𑄽୧ㅤ15

409 84 25
                                    

!

Chapitre Quinze - Histoire(s) de famille(s)

!

« Tu as fini de te plaindre ?

Dans trente minutes, je me barre. »

Chuuya priait de toutes ses forces pour soudainement disparaître par il ne savait quel miracle ; tant que cela lui permettait d'échaper à la torture de rester avec Dazai dans ce commerce, il était prêt à tout.

Le bleu et bronze lui adressa un rictus moqueur avant d'ouvrir la porte et de le laisser passer en premier avec l'attitude ― ridicule ― d'un soi-disant gentleman. En pénétrant dans la boutique, Chuuya fut surpris par son étroitesse. Il y avait un certain nombre de tables assemblées dans un espace plus petit qu'il ne l'aurait imaginé ; une grande partie d'entre elles étaient occupées, malgré le fait qu'ils soient encore en matinée et que le salon n'était, d'après la pancarte à l'entrée, ouvert que depuis une heure.

La gérante, Madame Pieddodu sans doute, salua Chuuya, avant d'adresser des salutations encore plus chaleureuses à Dazai lorsqu'elle l'aperçut derrière lui. Elle lui désigna une table qui semblait presque attendre le brun, la seule encore libre de la boutique, avant de s'empresser de se mettre au travail, comme si elle savait déjà quoi leur concocter.

« Cet endroit est moins... » Il chercha ses mots. « Niais que je ne le pensais.

― Tu t'attendais à un endroit couvert de rose et de cœurs ? se moqua Dazai. On n'est pas à la Saint-Valentin. C'est juste un salon de thé normal. Les élèves de Poudlard en ont fait un symbole du romantisme, mais c'est une boutique comme les autres. »

Il disait cela, mais en plissant les yeux, Chuuya pouvait apercevoir, sous la décoration hivernale aux couleurs de Noël, un grand nombre de mobilier rose et de peintures fleur bleue. La gérante avait juste fait de son mieux pour cacher cela avec les décorations de Noël ― il se demanda d'ailleurs pourquoi, puisqu'une décoration mièvre allait assez bien avec l'esprit de Noël commercial.

La femme leur apporta deux boissons chaudes ; Chuuya dévisagea d'un oeil circonspect le liquide pâle, probablement du thé au parfum obscur. Il n'aimait pas particulièrement cette boisson et, s'il avait eu le choix, aurait préféré ne rien se faire servir. Dazai semblait cependant parfaitement heureux par ce breuvage qu'il n'avait pas commandé et il s'empressa de siroter la boisson, un petit sourire aux lèvres.

« Pourquoi tu m'as emmené ici ?

― Parce que j'aime les thés qu'elle sert.

― T'as quel âge, soixante-dix ans ? » soupira Chuuya.

Il ne pouvait pas croire que, parmi tous les endroits où ce gars de quinze ans aurait pu l'emmener, il le traînait dans un salon de thé mièvre. C'était ridicule. En plus, il sentait ponctuellement peser sur lui des regards curieux. Sans tomber dans la paranoïa, il était certain que demain, cette histoire serait sur toutes les lèvres. Il pressentait déjà les questions à venir ― il y a quelque chose entre Dazai et toi ? pourquoi vous étiez au salon de thé de Madame Pieddodu ensemble hier ? Sur ce point, ils ne valaient sans doute pas mieux que les moldus ; Taeko lui racontait parfois comment, même à l'école primaire, tout tournait déjà autour des racontars sur la vie des uns et des autres. Chuuya trouvait cela ahurissant ― même s'il était un peu hypocrite, car lui aussi avait déjà apprécié d'être renseigné sur tel ou tel événement qui concernait tel ou tel autre élève.

« Comment tu connais les Akutagawa ? demanda Dazai après un long silence prolongé.

― On est dans la même maison, crut bon de rappeler Chuuya devant la stupidité manifeste de la question.

― Ouais, mais vous n'avez pas le même âge. Ryunosuke est en quatrième année, Gin en troisième. C'est pas comme si vous aviez des cours en commun. » Chuuya haussa les sourcils.

« Vous les Serdaigles êtes peut-être trop occupés à réviser pour vous souvenir du nom de tous vos camarades, mais à Serpentard, on se connaît les uns les autres, se moqua-t-il.

― Oh, répondit Dazai sans même chercher à défendre sa maison, quand bien même Chuuya avait employé les préjugés les plus évidents envers les Serdaigles pour se moquer. Je pensais que c'était lié au fait que vos mères étaient amies quand elles étaient à Poudlard. »

Chuuya le dévisagea en haussant un sourcil. Sa mère avait en effet mentionné, une fois, qu'elle connaissait Fuku Akutagawa ; on les appelait « les deux Fuku » à l'époque où elles étaient scolarisées au château, car sa mère à lui s'appelait aussi Fuku.

Fuku Niihara et Fuku Shinkishi, de leurs noms de jeunes filles. Il n'en savait pas beaucoup plus sur elles ; sa mère restait souvent évasive quand on venait à ces histoires « du passé » et il n'avait jamais voulu insister particulièrement.

« Comment tu sais ça ? se sentit obligé de demander Chuuya malgré tout. T'es même pas concerné. » Le brun haussa les épaules.

« Quand Ryunosuke Akutagawa est entré à Poudlard, je me suis renseigné sur lui. Je trouvais qu'il avait le potentiel de devenir batteur. En creusant un peu, j'ai appris que sa mère était impliquée dans un événement historique du château, et j'ai vu le nom de ta mère aussi. C'est tout. » Chuuya plissa les yeux. Il disait ça comme si ce qu'il faisait était particulièrement sain et rationnel. Et puis...

« Ma mère ne s'appelait pas encore Nakahara à l'époque, mais Shinkishi. » Dazai écarquilla les yeux comme un adolescent pris en faute ― même si Chuuya savait pertinemment qu'il avait déjà conscience de ce point faible dans ses explications vaseuses.

« On apprend des choses quand on parle aux tableaux, marmonna-t-il finalement. Tu devrais t'arrêter plus souvent. Certains d'entre eux sont très bavards. »

Chuuya devina auquel d'entre eux il faisait référence. Il faisait justement exprès de ne pas s'arrêter devant ― tout le monde fuyait le tableau de Shizuka Mori comme la peste. Tout d'abord parce qu'ils avaient peur du professeur Mori. Ensuite parce que son ancêtre était une langue de vipère et une sacrée commère qui savait tout sur tout le monde.

« T'es flippant. Arrête de te renseigner sur moi, je vais finir par croire que tu veux m'étrangler dans mon sommeil.

― Te jeter un Avada Kedavra, ça irait plus vite. » La facilité avec laquelle il prononçait ce sortilège inquiétait considérablement Chuuya.

« Et c'est quoi ? finit-il par demander pour changer de sujet ― il n'avait pas franchement envie de parler des moyens dont Dazai pourrait éventuellement le tuer un jour. Cet événement historique ? » Le brun lui offrit un grand sourire amusé.

« Tu vas voir. Encore aujourd'hui, le règlement porte des traces de cette affaire. »    

SUCRES D'ORGE & TROUBLE-FÊTE - 𝗯𝘂𝗻𝗴𝗼 𝘀𝘁𝗿𝗮𝘆 𝗱𝗼𝗴𝘀Où les histoires vivent. Découvrez maintenant