Loups Brisés (bxb) [terminé]

Chapitre 45

J'ai envie de hurler. Un cri long et plein de rage qui finirait peut-être par me briser les cordes vocales. L'air frais lié à la douleur me laisserait le goût âcre du sang dans la bouche. Les inconnus qui m'entourent me regarderaient avec horreur. Dans le miroir de leurs yeux je pourrais apercevoir le monstre, le fou qu'ils ont en face d'eux. En cet instant j'ai tellement besoin de céder à cet a priori qu'ils ont sur moi. Je crève d'envie de leur donner raison. De me laisser dépasser par cette envie méchante qui coule dans mes veines...

Mais pour aujourd'hui ce n'est pas sur eux que je dois me défouler. Parce que même s' ils sont contre moi, au fond ils sont insignifiants. Ce n'est pas eux qui risquent de me faire du mal. Parce qu'ils sont trop lâches pour m'affronter.

Cela fait des semaines qu'ils nourrissent leurs haines envers Zaïn et moi. Ils ont dû s'amuser à amplifier de plus en plus leur rage infondée à notre encontre. Mais jamais ils ne se seraient soulevés d'eux-mêmes contre nous. Ils n'auraient pas osé. Ce ne sont que de simples pantins. Et c'est leurs marionnettistes que je dois abattre à présent.

J'ai envie d'arracher à Julian ce sourire fou qui ne cesse d'étirer ses traits. Mettant en avant les rides précoces que la colère a sillonnées dans sa peau durant ses dernières années. Il pense que la victoire lui sera facile. Que je vais m'écraser devant lui à peine aura-t-il levé la main sur moi. Cependant il se trompe. Je le sens au creux de mon ventre. Une force inconnue et sombre s'y loge.

Oui il y a quelque chose d'obscur qui grouille encore au fond de moi. Il semblerait que la sorcière ait joué un mauvais tour à Zaïn. Parce que je le sais, je suis loin d'être guéri. Il reste encore bien trop de sa magie noir au fond de mon esprit et de mon cœur. Je ne serais plus jamais le même qu'auparavant.

Cette prise de conscience me fait douter un instant. Est ce qu'une fois que je me serais transformer, pour réduire mes ennemis en cendre, je pourrais reprendre forme humaine à nouveau ? Je l'ai bien fait toute à l'heure. Mais les choses étaient différentes. Parce que je n'avais pas besoin d'être fort. Je n'avais pas besoin d'invoquer le monstre.

- Zaïn ? J'ai adoré ces miettes de bonheur que nous avons partagé. J'espère que nous pourrons continuer d'y goûter. Mais il faut que tu partes maintenant. Je te rejoindrais. Je te retrouverais.

Je me tourne vers mon brun et tend doucement ma main vers sa joue. Sa peau froide et ses yeux vides de toutes émotions positives me terrifient. Que restera t-il de nous ? Alors qu'il me semble déjà mort. Déjà tellement vide et brisé par ces derniers jours.

Si je ne reviens pas il devra lui aussi se battre contre des fantômes. Mais nous n'avons plus notre lien d'âme sœur alors peut-être m'oubliera-t-il ? Je n'ai pas envie qu'il m'oublie. J'aimerais qu'il m'aime pour toujours. Qu'il me pleure chaque soir et qu'il prie pour que je rentre auprès de lui.

Mais cela est égoïste. Et ça ne peut que me faire sourire. Parce qu'être ainsi autocentré c'est tellement moi. Je n'arrive pas à lui souhaiter d'être heureux sans moi. Je ne voulais qu'il n'y ait que nous deux pour toujours. C'est ce qui aurait dû arriver. C'est l'ordre naturel des choses...

Seulement notre destin est différent. Nous ne sommes pas comme les autres couples. Nous ne leur avons jamais ressemblé. Des barrières se sont dressées sur nos routes bien avant que nous nous rencontrions. Peut être aurais je été moins méfiant si j'avais eu un père. Peut être que nous aurions dû n'être que des hommes. Des humains et pas des bêtes.

- Si tu ne reviens pas c'est moi qui viendrais te chercher Max... Peu importe où. Que ce soit à l'autre bout du monde ou bien six pieds sous terre. Cela n'a pas d'importance. Rien ne compte à part nous.

Il ferme un instant les yeux et tourne la tête pour embrasser ma main avant de se reculer. Nos yeux se retrouvent à nouveau et des milliers de promesses silencieuses lient nos regards et nos cœurs à jamais. Nous n'avons pas besoin de la lune pour savoir ce que nous représentons l'un pour l'autre. Rien ne changera jamais cela.

- A bientôt mon amour.

Peu importe à qui appartiennent ces mots. Ce qu'il faut retenir c'est que c'est la promesse la plus importante qui nous rassemble.

Zaïn se recule doucement et la foule s'écarte sur son passage. Le laissant fuir en silence la scène qui s'apprête à se dérouler. Je le regarde avec douleur puis me détourne de son image avant de m'écrouler. Ses pas se font plus lourds à présent. Il doit certainement être en train de courir loin de cette folie.

- La sorcière ne donne jamais rien gratuitement Julian. Tu lui as promis le sang de deux loups. Hors la vengeance semble t'avoir aveuglé. Zaïn n'est plus un loup à présent. Quant à moi... Je ne sais pas si ce terme pourrait me correspondre encore longtemps. Ce n'est pas notre sang qui coulera aujourd'hui. C'est le vôtre.

Mon adversaire fronce les sourcils en m'observant. Il semble refuser de me croire mais pourtant je suis certain qu'au fond il sait que j'ai raison. Zaïn vivra. Son frère ne peut rien contre lui puisque je l'arracherai bientôt à la vie, tout comme la douce Emma. De mon côté, il n'y a que mon humanité qui risque de périr ce soir.

- Et je dois avouer que je crains qu'il n'y ai pas que vous qui mourriez aujourd'hui. Nous aurions sans doute mieux fait de rester dans la forêt.

La meute se remet à parler autour de moi. Certains semblent s'inquiéter mais la plupart se mettent à rire ou encore à m'insulter. C'est certainement plus pour se rassurer eux que pour me faire du mal. Mais cela est vain.

Il est temps de quitter le navire. Il serait de bon ton d'éloigner les femmes et les enfants de la tempête qui s'approche.

Pdv Externe :

Au-dessus du village et des cris, il était presque impossible d'apercevoir les étoiles cette nuit-là. La faute à ces ombres floues qui volaient en chantant et en riant dans l'obscurité.

Les sorcières ont de tout temps détesté les loups. Leur plan d'anéantir la meute la plus puissante de la région avait fonctionné plus que de raison.

Emma et Julian sont morts en premier. Sous la force des griffes d'une bête monstrueuse aux yeux injectés de sang.

Par la suite, certains avaient préféré fuir tandis que d'autres avaient décidé de combattre. Ceux qui étaient restés n'avaient pas survécu.

Lorsque le massacre se finit, le monstre cria longuement à la lune.

Puis le calme revint enfin. Les ombres disparurent et le monstre s'assoupit.

Faut il se méfier du loup qui dort ? Oui. Celui ci ne dort que d'un œil. Et sa paupière clause plonge dans l'ombre ses derniers souvenirs d'humanités.