Chapitre 44 - John Lovelace

24 8 4
                                    


Combe Martin

25 Décembre

Le stress et la rancœur formaient une tornade insupportable au creux de son ventre. Rien n'allait dans son sens, ces derniers temps.

La survie de Lafayette Wentworth. Son ralliement avec Mona McIntosh. Leur intervention presque à temps pour sauver les Abbot. Beaucoup de coïncidences pour que cela soit plausible.

Il y avait une taupe au sein de la meute.

Il avait pourtant d'autres chats à fouetter. Les vampires commençaient à bouger. Thomas n'avait probablement pas apprécié qu'une famille de chasseur se fasse massacrer par des vampires. Il lui devenait difficile d'accuser les lycanthropes. Pas tant qu'il n'avait pas récupéré Archibald Wentworth. Enfin... ce qui habitait son corps. John n'avait pas la moindre idée de ce dont il s'agissait, et Lottie semblait faire chou blanc également.

Ça aussi, c'était une sacrée préoccupation.

Quand son cheminement de pensée le ramena à Lottie, l'affaire de la taupe refit surface.

Lottie. Sa propre fille, sa chair, son sang.

Ses doigts pianotaient sur le siège de la banquette arrière. Jared conduisait. Il était temps de payer une petite visite sur le camp de Combe Martin, histoire de secouer un peu leur deux invités chasseurs. Sa main vint gratter sa barbe argentée de plusieurs semaines désormais.

Plus il y songeait, moins il y avait de possibilité. Jacob ou Lottie ? Est-ce que l'un et l'autre était réellement discociable ? Jake passait son temps derrière sa fille. Il avait laissé faire, imaginant que ce jeune loup serait quelqu'un de bien, de stable pour sa fille. Probablement plus adéquat que ce petit con de Wentworth.

Il s'était trompé sur toute la ligne. Et à tous les niveaux. Non seulement sa fille n'avait jamais lâché l'affaire avec le fils de Richard, mais en plus Jake l'avait potentiellement trahi. John croisa le regard de Jared dans le rétroviseur. Son bras droit lui adressa un sourire compatissant. Même lui en était capable, avec son Alpha. Ce dernier ne savait plus quelle émotion dominait réellement, en ce jours nuageux. Déception, colère, amertume... Mélange aussi infâme que la neige fondue souillée par la boue sur la route qui les menait à Combe Martin.

À leur arrivée, Garrett et Lottie leur réservèrent un accueil chaleureux. John pris le parti de ne rien laisser paraître de ses doutes. Il voulait considérer sa fille innocente jusqu'à ce qu'il ait une preuve irréfutable du contraire.

Il la serra dans ses bras forts et embrassa son front avec sa tendresse habituelle. Garrett lui tendit la main avant de lui demander :

Qu'est-ce qui t'amène, John ?

J'avais à faire dans le coin, j'en profite pour rendre visite à ma fille. Elle me manque.

Si j'avais autorisation de rentrer à la maison, ça serait différent...

Rien ne t'empêchait de me passer un coup de fil. Vu la facture, tu sais t'en servir.

Sa fille unique lui adressa une grimace. Il perçu au travers une once de panique. Elle pensait vraiment pouvoir lui mentir ouvertement ? Elle était sa chair, bon sang ! Le père de famille préféra passer à autre chose, ils règleraient leur compte entre eux, Jared et Garrett n'avaient pas besoin d'être témoins de leur désaccord. En ces temps incertains il fallait préserver le sentiment d'unicité au sein de la meute.

Il va falloir accélérer le mouvement sur les mines, ça commence à sentir le roussi du côté de Londres

Thomas a déjà commencé à bouger ?

Garrett ne vit pas l'expression interrogatrice de la jeune femme à sa gauche. John lui lança un regard glacial. Ce crétin allait tout foutre en l'air.

Comment ça Thomas ? Thomas Blair ?! Qu'est-ce qu'il a à voir dans nos affaires, lui ?!

Lottie, combien de prisonnier tu as pu transformer ?

Tu changes carrément de sujet ?! Merde Papa ! Ça à l'air grave !

Ça ne l'est pas. Lottie. Combien ?

La colère rendit le ton plus sec qu'il ne l'aurait voulu. Il avait utilisé la voix de l'alpha sans s'en rendre compte. La culpabilité s'infiltrait dangereusement sous sa peau. La réaction de sa fille n'aida pas à l'apaiser :

Ils sont trop faibles pour qu'ils tiennent le choc de la mutation. Tu me demande l'impossible papa. Surtout qu'ils sont en contact avec l'argent pendant trop longtemps pour qu'il ne reste aucune particule dans leurs poumons.

On va procéder autrement, dans ce cas. Jared ?

Ouaip ?

La prochaine cargaison, tu l'amènes au manoir, on va demander à Jacob de s'en charger. Ceux-là seront sains.

Papa ! tu ne peux pas lui demander ça ! tu sais comment il est... il !

Il est temps qu'il prouve sa loyauté. Il fera ce que je lui ordonne.

Lottie voulu protester à nouveau, le grondement sourd dans la gorge de son père l'arrêta. Figée, elle détourna le regard et se mit à fixer ses chaussures. John ne supportait plus de la voir remettre en cause ses décisions et son autorité. Il lui fallait cependant lutter pour ne pas laisser son amour pour elle mettre à mal sa position d'Alpha. Elle se mordit la lèvre pour s'empêcher de pleurer, il le savait. Et la voir ainsi lui brisait un peu plus le cœur. La ressemblance avec Lizzie était plus frappante encore. John devait passer à autre chose, avant de céder à cette envie brûlante de prendre sa fille dans ses bras, de lui dire que tout allait bien entre eux, qu'il ne lui en voulait pas.

Je veux voir les prisonniers.

Ils... Ils sont à la mine en ce moment...

Et bien fait les revenir. Je vais aller boire un verre avec Jared en attendant. Lui aussi, il a hâte de les voir, pas vrai Jared ?

Oooooh oui. ♪

Le loup noir ne cacha pas son enthousiasme. Un bref sourire étira les lèvres de son leader. Jared lui avait toujours reproché d'être trop tendre avec sa fille. Le sujet les avait amenés à de nombreuses disputes. Les suspicions au sujet de sa fille lui avaient été soufflée par le loup noir. Si au début il avait refusé d'y croire, il avait dû admettre que cette hypothèse faisait sens.

***

Lorsque les véhicules ramenaient les prisonniers, John et Jared se tenaient sur la place centrale du camp. Les travailleurs, dispensés d'une longue et pénible après-midi de travail dans les mines, semblaient agréablement surpris... Jusqu'à ce que leurs regards inquiets ne se posent sur ces deux hommes imposants. Tous comprirent que ces derniers les attendaient de pieds fermes. Les galeries semblèrent soudainement rassurantes pour la majorité d'entre eux.

John aperçut dans la masse Levi et Archibald. Ces deux-là sortaient inévitablement du lot. Il se demanda soudain pourquoi il ne les avait pas envoyés dans des camps différents. Il aurait été plus sage de les isoler.

Le jeune Abbot se focalisait sur Jared. Son bras droit avait été particulièrement... passionné... pour son interrogatoire. L'héritier Wentworth, lui, avait cette colère aveugle que John ne connaissait que trop bien. Les paroles de Richard lui revinrent en mémoire :

« La vie t'a brisé John, et regarde ce que tu es devenu ? Que penses-tu qu'il adviendra de mon fils quand il se comprendra piégé dans un cauchemar sans fin ? Un utopiste brisé, tout comme toi. Et comme toi, il cherchera des réponses, et la vengeance. »

Il sentit la sueur perler dans sa nuque malgré le froid de décembre. Très brièvement, un éclat doré zébra l'iris du jeune chasseur. Cette... chose... serait la clé. De sa chute ou de son avènement. John en était persuadé.

L'Héritage du Chasseur : Le Loup parmi nous.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant