Chapitre 27

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Caché sous un buisson, sous ma forme lupine, j'inspire l'odeur de la forêt et tente de me détendre. Mais il semble impossible que Zaïn sorte de ma tête. Je n'arrête pas de penser à lui et à notre dernière semaine passée ensemble. J'ai appris à aimer ses rires, à attendre son retour à la maison chaque soir. Je suis indéniablement en train de m'attacher à lui, et cela me fait peur.

Parce que si je commence à l'aimer il pourra me faire beaucoup plus de mal. Il m'en fera forcément sans même m'en rendre compte. Mais s'il finissait par y prendre goût ? Les mots de la sorcière, que j'avais presque oubliés, me reviennent soudainement en tête. Si je me laisse faire, il me privera de liberté, et je serai trop accro à lui pour me rebeller. Pour ma sécurité il ne faut pas qu'il me marque. Jamais. Si je pense de façon rationnelle c'est ce qu'il faut que je garde à l'esprit. Pourtant mon cœur à une tout autre vision des choses.

C'est mon âme sœur, j'aimerais avoir le droit de lui faire confiance. Et accepter d'avancer avec lui. Au fond de moi je rêve que notre relation évolue, que nous passions notre temps à rire ensemble de tout. Qu'il m'embrasse comme il ne l'a jamais fait avec personne. Et qu'il m'aime d'une façon qui m'a tant manqué au cours de ma vie.

Mes pensées dérivent soudain vers mon enfance et j'ai un pincement au cœur en repensant à maman.

Flashback :

Je regarde les images de dinosaures sur un grand livre au fond de la salle de classe. Moi aussi j'aimerais beaucoup avoir des ailes quand je serais plus grand. Mais les loups ne savent pas voler malheureusement. La porte s'ouvre soudain et je me redresse avec un grand sourire, c'est forcément maman.

Pourtant c'est un monsieur qui entre dans la classe, je me rassoie directement et me cache à l'aide de mon livre. Je n'aime pas les hommes, ils sont trop grands, ont une grosse voix et surtout, ils sont méchants. J'ai de la chance de n'avoir qu'une maman. Même si les enfants se moquent de moi parce que je n'ai pas de papa. Ils sont jaloux, c'est maman qui me l'a dit. Les papas mentent tout le temps et ils tapent très fort leurs enfants. Alors que les mamans ne tapent pas fort et disent toujours la vérité, même les vérités qui sont moches.

-La maman de Max n'est toujours pas là ? C'est elle qui compte te payer tes heures sup peut être ? Le monsieur rigole et sourit à ma maîtresse. Celle-ci soupire un peu.

-ça ne risque pas d'arriver, c'est comme ça depuis le début de l'année et elle ne s'est jamais excusée. Heureusement que son fils est mignon. Loulou ? Tu viens dire bonjour ?

Je redresse la tête vers la maîtresse et hésite. J'aime bien qu'elle m'appelle loulou, elle est gentille. Mon regard se détourne vers le monsieur qui me sourit et me fait coucou. Je finis par prendre mon doudou contre moi et me lève pour les rejoindre. Je traîne un peu des pieds et viens me tenir contre la jambe de ma maîtresse.

-Bonjour, je m'appelle Maxence, j'ai bientôt cinq ans. Et je suis dans la classe des abeilles avec Sylvie.

Elle m'ébouriffe les cheveux et m'applaudit un peu.

-Bravo ! C'est une très belle présentation, je suis fière de toi.

-Adorable, je n'ai rien à faire ce soir. Tu veux que je te le garde ?

Mon regard se porte à nouveau sur cet homme. A présent il me semble immense, ses yeux noirs me fixent et un grand sourire étire ses traits. Cette lignée de dents blanches déforment sont visages le rendant effrayant, monstrueux. Il se penche un peu vers moi, me faisant disparaître dans son ombre et une immense main vient tapoter le sommet de ma tête. J'ai l'impression qu'elle cherche à me rendre encore plus petit face à lui, à m'enfoncer dans le sol.

-On sera bien tous les deux en attendant ta maman non ? Entre mecs ?

Sa voix grave semble me menacer, elle est trop forte. Est-ce qu'il me crie déjà dessus ? Il va me taper, me faire du mal. Et il en fera aussi à maman quand elle viendra me chercher. Je ne veux pas être seul avec lui.

Soudain la porte s'ouvre à nouveau et mon visage s'illumine en reconnaissant ma jolie maman. J'accoure à elle et vient me cacher dans ses jambes retenant mes larmes puis cherche à agripper sa main pour que nous nous enfuyions vite d'ici.

-Du calme Maxence. Je suis fatiguée, je n'ai pas besoin de te retrouver tout énervé. Vous lui avez encore donné du sucre ?

-Et bien il a goûté comme les autres oui. Comme vous ne lui préparez pas de gamelle je lui ai donné un petit brownie mais...

-Je vous ai déjà dit d'arrêter. Il est intenable sinon, il doit avoir un problème. Vous pensez qu'il est hyperactif ?

Je me tourne un peu vers ma maîtresse mais mon regard croise à nouveau celui de l'homme. Il me regarde un instant avant que ses yeux sombres ne se portent vers ma mère. Et je comprends tout de suite qu'il ne l'aime pas. Qu'il va vouloir me l'enlever. Sans me retenir je me mets à crier et à pleurer. Tapant en même temps les jambes de ma mère pour la forcer à bouger. Celle-ci se met à me hurler dessus, puis me traîne dans la cour avant que sa main ne vienne se porter à ma joue. Nous sommes sauvés.

Fin du flashback.

Je souffle doucement du nez. Je ne me souvenais pas de ce moment. Il me semble étrange qu'il me revienne soudainement en tête. En réalité, je ne me souviens de presque rien avant mes douze ou treize ans, comme si j'avais décidé de tout effacer.

Toujours caché sous mon buisson j'attends que le groupe de jeune que j'encadre finisse par me trouver. Aujourd'hui le cours porte sur leur capacité à débusquer un ennemi. J'espère que je ne suis pas en train d'attendre comme un con pendant qu'ils prennent tranquillement leur goûter.

J'inspire pour sentir s'ils se rapprochent de ma position ou non mais c'est une odeur étrangère qui me parvient. Il y a un étranger sur notre territoire. J'étais tellement perdu dans mes pensées que je ne l'ai pas vu venir. Et qu'en est-il de lui ? M'a-t-il repéré ?

Un grognement sourd répond à mes interrogations. Merde.



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Loups Brisés (bxb) [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant