CHAPITRE 4

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« À de tels instants, il fixait les yeux aussi précisément que possible sur la fenêtre, mais hélas la vue de la brume matinale, qui cachait même l'autre côté de l'étroite rue, n'était guère faite pour inspirer l'allégresse et la confiance en soi. » Franz Kafka, La Métamorphose

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Les semaines qui suivirent l'intégration d'Angie dans la maison Beneviento et dans la vie de Donna se succédèrent sous un voile de gaieté. Une ambiance fort bienvenue qui contrastait de manière saisissante avec les précédents états d'âme de la fillette. Même si aucun changement n'était repérable de loin dans la maison perdue dans la brume et que celle-ci paraissait toujours aussi ténébreuse vue de l'extérieure, la vie de la Donna était clairement en train de prendre un nouveau visage. L'édifice lui-même lui parut plus coloré, plus jovial, comme s'il se réjouissait des progrès du moral de la fillette. Cette dernière se consacra dans un premier temps à faire visiter à sa nouvelle amie l'ensemble de la demeure, sans négliger le moindre recoin. Il y avait en effet beaucoup à découvrir : la maison était vaste, et pouvait passer pour un grand magasin d'antiquité, voire pour un musée qui contenterait les amateurs d'art classique et de curiosités. Sans oublier les quelques poupées exposées sur des bustes ou des étagères qui semblaient être là pour s'assurer de ne laisser aucun espace vide.

Chaque peinture et autre ornementation exposée sur les murs ou sur des bustes fit l'objet d'une présentation claire et précise à partir de ce qu'en savait Donna – c'est à dire, finalement, pas grand-chose. Elle revisitait ainsi sa maison sous un jour nouveau, grâce à la perspective inédite de la montrer à une amie. Outre quelques cas isolés, comme un Francis Bacon ici, le portrait d'un ancêtre par-là, ou même la photo en noir et blanc d'un jeune garçon aux côtés d'un chien qui avait toujours intriguée Donna, la majeur partie de la décoration avait pour thème les plantes et les fleurs. Un nombre non négligeable de toiles couvrant les murs montraient des représentations réalistes de diverses espèces de plantes en pleine floraison, dont les couleurs vives et les formes diverses donnaient une touche chamarrée à l'intérieur terne de la maison. Ce thème commun se retrouvait sur la vaisselle, ornée d'aquarelle de tournesol et d'asphodèle, mais aussi sur les motifs de la nappe de la salle à manger et celle destinée à prendre le thé. Cette quasi-omniprésence végétale résultait en grande partie du goût de Claudia pour l'esthétique des plantes, qui s'était visiblement transmise à sa fille. Cette dernière adorait chaque tableau mais le grand gagnant de son cœur était cette nature morte représentant un bouquet de fleurs jaunes qui ornait le mur du couloir près de l'atelier. A côté de celle-ci, la représentation d'une femme enceinte à l'encre de Chine vers la fin du couloir menant à l'atelier lui avait toujours paru assez sinistre, mais Angie lui trouvait un certain charme. A deux, elles arrivaient à mettre des mots sur cet intriguant tableau.

Quant aux pièces en elles-mêmes, Donna et Angie les exploraient de fond en comble, comme si Donna les voyait pour la première fois. La cuisine, le salon et les chambres, n'avaient plus de secret pour elle. Elle racontait à son amie de bois et de porcelaine comment elle aidait parfois sa mère à préparer les repas, transmettant ainsi à la poupée chaque petite astuce de préparation qu'elle avait apprise de Claudia. Elle lui expliquait aussi que la famille se réunissait de temps en temps dans le salon le soir juste pour lire, chacun un ouvrage à la main. Papa et maman lisait chacun un roman sur le canapé, tandis que Donna se plongeait dans ses livres de conte allongée sur le tapis, ou bien jouait avec d'autres poupées – elle évita de donner plus de détail sur ce point à Angie, de peur de la rendre jalouse.

Puis, ce fut au tour de la bibliothèque, où Donna montra à Angie ses livres préférés et fit un long résumé de chacun d'eux en étant assise sur un fauteuil bouffi et confortable. Débordant d'enthousiasme, elle en ouvrit quelques uns au hasard et, le livre sur un genou et Angie sur l'autre, lu à haute voix quelques pages. Le contenu de beaucoup de ces ouvrages était toutefois inconnu à la fillette, qui n'avait jamais ouvert la majorité d'entre eux auparavant. La pièce était une impressionnante réserve de connaissances où regorgeaient des centaines de blocs de papier occupant l'ensemble de l'espace que leur offrait les étagères. Trois murs sur quatre étaient consacrés à ces étagères remplies. Celles-ci, débordantes, ne suffisaient même pas à tout loger et des piles de plusieurs dizaines de centimètres de livres formaient des métropole miniatures sur le bureau et même sur le tapis, au sol. Dans cette même pièce, elle lui montra aussi le vieux projecteur que Pierrot avait récupéré dans une brocante. La famille s'y réunissait de temps en temps pour regarder un vieux film italien sur pellicule, assis sur les fauteuils bouffis qui étaient disposés en face d'un large écran blanc déroulé devant l'une des étagères de livres. Donna aurait voulu allumer l'engin pour faire voir à Angie comment il fonctionnait, voire regarder un film avec elle, mais était bien incapable de le faire marcher sans aide. Elle envisagea brièvement de tenter sa chance mais se ravisa, de peur de le casser d'une manière ou d'une autre. Elle montra toutefois à sa poupée l'ensemble des bobines de film qui reposaient dans la pièce voisine faisant office de réserve. Elle lui fit lire les titres et décrivit l'intrigue de chaque film qu'elle se souvenait avoir vu avec ses parents.

LA MARIONNETTISTE - Fan fiction Donna Beneviento - Resident Evil VillageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant