« Je vois se lever une lune de mauvais augure
Je vois un cortège de malheurs.
Je vois tremblements de terre et éclairs. »
J.C. Fogerty, Bad Moon Rising.
*
Dix jours venaient de s'écouler depuis l'incident où Donna avait été enfermée dans un sac en cuir de vache et elle n'avait pas quitté la maison une seule fois depuis. Il avait déjà fallu une semaine pour la faire sortir de sa chambre. Non pas qu'elle refusait d'obtempérer aux ordres de ses parents. C'était plutôt qu'elle réagissait à peine à ce qu'on lui disait. Trois journées avaient été passé allongée à contempler le plafond ou assise sur son lit, ne le quittant que pour répondre aux besoins vitaux. Son esprit semblait tourner à vide. Elle aurait pu rester immobile tel un légume sans la sensation fausse qui s'acharnait sur elle une bonne dizaine de fois par jour et encore plus souvent la nuit : l'impression désagréable que des insectes grimpaient sur elle, l'obligeant à passer la main sur les zones de son corps subissant la gêne, souvent des endroits difficilement accessibles comme le dos ou la nuque. Ces frémissements et chatouillements ne semblaient pas prêts à la laisser en paix, d'autant plus que la certitude d'apercevoir des petites bêtes grouillantes du coin de l'œil s'emparaient parfois d'elle. Lors de ces instants désagréables, Donna s'efforçait de chasser ces illusions mais ne pouvait s'empêcher de tourner ou de pencher la tête pour vérifier que son esprit lui jouait bien des tours. La nuit, le sommeil était long à venir, mais finissait par avoir raison de ses angoisses, peut-être grâce à la bonne vieille berceuse que procurait le son de la cascade.
Ce bruissement n'empêcha pas un effroyable cauchemar de troubler son repos vers le milieu d'une nuit sans lune. Émergeant du néant, elle se vit enfermée dans une sorte de cube à l'intérieur duquel seule une lumière rougeoyante filtrait. Une armée d'insectes rampants et volants, surgis d'on ne sait où, encerclèrent alors la fillette qui se réveilla au moment où ils entamaient leur attaque et commençaient à ramper sur elle. Donna, en pleurs, tenta de lutter contre le sommeil pour le reste de la nuit, de peur de se retrouver de nouveau confrontée à ces images atroce. Elle finit toutefois par s'endormir, bien malgré elle, plongeant dans un monde où aucun autre rêve ne fut suffisamment traumatisant pour qu'elle s'en souvienne.
« Vous êtes en chemin pour voir le magicien, Le Merveilleux Magicien d'Oz »
Une semaine, donc, durant laquelle Donna se nourrit à peine. Ce n'était pas faute d'essayer : sa mère tenta de l'alimenter comme un bébé en lui tenant la fourchette alors qu'elle était assise sur son lit comme un vieillard que ses fonctions cérébrales avaient déserté. Il fallait beaucoup d'efforts ou de patience pour qu'elle daigne ouvrir la bouche, même légèrement. Claudia ne cachait pas son air grave en constatant les réticences de sa fille, ainsi que sa maigreur désormais accentuée. Entre deux confections de poupées, son père vint plusieurs fois lui parler de choses qu'elle n'avait pas envie d'entendre et sur lesquelles elle avait encore moins envie de se confier. Des choses pénibles, qui traduisaient les inquiétudes de Pierrot envers sa fille, mais qui ne faisaient que lui rappeler les épisodes cauchemardesques de ses interactions avec autrui. En outre, Donna ne se voyait plus chercher à parler à qui que ce soit, désormais. Ses parents pouvaient dire ce qu'ils voulaient à propos de l'importance de se faire des amis, ça ne fonctionnait décidément pas avec elle. Du haut de ses huit ans, elle se savait désormais incapable de parler aux gens et encore moins de tisser de vrais liens avec eux. Le monde à l'extérieur de sa maison était sans pitié. Pourquoi aller chercher cette cruauté et l'inviter dans sa vie ?
Il aura fallu que sa mère se fâche pour qu'elle sorte au moins de sa chambre, quittant à contrecœur les quatre murs qui la gardaient en sécurité. Contrainte d'abandonner ce refuge pour affronter la plus vaste contrée qu'était le reste de la maison, elle développa une certaine amertume envers les insistances de sa mère, au point de visualiser cette dernière telle qu'elle imaginait la méchante belle-mère dans Cendrillon. Puis, à tour de rôle, elle devint la Méchante Sorcière de l'Ouest et la Reine de Cœur. Enfin, Donna se rappela à l'ordre, culpabilisant honteusement d'avoir donné des traits aussi peu flatteurs à sa mère. Elle se rappela qu'elle l'aimait de tout son cœur, s'obligea à se le répéter encore et encore, telle un enfant puni devant recopier maintes fois la même phrase. Sa rancœur était par ailleurs fébrile, voire insignifiante comparée à l'infinie tristesse qui la possédait et au souvenir hideux du sac en peau de bête qui la tourmentait inlassablement.
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LA MARIONNETTISTE - Fan fiction Donna Beneviento - Resident Evil Village
FanfictionUne fan fiction en français d'environ 150 pages retraçant l'histoire du personnage de Donna Beneviento du jeu Resident Evil 8. Ceci est une nouvelle de fan basée sur les personnages de la licence appartenant à Capcom. Je ne possède aucun de ces per...