« Il va arriver, il est bientôt là, je le sens ! Ahahahaha ! J'ai tellement hâte de m'amuser avec lui ! » ricanait Angie tout en sautillant sur la chaise qu'elle avait déplacé devant la fenêtre pour jouir de la vue sur l'extérieur enneigé.
Donna, au même moment, contemplait d'un air désenchanté le bocal jaune rectangulaire qu'elle avait placé près de l'entrée, après avoir changé d'avis plus de cinq fois sur l'endroit où le laisser. L'étranger ne le verrait pas, bien sûr. Il ne verrait que ce que Donna voudrait qu'il voit, mais elle ne pouvait s'empêcher de veiller à ce genre de détail, quand bien même cela semblait absurde. Tout cela la rendait nerveuse, même si elle avait hâte que ça commence. Depuis combien de temps n'avait-elle pas accueillit de visiteur, après tout ? Combien d'années de réclusion avait-elle subit avant de recevoir un nouveau compagnon de jeu ? Cette simple évocation la faisait frémir d'impatience, bien qu'elle se gardât de l'exprimer avec l'enthousiasme exacerbé qui animait Angie. Elle laissa les petits frissons d'envie parcourir son corps en silence et se superposer à son trac qui grandissait à chaque instant. Une angoisse indéfinissable sommeillait en elle devant l'enjeu que tout ceci représentait. Mère Miranda avait été très claire sur ce qui devait être fait avec le mortel, s'il échappait aux jeux d'Heisenberg. Et tout portait à croire que c'était le cas. Elle devait donc se tenir prête à le recevoir et attendre de pied ferme.
Et en essayant tant bien que mal de repousser sa crainte, de l'enfermer derrière une porte et de la maintenir étouffée, elle parvenait au moins à admettre ce qui était évident : tout était prêt. Elle avait passé des heures à tout disposer dans la maison, à organiser dans les moindres détails la visite de l'homme qui venait chercher sa fille. Elle était à présent en phase d'accueillir le mortel, et il ne partirait pas. Elle ne le laisserait jamais s'échapper, même s'il ne veux plus jouer. Ils joueraient ensembles...
« ...Pour toujours ! » renchérit Angie, débordant d'une joie sadique.
Oui, pour toujours, pensa Donna. Il resterait jouer avec elles, comme les autres. Ils allaient même beaucoup s'amuser, elle le sentait.
Donna trouva à son tour une chaise et s'y laissa choir, avant de laisser Angie se blottir sur ses genoux. Elle câlina son amie avec tendresse et lui déposa un baiser sur le front. Son visage était découvert, exposé à la vue, ce qui ne dérangeait pas Angie. Elle était bien la seule à qui Donna le montrait encore, d'ailleurs. Brièvement, elle envisagea de mettre son voile pour accueillir son invité, mais jugea cette précaution inutile : Ethan Winters ne la verrait pas, de toutes façons. Il verrait ce que Donna voudrait lui faire voir.
Encore anxieuse, elle porta une main à sa figure et se palpa du bout des doigts, comme pour vérifier que la...chose était toujours là. Un sentiment mitigé, aigre-doux, la traversait en y pensant.
Repérant sur la table la tasse de thé encore fumante qu'elle s'était préparée, elle la saisit et trempa ses lèvres dedans, songeant avec une vague tristesse aux récents bouleversements qu'avait connus sa vie et son Village. Elle n'en avait pas parlé à Mère Miranda, mais elle n'appréciait pas cette histoire. Le fait que Mère Miranda veuille récupérer son bébé, son « véritable enfant », la blessait cruellement. Pourquoi voudrait-elle cela ? Donna et les autres n'étaient-ils pas ses enfants ? Et si la cérémonie avait lieu et qu'elle retrouve en effet son enfant spécial, qu'allait-ils devenir ? Donna allait-elle être abandonnée ? Mère Miranda n'aurait-elle plus besoin de ses autres enfants ?
Ces questions virevoltaient avec insistance dans sa tête comme des mouches perfides tourbillonnant autour d'un morceau de viande, malgré les tentatives d'Angie de la réconforter. Elle avait peur de ce qui allait se passer, bien qu'elle ignorât à quoi s'attendre Elle n'avait aucun moyen de savoir comment tout cela se finirait, mais aucune conclusion possible ne la rassurait.
« Tout compte fait, tout serait tellement plus simple si Rose n'existait pas » souffla-t-elle sans bruit pour elle-même avec amertume en glissant un coup d'œil sur le bocal près de l'entrée de la maison. Comme si elle avait lu dans ses pensées, voire dans son cœur, Angie approuva en répétant sa phrase.
Elle se surprit un peu à s'imaginer dans les bras de cet étranger, à désirer être dorlotée par ses bras paternels. S'évadant un peu plus loin dans ce songe, elle se projeta à ses côtés, le visage aussi normal que sur le tableau qui trônait dans le hall, et réalisa qu'elle adorerait être sa conjointe. Quelques secondes lui suffirent à le visualiser en courageux chevalier venue la délivrer de la situation dans laquelle elle en était venue à se laisser emprisonner. Elle le vit la prendre par la main et l'emmener loin d'ici, loin de Mère Miranda et des trois autres monstres. Elle imagina le couple qu'ils formeraient, avec Angie comme enfant à la place de cette Rose. Il était un bon père, de toutes évidences. Ce serait merveilleux qu'il adopte Angie. Ils s'occuperaient d'elle ensembles et Donna ne serait plus jamais esseulée. Elle serait une épouse attentionnée et une mère aimante. Quant à Angie, elle ferait une bien meilleure fille que Rose.
- Tu l'as dit ! S'écria Angie avec fierté.
Plus belle, plus rigolote, plus...
Donna interrompit le cours de ses pensées en réalisant, non sans honte, ce qu'elle était en train d'envisager. Comment pouvait-elle oser se faire de tels films ? Mère Miranda avait tant fait pour elle, et pour le reste du Village. De tels fantasmes n'étaient rien d'autre qu'une trahison. Si Mère savait que Donna pensait à cela, elle serait châtiée. Ces scénarios galopaient pourtant si souvent dans sa tête, ces temps-ci...
- Ah, espèce d'idiote...soupira Angie.
Donna lui caressa gentiment le dos pour toute réponse, comme pour conclure ce songe sot. Mère Miranda comptait sur elle pour « s'occuper » du mortel. Elle ne la décevrait pas. Elle serait une bonne fille. Une fille loyale et fidèle. Eh puis, le mortel n'allait pas venir la délivrer, ni l'aimer. « Faut pas rêver ! » comme lui rappela Angie. Mais peut-être apprécierait-il jouer avec elle. Peut-être accepterait-il de rester. Oui, voilà un espoir auquel elle s'autoriser à s'accrocher.
Lorgnant sombrement sur la couverture blanche et sur les sommets de montagne saupoudrés de neige qu'elle apercevait à travers la fenêtre, Donna se laissa aller à une rêverie qui la conduisit vers les tréfonds des souvenirs de son enfance. Que c'était-il passé après l'enterrement ? Tout était brumeux comme le nuage d'humidité qui s'élevait constamment autour de la cascade derrière la maison. Donna ne se remémorait son parcours que par bribes, comme des rêves à demi oubliés. Mais elle se souvenait de la douleur tentaculaire et morcelée s'enfonçant avec force dans les moindres recoins de son crâne. Elle se souvenait de l'enchevêtrement des évènements qui avaient mutilé puis gangrené sa vie, aboutissant à une horreur proéminente régnant en maître dans son univers. Une horreur qui s'était lentement décantée dans son environnement présent, granuleuse mixture d'une réalité déviante et d'un songe macabre. L'horreur avait vaincu, le conte de fée était mort.
Plongeant un peu malgré elle dans ces souvenirs assoupis qu'elle déterrait peu à peu, elle se revit petite fille. Divers instants de sa jeunesse la traversèrent, trouvant leur voie dans son esprit conquis par une folie exacerbée qui y avait élu domicile, tout en s'étalant dans l'espace enténébré autour d'elle.
Pendant ce temps, Ethan Winters progressait déjà vers son territoire, se préparant à tout. La complainte du vent s'engouffrant entre les arbres et les pierres ensevelies par la neige n'ébranlait pas le moins du monde sa détermination à retrouver Rose, sa fille unique. Pas plus que les menaçantes crevasses qu'il apercevait à travers les hautes montagnes, repaires possibles des créatures sanguinaires qui l'avaient déjà attaqués et qui n'en avaient sûrement pas fini avec lui. Guidé par cette volonté aveugle, inébranlable, il n'avait aucune idée des surprises que lui avaient préparé Donna, ni de l'accueil que lui réservaient ces petits amis, prêts à défendre leur maîtresse. Il n'était sûr que d'une chose : ce chemin, semé d'embûches, était le seul pouvant le mener jusqu'à l'embouchure du monde réel. Le monde qu'on lui avait pris.
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LA MARIONNETTISTE - Fan fiction Donna Beneviento - Resident Evil Village
FanfictionUne fan fiction en français d'environ 150 pages retraçant l'histoire du personnage de Donna Beneviento du jeu Resident Evil 8. Ceci est une nouvelle de fan basée sur les personnages de la licence appartenant à Capcom. Je ne possède aucun de ces per...