L'Héritage du Chasseur : Le Loup parmi nous.

Chapitre 26 - Levi Abbot

Durleigh, 9 Juin

Plus rien ne faisait sens, dans son esprit. Cela n'avait-il aucun à cause de la confusion causée par la soif, la faim et les blessures ? Ou bien Levi avait-il toutes les raisons du monde de trouver cette situation désarmante ? La fille unique de John Lovelace se tenait dans l'encadrement de la porte et avait fait fuir son bourreau en invoquant simplement le nom de son paternel. Pourquoi des lycans pourraient craindre cette famille ?

Réfléchir l'épuisait, sa bouche était à la fois pâteuse et sèche. Son corps roué de coups et de blessures, lui, le rappelait à la réalité : quand bien même Lottie Lovelace était un visage connu, il était en territoire ennemi. Il s'agissait là de sa seule certitude. Un simple regard vers sa main sanguinolente et extrêmement douloureuse le lui confirmait.

Une fois Jared éloigné, l'homme blond à la carrure impressionnante entra dans la pièce avec du matériel médical qui ne lui inspirait pas confiance. C'était lui qui était venu alerter Jared le jour où Archibald Wentworth était arrivé ici. Son teint hâlé et ses yeux ambrés contrastaient avec l'allure froide du bourreau. Ce type avait une dégaine de surfeur californien. Son apparence plus chaleureuse n'aida pas Levi à se sentir rassuré pour autant. Il restait probablement un loup, et non un Homme. La vision de scalpels, aiguilles et autre matériel médical le plongeait dans un malaise plus profond.

Toutefois, il ne put retenir un soupir de satisfaction lorsque le grand gaillard s'approcha de lui, pichet d'eau en main et le porta aux lèvres du prisonnier. Il but à grosses goulées sans y penser, sur l'instant, mais quand le froid du contenant quitta sa bouche, un regard interrogateur lui échappa.

Le surfeur blond noua sa tignasse en un chignon tandis qu'il s'affairait autour de la roulante. L'angoisse le saisit à nouveau aux tripes. Lottie prit la parole :

— J'ai pas pu récupérer ta phalange, tu m'excuseras. J'espère que tu n'y tenais pas trop, Levi.

— Plutôt une phalange que... le reste...

La louve étira le coin de ses lèvres, comprenant où le chasseur voulait en venir. Malgré le ton las dans sa voix, entendre qu'il n'avait pas perdu sa verve la rassurait. Lottie s'avança vers lui et sembla examiner son corps, contrariée et soucieuse. Le jeune humain, lui, n'était pas sans imaginer que quelque chose se tramait. Il osa demander, d'une intonation éraillée par l'épuisement :

— C'est un sauvetage ou une nouvelle procédure de torture ?

Lottie pouffa et s'appuya légèrement sur l'épaule du grand brun qui laissa échapper un grognement. Ses poignets blessés et douloureux supportaient déjà tout son poids, il n'avait pas besoin de celui de la blonde en bonus.

La jeune femme commença ses explications :

— Levi, mon cher Levi... Est-ce que j'ai la tronche de quelqu'un qui fait la charité ?

Un étrange éclat brillait dans les yeux noirs de Lottie tandis que son accompagnateur s'affairait sur les plaies de Levi, en particulier de sa main écourtée d'une phalange. Sous la surprise du contact et la douleur liée à sa blessure, Levi tenta de se libérer de l'emprise de Jacob. Ses iris anthracites dégageaient de l'appréhension et une certaine aversion qu'il ne parvenait pas à cacher..

Il reporta son attention sur la demoiselle qui faisait les cent pas dans sa cellule. Sa chevelure blonde cascadait dans son dos au rythme fluide de sa marche. Ses talons aiguilles résonnaient dans la pièce comme le tictac insupportable d'une horloge. Elle finit par fermer la porte de la geôle, se tourna vers le chasseur et prit enfin la parole après ce qui sembla à Levi une éternité :