chapitre 3

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Face à cette vision, mon sang ne fait qu'un tour avant que je ne me retourne pour prendre la fuite. Heureusement, je n'avais pas besoin de réfléchir pour que mes jambes me guident en direction du village de la meute. Mes pieds nus martelaient la terre à grande vitesse pour m'éloigner de ce fou. A quelques mètres derrière moi, je peux l'entendre crier pour m'ordonner de revenir, me dire je suis à lui. Je sens également cette pression familière autour de mon crâne, me prévenant qu'il essaie d'utiliser son aura pour me faire céder. Mais ce n'est pas mon alpha, je n'ai pas à lui obéir.

Sur cette pensée j'arrive enfin à me transformer à nouveau et cours trois fois plus vite. J'entends qu'il continue de me poursuivre, et je souris intérieurement en sachant que je le conduis droit vers chez nous. Seul contre lui je ne pouvais certes pas me défendre, mais que pourra-t-il donc faire face à l'ensemble de ma meute. Nous allions nous débarrasser de lui et je n'aurais plus à m'inquiéter de toute cette histoire. Finalement, j'allais sans doute revenir sur ma décision de ce matin et rappeler Emilie dès ce soir. Ma fierté de mâle avait grandement besoin de se réconforter dans ses bras. Et cette nuit, je dominerais sans nul doute nos échanges.

Enfin, je vois la lisière des bois se dessiner face à moi, bientôt quelques maisons apparaissent dans mon champ de vision. Le soulagement de retrouver les miens enlève un poids de mes épaules et je redouble d'ardeur pour les rejoindre.

J'arrive enfin sur la place sous le regard ahuri de tout le monde. L'alpha les a certainement tous regroupés afin de les prévenir de la présence d'un intrus et de l'état de santé de Jaime. Je me suis à peine arrêté et transformé pour dire à ma meute que l'ennemie est à mes trousses que celui-ci se retrouve face à moi.

- Tu cours vite mon amour... Mais n'espère pas m'échapper, je te retrouverai toujours. Tu m'entends ?

Sa voix est douce et il vient exercer une légère pression sur mes épaules, comme s'il voulait me rassurer. Mais ce tableau rassurant cache la puissance avec laquelle il me projette son aura. Elle est tellement forte que j'en ai le souffle coupé et doit résister pour ne pas avoir à poser un genou à terre.

Que cherche-t-il à faire ? Je n'ai pas à me soumettre face à lui ! Notre lien est faux ! Cela ne peut pas exister.

Les couples homosexuels sont très rares chez les loups. Et lorsque cela arrive c'est plus généralement lorsqu'un membre du couple est un oméga. Des couples de bêtas existent également plus rarement. Mais cela doit représenter moins d'un pourcent des âmes sœurs. Et je n'avais jamais entendu parler d'un couple entre un alpha et un bêta, que ce soit chez les hommes ou les femmes.

De plus je n'étais pas gay ! Bien sûr vers mes seize ans je me cherchais un peu. Lors d'une soirée arrosée j'avais fini par embrasser un oméga qui n'arrêtait pas de chercher à capter mon attention. Mais ce n'était pas allé plus loin et je n'avais jamais eu envie de réitérer l'expérience. Si ?

****

Flash-back

Cela faisait un moment que j'avais perdu la notion du temps à présent. Les basses d'un son de techno faisaient trembler les murs de la maison et je tanguais depuis longtemps avec eux. C'était le but recherché, j'avais bu plus que de raison afin de m'accorder enfin un peu de détente, je le méritais bien. Et puis je n'étais clairement pas le meilleur danseur alors l'alcool m'aidait à me désinhiber.

Dans mon dos j'avais la sensation qu'un regard me brûlait la nuque. Me tournant pour voir d'où ce sentiment provenait, mon regard rencontra avec surprise celui appuyé d'un garçon. Je le connaissais, nous avions sport ensemble au lycée depuis le début de l'année. Et j'avais déjà surpris ses regards de détraqué à plusieurs reprises. Hugo était assis sur les marches de l'escalier à l'autre bout de la salle, seul comme à son habitude. Ce mec était un Oméga, aussi il était impensable que je sois le premier à baisser les yeux. Je continuais donc de le fixer jusqu'à ce qu'un sourire moqueur étire ses lèvres et qu'il lève les yeux au ciel.

Finalement plus intrigué que énervé par son attitude, je quittais la piste de danse pour le rejoindre. Une fois posté devant lui, je croisais les bras et lui servais mon sourire le plus arrogant en le regardant de haut.

- T'as un problème Hugo, ça ne te suffit plus de me mater sous la douche ? Tu cherches les emmerdes ?

- Non, j'ai aucun problème. J'attendais simplement que tu te décides à venir me parler.

- Comment ça ? On n'est pas pote. J'ai rien à te dire.

- Détends toi... Je vois bien les regards que tu me lances au lycée. Je ne dirais rien à personne si tu veux. Ça restera entre nous.

Je le regardais sous le choc face à cette déclaration. Ce mec inversait complètement les rôles, je ne le regardais jamais ! Avant que je ne puisse le contredire, il agrippa ma main et m'entraîna derrière lui dans les escaliers. Mes joues rougirent instantanément, certainement de peur que quelqu'un nous voit et s'imagine de fausses histoires. Je ne voulais en aucun cas que nos prénoms puissent être mis ensemble dans la même phrase !

Hugo me guida jusqu'à une chambre vide et je regardai avec surprise la bouteille de vodka qui traînait au milieu du lit. Il avait prévu son plan à l'avance ? Il me prenait pour sa proie qu'il avait réussi à ramener dans son piège ? Le petit blond me lâcha le poignet, me laissant les bras ballants dans l'encadrure de la porte. Puis alla s'asseoir à côté de la bouteille, en dévissa le bouchon et prit une gorgée avant de toussoter. Je ne pus m'empêcher de rire en le regardant.

-Laisse tomber gamin. Tu devrais rester aux cocktails.

-Ah oui parce que je ne suis pas un dur ? Mais toi t'es un vrai homme hein ? Viens me le prouver petit bêta de mes deux.

Je fronçais les sourcils et vins sans réfléchir lui arracher la bouteille des mains. J'étais un vrai bêta, d'accord je n'étais pas aussi carré que mes camarades mais ça ne changeait rien. D'ailleurs je savais que j'étais capable d'en mettre quand même la plupart au tapis sans problème, j'étais endurant, rapide, technique... J'en avais marre qu'on remette en cause ma légitimité en tant que dominant.

J'approchais donc le goulot de ma bouche et buvais plus de gorgées que nécessaire. Juste par ego. Même si c'était complètement stupide. Avant de lui lancer un regard brillant de fierté et de défis.

- On fait un jeu ? Je pose des questions et si tu ne réponds pas honnêtement tu bois.

Le jeu n'avait pas duré longtemps, une nouvelle fois il savait exactement dans quelle direction il voulait me mener. "Est ce que je t'attire ?" Je n'avais pas su quoi répondre, parce que je ne voulais pas le vexer, parce que mon esprit était trop embrumé par l'alcool.

A ce moment-là nous étions tous les deux étendus sur le lit et nos corps étaient tournés l'un vers l'autre. Je n'avais eu qu'une petite amie, Élise. Nous ne nous étions jamais retrouvés ensemble dans un lit. Est-ce qu'avec elle j'aurais été tendu ? Timide ? En tout cas, je n'en avais jamais eu envie. Pourtant Elise était jolie, tous mes amis me répétaient à quel point elle était bonne et que j'aurais dû en profiter. Mais elle n'avait pas un aussi beau sourire, ses cheveux étaient moins doux, son odeur me plaisait moins...

- Tu m'attires depuis un moment Max...

Avant que je n'ai pu enregistrer sa phrase, ses lèvres avaient percuté les miennes. Et cela avait été tellement simple, tellement juste que je m'étais laissé faire. Pire, j'y avais participé avec envie. Nous avions passé des heures à nous embrasser et à nous caresser cette nuit-là. En me réveillant le lendemain seulement vêtu de mon caleçon et avec une gueule de bois horrible je m'étais dépêché de m'enfuir.

Par la suite, je n'avais pas répondu à ses sollicitations répétées. J'avais envie de me faire une place dans la meute, qu'on me respecte car je le méritais. Je n'avais vraiment pas besoin de me faire remarquer pour que certains me traitent de "pédé". Je n'en étais de toute façon pas un. Alors j'avais commencé à réellement m'intéresser aux filles. De toutes les origines, tailles, corpulences, styles. J'en changeais comme de chemise avec une facilité qui déconcertait et rendait jaloux les autres jeunes de ma meute. Et j'en étais fière, ainsi je n'étais pas le petit Max tout menu. Non, j'étais un séducteur, mon corps svelte mais musclé plaisait plus aux humaines que les corps de géants rugbyman qu'arboraient mes amis.

Oui j'étais hétéro. Hétéro.

Loups Brisés (bxb) [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant