Chapitre 17 - John Lovelace

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Barnsley, 26 Mai

Sa proie se trouvait devant lui, désarmée et résignée. Il aurait aimé voir un peu plus longtemps le désespoir sur le visage de cet homme qui lui avait arraché son père spirituel, des années auparavant. John ferma les yeux quelques instants. Ses pensées s'envolèrent pour Gulliver et une douce chaleur enveloppa son cœur.

Ce monstre allait enfin payer pour avoir abattu de sang-froid un être bon et empli de compassion. Gulliver l'avait sauvé du fléau qu'est le cancer, lui avait offert une seconde chance. Puis la lycanthropie lui permit, quelques années plus tard, de sauver la vie de sa fille, Lottie, ainsi que Garett, leur chauffeur. Le vieil homme avait bouleversé sa vision étriquée du monde. Les lycans ne sont pas mauvais, ce sont les Hommes qui les acculent jusqu'à la faute.

Les Hommes qui, effrayés par la différence et par la force des Loups, avaient façonné les chasseurs et des armes pour les soumettre, voire les exterminer.

Non, les Hommes n'apprenaient jamais de leurs erreurs. Malgré les conséquences, parfois terribles.

John en était venu à cette conclusion : l'Homme n'était ici que pour le plaisir de détruire, il lui semblait alors naturel qu'un jour, ce fléau planétaire en subisse les réelles conséquences. Lui-même n'avait pas été tout blanc, de sa vie d'Homme. Ce n'est qu'après qu'il comprit.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, John plongea ses yeux clairs dans ceux de celui qu'il avait considéré jadis comme un ami, comme un frère. La détermination et la fierté dans le regard de ce sale type ne l'enchantaient guère. Il voulait voir dans la beauté de ce vert toutes les nuances de ces sombres émotions. Celles qu'il avait lui-même vues, dans l'azur de ses iris, les jours suivant la mort de Gulliver.

Un sourire mauvais naquit à la commissure de ses lèvres et John baissa son arme. Ses deux hommes vinrent encadrer Richard pour le dissuader de tenter quoi que ce soit de stupide, ou d'audacieux. John savait qu'il n'avait pas affaire à un chasseur né de la dernière pluie, et rester précautionneux ne lui coûtait pas grand-chose.

Lorsqu'il arriva à hauteur du chef de famille, John le transperça de son regard méprisant, et le surplombait de toute la hauteur de son mètre quatre-vingt-dix-sept.

Les yeux de Richard s'assombrirent, et un seul mot s'éleva de la gorge sèche du chasseur :

— Pourquoi toi ?

Le sourcil droit de John s'arquait, renforçant le mépris sur son visage. Il osait... demander pourquoi ? La mâchoire du lycan se crispa sous la colère et John souffla longuement pour tenter d'évacuer toutes les images violentes qu'il avait en tête, sa douce vengeance pouvait attendre encore quelques minutes. Ses subordonnés ressentaient l'odeur de rage intense que leur Alpha dégageait et peinaient eux-mêmes à contenir leur soif de sang.

John repris le contrôle, cependant. Et une fois certain de pouvoir se maîtriser, il porta de nouveau son attention sur sa proie. Il laissa lourdement tomber :

— Pour te punir d'un crime impardonnable. Pour laver le sang et l'honneur des innocents.

Une seconde durant, John put lire le regret sur le visage de l'homme, à genou devant lui. Un grondement sourd s'éleva des gorges des deux lycans que l'alpha fit taire d'un regard. Pour garder contenance, celui qu'on appelait le Loup Blanc se mit à faire les cent pas dans le couloir. La douleur enserrait sa poitrine, fourbe. Il avait encore de l'attachement pour ce vieil ami qui serait, de son propre fait, sa dixième victime.

Bien sûr, ce nombre n'incluait pas ceux qu'il avait fait tuer, ou ceux morts par sa faute. Mais ils n'étaient pas beaucoup plus nombreux.

Sa main passait nerveusement dans ses cheveux argentés et libérait certaines mèches de leur prison de cire, tombant alors sur les tempes de John. Richard ne savait probablement même plus faire le tri parmi tous ces lycans dont il avait pris la vie sur simple demande. Sans même chercher à comprendre.

L'Héritage du Chasseur : Le Loup parmi nous.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant