CHAPITRE 12

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« En se réveillant un matin après des rêves agités, Gregor Samsa se retrouva, dans son lit, métamorphosé en un monstrueux insecte. » Franz Kafka, La métamorphose

*

Lorsque le sommeil quitta Donna, elle avait l'impression de ne pas avoir dormi plus de cinq minutes. Un coup d'œil au réveil lui indiqua pourtant qu'elle était plus proche du matin que du soir. Elle s'était couchée, épuisée par sa première réunion avec les autres Nobles et aussi à cause de la crise de délire qui l'avait prise au dépourvu en rentrant chez elle, occupant l'ensemble de sa soirée et l'amenant vers les affres d'une démence passagère qu'elle avait faite passer en se cognant la tête de manière répétée et à-demi consciente à la porte d'entrée de sa demeure, sous les yeux désolés de ses poupées. Elle avait continué cette mutilation jusqu'à l'épuisement, puis avait tenté de s'occuper dans l'atelier. Son état d'étourdissement et sa fatigue, aussi bien émotionnelle que physique, avait coupé court à toute possibilité de produire quoi que ce soit de concret et elle avait renoncé à sa création avant même d'en achever l'assemblage des membres. Laissant le pauvre pantin inachevé sur sa table, elle avait voulu s'aérer la tête en regardant un film de la Hammer dans sa salle de projection, mais c'était décidément peine perdue : son esprit avait refusé de se concentrer sur les images en technicolor qui s'agitaient devant son œil unique. Interprétant ses nausées et cette constante instabilité mentale qui s'obstinait à ne lui accorder aucun répit, elle avait émis l'hypothèse que son organisme s'adaptait au nouveau corps étranger – ou que celui-ci s'adaptait à son nouvel environnement, comme l'avait suggérée Mère – et que ce qu'elle traversait en était la conséquence. Incapable d'avaler quoi que ce soit, elle n'avait même pas touché au saucisson qui pendouillait au-dessus de la table de la cuisine, accroché à une ficelle, et qu'elle avait pourtant prévu d'entamer en rentrant, accompagné de pain et d'une soupe. Elle s'était plutôt empressée de se mettre au lit, décidant qu'une nuit de repos faciliterait les processus biologiques qui battaient leur plein en elle.

Le sommeil était venu à elle plus tôt qu'elle ne l'aurait cru et elle accueillit à bras ouverts cette pause tant attendue. Aussi quand elle s'éveilla au milieu de ses propres ténèbres, le Cadou palpitant à la place de son œil, elle soupira en songeant au possible calvaire que sa santé mentale instable risquait de lui faire subir face à ces changements dans sa vie.

La première chose concrète qu'elle ressenti fut une espèce de démangeaison émanant au niveau de son Cadou. Elle commença instinctivement à lever un bras, élevant un chapiteau avec sa couverture, pour se gratter, mais se l'interdit en réalisant que ce n'était sûrement pas une bonne idée. Il valait mieux laisser la grosseur tranquille et résister à la tentation de la farfouiller. Le risque de faire éclater l'un des espèces de bulbes ou d'amener la cicatrice à se développer lui paraissait trop réaliste pour être encouru. Elle décida de prendre son mal en patience tout en espérant que la sensation s'amenuiserait.

Comme il lui paru évident qu'elle ne s'endormirait plus, elle se dressa sur son lit et alluma sa lampe de chevet. Ses chères poupées la saluèrent toutes d'un signe de main qui lui fit chaud au cœur. Elle fut toutefois surprise d'en voir autant réunies dans sa chambre, à son chevet. Plus d'une vingtaines de petits êtres se trouvaient là, le regard tourné vers elle, leurs têtes de porcelaine luisant sous la lumière chaleureuse. Donna parcouru la pièce en faisant rouler son œil dans son orbite et trouva vite ce qu'elle cherchait : Angie était bien présente avec ses amis, sa couronne de fleurs resplendissant à la lueur de la lampe et ses bras faits d'os pendant le long de son corps comme des phasmes. Il y avait quelque chose de différent chez elle. Donna cru d'abord qu'elle était assise sur la balançoire miniature qui avait accueilli une autre de ses poupées quand elle était enfant, mais il n'y avait plus de balançoire depuis longtemps. Angie lévitait au-dessus du sol. Et elle paraissait plus...vivante que d'habitude.

LA MARIONNETTISTE - Fan fiction Donna Beneviento - Resident Evil VillageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant