CHAPITRE 16

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 "Il n'y a que les ennemis qui se disent la vérité ; les amis et les amants mentent sans cesse, pris au piège dans la toile du devoir." Stephen King

*

Un point lumineux et vacillant cheminait vers la bâtisse Beneviento, progressant doucement le long de la falaise hérissée de sapins dénudés. Semblable à une luciole vu de loin, il sautillait toutefois d'une manière qui rappelait la démarche d'un homme. Tenant sa lanterne à bout de bras, Joseph longea la falaise en direction de la maison dont la silhouette sombre s'élevait dans la nuit, prenant de l'ampleur au fur et à mesure de sa progression. Les ombres multiples de sapins se soulevaient à chacun de ses pas, dessinées par le maigre éclairage de la lanterne qui leur donnait des airs de démons fuselés. Le bruit de ses bottes sur le sentier enneigé était de plus en plus couverts par le puissant souffle de la chute d'eau derrière la maison, semblable à un grondement impitoyable. Ce n'était pas le spectacle le plus rassurant et Joseph espérait de tous cœur que ses prières pour sa survie avaient été entendues. Les attaques avaient certes diminué en fréquence depuis l'ascension au pouvoir de Mère Miranda, mais elles ne s'étaient jamais vraiment stoppées. Il se souvenait de la disparition tragique de Valentina, la veuve vivant près de chez Luiza, et dont on n'avait retrouvé que le pendentif ensanglanté quelque part dans le champ de vignes. Le drame était encore assez frais pour susciter la peur des voisins, qui priait chaque soir Mère Miranda pour leur Salut. Il n'avait pas non plus oublié l'incident qui l'avait précédé : le petit Albert, noyé dans le lac artificiel près du moulin. Du moins, certains le disaient noyé, mais d'autres affirmaient avoir aperçu son béret flotter sur la surface de l'eau, couvert d'une substance poisseuse et olivâtre. Eh puis, les hurlements des loups continuaient de le réveiller la nuit...

Reprends-toi, mon vieux. On y est presque. Eh puis, Mère Miranda veille sur nous. Il ne devrait rien t'arriver car tu as prié son nom avant de sortir.

Malgré ses efforts pour se rassurer, une sensation étrange le mettait mal à l'aise, comme un avant-goût contenant les prémices de perturbations à venir dans un futur très proche. Il était même si chamboulé qu'il avait encore cru apercevoir sa femme au moment où il était passé près de la tombe fleurie de Monsieur et Madame Beneviento. La silhouette terne s'était tenue entre deux arbres, se découpant nettement dans le sous-bois à quelques mètres des deux pierres tombales. Elle avait semblé le fixer même si l'obscurité grandissante rendait ce dernier point difficile à confirmer. Un battement de cil avait suffit à chasser l'illusion, mais celle-ci entretenait de troublantes résonances avec la promesse de Mademoiselle, la veille. Joseph avait ruminé ce moment sans répit pendant la nuit et la journée précédentes, tâchant de se convaincre que tout cela était métaphorique afin de ne pas se bercer d'espoirs fous. Mais tout de même, c'était intriguant...Cette phrase qu'elle avait prononcée, sans avoir recours à Angie, avait semé tant de doutes en lui, chamboulant ses tentatives d'accepter son calvaire et aller de l'avant pendant les années qui lui restait à vivre. Combien de fois s'était-il languis de la vie qu'il aurait eu si Marguerite et Marc étaient encore de ce monde ? Il l'avait visualisé comme un film, fantasmant sur cette réalité alternative où tout allait bien et où la famille Beneviento était au grand complet elle aussi, heureuse et en bonne santé.

Mais il devait se ressaisir, arrêter de rêver. Sinon, la folie le guetterait. Il avait vaguement conscience de cela, et c'est pourquoi ce qui s'était passé la veille, et de nouveau ce soir, l'inquiétait tant. C'était différent de ses petits films idylliques. C'était venu de lui-même. Ça s'était imposé à lui tel un corps étranger s'accrochant subitement à son crâne. Il n'avait pas cherché à voir sa femme à cet instant précis : elle était venue le voir, comme la visite d'un spectre. Ou un ange. La frontière entre les deux paraissait si mince qu'il n'arrivait pas à décider si revoir Marguerite le rendait heureux ou malheureux. Une chose est sure : il s'était senti impuissant, porté par des forces qui le dépassaient, et à deux doigts de perdre connaissance aux moments de ces visites.

LA MARIONNETTISTE - Fan fiction Donna Beneviento - Resident Evil VillageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant