L'Héritage du Chasseur : Le Loup parmi nous.

Chapitre 36 - Levi Abbot

Combe Martin

05 Août.

Levi gardait les yeux sur Archibald qui venait de subir dix coups de fouet. Le grand brun avait imaginé qu'il montrerait plus de signes de souffrance. À sa surprise, le visage du rouquin restait fermé, le regard figé sur un point imaginaire devant lui.

Levi n'avait pas vu son confrère depuis des années. Richard avait limité les réunions de chasseurs, ces derniers temps. La réputation de paranoïaque du chef de famille le précédait. Lorsque l'aîné des Abbot observait Archie, là, face à lui, l'envie de se moquer de Richard Wentworth lui passait. Sa paranoïa était justifiée, finalement.

Le convoi s'arrêta sur le bord du chemin. Les prisonniers devaient continuer à pied encore quelques minutes. Jamais les véhicules ne s'approchaient trop du village de Combe Martin. La mine se situait tout juste à la périphérie de la bourgade. Le camp, lui, était installé dans un ancien champ isolé par la forêt plus au nord, non loin de Knapp Down Lane.

Levi se dirigea machinalement vers le site de la mine, puis vers l'entrée des galeries. Une fois à l'intérieur, il était plus simple d'échapper à la surveillance des lycans, et pour cause : la seule sortie était également l'entrée. Le chasseur avait également compris rapidement qu'il était inutile d'imaginer s'en creuser une : les galeries les plus éloignées se trouvaient sous la mer. Une fausse manœuvre et c'était la noyade assurée.

La seule consigne était d'extraire un maximum du minerai d'argent encore présent dans ces vieilles galeries. Un quota par prisonnier et par jour était imposé. Régulièrement, l'objectif était impossible à atteindre. À moins de tomber sur un filon non exploité, au petit bonheur la chance. En cas de journée trop peu productive, les sanctions consistaient à de la violence physique ou de la privation de nourriture, parfois les deux.

Au détour d'un couloir, le grand brun en profita pour saisir la manche d'Archibald. Il le traîna avec lui vers les galeries les plus profondes, là où peu de travailleurs osaient se rendre à cause du manque d'air, d'éclairage et de hauteur.

Quand Archie se sentit suffisamment éloigné des loups, dont l'ouïe était plus fine, il saisit le poignet de son camarade d'infortune. Levi sembla distinguer dans la semi-pénombre un regard interrogateur.

Le plus grand s'accroupit dans le boyau rocailleux et se mit au travail tandis que l'autre ne bougeait pas d'un pouce.

— Tu t'fou de ma gueule ?

Levi laissa un sourire mordre sa joue. Son homologue semblait agacé de le voir se mettre au travail avec docilité. Le grand brun lui tendit un outil et lui répondit, tout à fait sérieux :

— Couvrir le bruit de notre discussion à venir me semblait plutôt être une bonne idée. Mais bon, si dix coups de fouet ne t'ont pas suffi...

Sans le voir faire, Levi entendit les bruits du plus jeune qui semblait finalement d'accord avec lui.

Une fois que le rythme régulier des coups de pioche emplit l'espace, le plus jeune se racla la gorge, visiblement impatient d'entendre ce que le plus âgé avait à lui dévoiler :

— Qu'est-ce que Lottie a pu t'expliquer ? Que je ne fasse pas doublon.

— Mon cousin Lafe est encore vivant, à priori nous ne sommes donc que deux survivants. John me garde parce qu'il a...

Archie laissa ses paroles en suspend durant quelques secondes qui parurent interminables. John a quoi ? Levi ne voulut pas le presser plus que nécessaire, mais sa curiosité le rongeait également. Lui non plus n'avait pas pu récupérer toutes les informations. Il se racla la gorge. L'intéressé sursauta et reprit en bafouillant :