Fanart par ClassyFruit.
« La peur, dit le docteur, est l'abandon de la logique, la renonciation volontaire aux schémas de pensée raisonnable. Soit nous la combattons, soit nous nous y soumettons, mais il n'existe pas de position médiane. » Shirley Jackson, La maison hantée
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Les journées et les nuits solitaires de Donna étaient jonchées de moments où son esprit, sans crier gare, s'aventurait dans des contrées peu accueillantes qui n'avaient rien à voir avec les paysages joviaux de ses rêves éveillés d'enfance. Des scènes de carnage, atteignant généralement leur apogée à la tombée de la nuit, forçaient la porte de son imagination avec de plus en plus d'aisance à chaque fois. Tel un serpent ayant trouvé une tanière confortable, ces scènes s'installaient en elle et entretenaient ainsi une boucle malsaine qui s'alimentait elle-même, nourrie par le confort de l'habitude et de la routine. Ces images d'une violence parfois inouïe venaient interrompre la jeune femme dans ses activités quotidiennes avec une facilité déconcertante, que ce fût pendant qu'elle lisait, tentait d'apprécier un film avec le projecteur, faisait la lessive ou le ménage, ou encore lorsqu'elle cherchait le confort du sommeil. Incapable de se faufiler dans les bras accueillants du repos et d'embrasser la sérénité du silence, Donna laissait les scènes se déroulaient dans sa tête avec une complaisance résignée. Il arrivait aussi que celles-ci imposent une fin prématurée à un repas.
Ces images variaient, mais leur essence était constant : un festival d'effusions de sang, un bacchanale de dépouilles éviscérées et surtout de cris de terreur battaient leur plein dans le monde en ruine qu'elle abritait derrière ses yeux. Cette pagaille assourdissante pouvait se prolonger jusqu'à, dans le pire des cas, dépasser une heure. Il n'était pas rare qu'elle ait lieu plusieurs fois dans la même journée ou dans la même nuit, semant un chaos invisible au sein de la bâtisse Beneviento qui autrement respirait le calme, comme dans toute maison occupée par une personne seule.
Malgré la confusion et le sentiment d'impuissance qui flagellait Donna durant ces instants sombres, sa complaisance à les entretenir facilitait l'emprise que ces tableaux sanglants dignes de Clive Barker et ces petits scénarios morbides avaient sur elle. Elle commençait à apprécier cet univers trouble où régnait la peur et la douleur. Fascinée par ses lectures, elle tentait même parfois de lui attribuer une certaine poésie et une forme de beauté qu'elle exprimait à travers le look de ses dernières poupées. Un observateur distant aurait aisément trouvé certaines d'entre elles lugubres, voire repoussantes au point de se sentir mal à l'aise en les regardant, mais Donna discernait une réelle splendeur dans ces créations tourmentées. Vaguement consciente de l'aversion de la plupart des gens envers ces horreurs, elle n'imaginait pas que ces modèles puissent rencontrer le moindre succès et les gardait donc chez elle, réservant à la vente des designs plus conventionnels de garçons et fillettes en bois et en porcelaine. Ainsi, l'intérieur de sa demeure était parsemée de quelques poupées au regard mauvais, parfois porteuse de mutilations sanguinolentes souillant leurs visages séraphiques. Certaines tenaient en main un – réel – couteau ou un scalpel, et d'autres pouvaient s'enorgueillir d'un large sourire sardonique traduisant la délectation que leur procurait l'idée du massacre. Il y avait bien sûr toujours des êtres plus neutres, plus ordinaires, simples jeunes filles inexpressives emballées dans des robes élégantes et garçons en costumes théâtraux, mais un visiteur attentif n'aurait pas tardé à comparer la maison Beneviento à un musée des horreurs. Donna, elle, éprouvait un attendrissement égal envers chacun d'eux.
Mais s'il y avait bien quelqu'un, à défaut d'un mot plus approprié, qui adorait ces thèmes sanguinaires et aimait évoluer dans un tel environnement, c'était Angie. La poupée qui résidait toujours dans le coin plus opaque de la tête de Donna avait développé un attrait apparemment illimité pour la cruauté de l'horreur et encourageait sa maîtresse, de l'intérieur, à y consacrer ses talents. Donna en était venu à soupçonner qu'Angie elle-même était l'instigatrice des images horrifiques qui s'insinuaient en elle et qu'elle avait une grande part de responsabilité dans ces phases de semi-contentement qu'elle éprouvait. La poupée, qui avait toujours eu une personnalité flamboyante et extravertie – que Donna avouait lui envier – semblait être passionnée par le morbide depuis le jour où elles avaient toutes les deux passées du temps dans le sous-sol. Ses inclinations tournaient parfois du côté du sadisme pur et évoquait expressément des désirs à assouvir, des besoins de pouvoir sur les gens. Cet appétit s'exprimait avec une telle fougue que Donna était parfois contrainte à faire de son mieux pour calmer le tempérament d'Angie, réprimandant verbalement son amie qui ne semblait pas décidée à changer quoi que ce soit à son comportement puéril. Elle était en outre très bavarde. Personne d'autre que Donna ne pouvait l'entendre, quand bien même la maison Beneviento aurait été peuplé d'une foule de personnes, mais elle aimait s'exprimer sans gêne et Donna absorbait ses états d'âme à longueur de journée. Ses discours pouvaient être envahissants, voire épuisants, résonnant dans la tête de Donna comme l'écho interminable d'un bombardement, et il fallait un temps plus ou moins long pour que le volume daigne enfin baisser. Si Donna ne parvenait pratiquement jamais à imposer une véritable d'autorité envers son enfant de bois, elle pouvait au moins se réjouir de constater un certain respect, ainsi qu'une affection sans faille, de sa part. Même si leur relation n'était pas égale, Angie aimait Donna. Elle la considérait comme son amie de toujours et lui serait loyale à jamais. La jeune femme le sentait dans ses tripes et n'en doutait pas une seule seconde. Leur lien était fort, et cela compensait de loin l'incommodité de ne plus être maîtresse de sa propre maison, ni même de sa vie.
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LA MARIONNETTISTE - Fan fiction Donna Beneviento - Resident Evil Village
FanficUne fan fiction en français d'environ 150 pages retraçant l'histoire du personnage de Donna Beneviento du jeu Resident Evil 8. Ceci est une nouvelle de fan basée sur les personnages de la licence appartenant à Capcom. Je ne possède aucun de ces per...