loin dans mes réflexions et de ne pas rester suffisamment simple pour capter l’instant présent.
J’ouvris le livre au hasard, car Lana m’avait expliqué que la Bible était l’un des seuls livres qu’on n’ouvrait pas toujours à la première page. Plusieurs histoires, plusieurs vies, plusieurs auteurs y décrivent une expérience que nous aurions perdue et dont seule une minorité moderne en aurait gardé l’essence. Alors, mes yeux se fixèrent sur le numéro sept qui est suivi de cette phrase : « J’ai combattu le bon combat, j’ai terminé la course, j’ai gardé la foi ». Je n’étais pas du genre à croire en une puissance supérieure, mais sur le moment cette parole me consola. J’étais esseulé dans une lutte incertaine, coincé entre l’espoir que représentait le nom de Véra et la muraille infranchissable qu'élevait mon grand-père sur mon passé. Ce combat était-il le bon ? La Bible venait de m’offrir la réponse, alors je remerciai d’un signe de la tête le ciel.
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Marlavant - Le cœur de la forêt - T1
ParanormalMaxime, un adolescent harcelé à l'école, se lance dans une quête pour découvrir son identité lorsque des jeunes commencent à disparaître mystérieusement dans sa ville. Avec l'aide de son amie Lana, ils enquêtent et découvrent que les disparitions so...