Marlavant - Le cœur de la forêt - T1

Chapitre 2 | L'embuscade - Part III

− Tu ne trouves pas l'attitude de M. Baudry étrange ? demandai-je à Lana.

− On dirait qu'il a été choqué, un peu comme tout le monde. Don't worry ! Ce n'est pas rare que des oiseaux se heurtent sur une fenêtre.

− Ils étaient une bonne centaine Lana ! Jamais des corbeaux n'avaient agi d'une telle manière.

− Ça, on n'en sait rien du tout, beaucoup de choses arrivent à cause du réchauffement climatique, je crois que ce sont des signes que El nous envoie pour nous avertir.

− C'est qui El ? Et nous avertir de quoi selon toi ?

− Bah dire El, c'est comme dire Dieu, on en avait déjà parlé...

− Ah oui, c'est vrai !

− Il veut nous avertir, de la fin de notre monde ! Je crois que celui-ci voulait dire : trop tard, votre merde se retourne contre vous !

Je ne croyais qu'à demi-mot Lana, mais peut-être avait-elle raison, la nature se retournait certainement contre nous. Pour Lana, la nature est un don de El, mais qui peut aussi être impitoyable et destructrice. Elle avait appris à respecter ses forces et à prier pour sa bienveillance, tout en sachant que la foi en El était la plus grande protection contre ses colères, disait-elle.

Sur le chemin du retour, ce même jour, je ne montais pas sur mon vélo, je préférais marcher. Je ne voulais pas rentrer trop vite à la maison. Depuis que mamie Ada n'était plus, l'ambiance y était bien trop pesante. Et bien que l'épisode des corbeaux fût très choquant, le graffiti sur mon casier l'était tout autant. « Suicide-toi », j'étais estomaqué par ces horreurs mais à la fois, pourquoi pas ? Je venais de perdre l'une des seules personnes qui m'aimait et que j'aimais, mamie Ada était ma grand-mère, mais je l'avais toujours considérée comme une mère.

« De toute façon, je ne manquerai à personne, hormis Lana peut-être, mais elle finira par m'oublier quelques mois après... qu'ai-je à perdre, sérieux ? »

Mes pensées devinrent de plus en plus sombres. Mon téléphone vibra et me fit sursauter. Je pris mon téléphone qui se trouvait dans la poche arrière de mon jean : c'était une notification sur Instagram. Mon cœur se mit à battre très vite, je craignais de recevoir de nouvelles notifications haineuses, mais je ne pouvais toutefois m'empêcher de l'ouvrir.

« Bingo ! » On m'avait tagué sur un post. Je ne me souvenais pas avoir été filmé, mais sur les vidéos, on me voyait bafouiller devant mon casier tagué en rouge. Une boule se forma dans ma gorge en voyant les commentaires haineux et moqueurs qui accompagnaient les vidéos. Désormais, tout le monde connaissait l'inconnu qui avait été ridiculisé par le fabuleux Yann Grange. Je rentrai chez moi à reculons, ne supportant plus de vivre dans cette maison devenue froide. À quelques mètres, j'aperçus de nouveau Yann, accompagné de sa bande, Boris et Sofiane. Je me mis à paniquer, alors je fis un demi-tour, mais c'était trop tard, ils m'avaient reconnu. Ils me rattrapèrent et m'entourèrent :

− Où est-ce que tu veux aller p'tite merde ? Tu ne sais plus où tu habites ?

− C'est bon Yann, lâche-moi un peu, tu ne t'es pas éclaté sur mon casier ?

− Non justement, pas assez on dirait, mais disons que c'est ton jour de chance aujourd'hui. Je te propose un petit marché...

Je redoutais vraiment ce qu'il avait à me proposer, mais je n'avais pas vraiment le choix de l'écouter.

− Je crois que je t'ai assez donné d'importance, j'aimerais m'attaquer maintenant à ta petit amie, Lana Reece, la sainte petite british.

− Ne t'approche pas d'elle ! criai-je sans retenue.

− Sinon quoi, Roux ? ricana Yann. L'autre, il veut jouer les caïds, maintenant ! Nan, t'inquiète, j'te charrie. Je veux juste une chose : conduire la berlinette de ton grand-père pour un tour en ville. Qu'est-ce que t'en penses ?