« Impossible de faire autrement, dit le Chat. Nous sommes tous fous ici. » Lewis Carrol, Alice au pays des Merveilles
*
Donna riait aux éclats depuis bien dix minutes à présent. Sous les yeux compatissants d'Angie, qui s'était installée sur la table du salon, elle ne semblait pas pouvoir s'arrêter. L'écho perçant de son ricanement voyageait dans toute la maison vide, jusque dans la cave.
Il y avait en effet de quoi rire : après qu'elle eût frappé continuellement le miroir de la salle de bain avec son poing sans qu'il ne se brise, il avait finit par céder après un seul coup de tête, que Donna ne se souvenait même pas avoir prodigué. Un coup de tête, voilà ce qui avait fait voler en éclat le dernier miroir de la maison !
Mais le plus hilarant, c'était sans doute ce qui avait suivi : casser le miroir en mille morceaux n'avait pas suffit à détruire ce reflet
(cette vie)
qu'elle haïssait tant. Il était toujours là et s'était même multiplié. Donna se voyait toujours, elle et son ignoble cicatrice, de manière fragmentée dans les morceaux de verre par terre. Une multitude de petites Donna dans le verre brisé.
Cette pensée la fit repartir de plus belle dans un esclaffement à gorge déployée, sous les yeux figés des vieilles poupées de son père. Les fines coulées de sang qui lui chatouillaient le visage et qui avaient dû résulter de l'impact généraient à présent de petites gouttelettes se déposant sur le carrelage et sur les bouts de verre telles de minuscules fleurs écarlates. Intriguée et à bout de souffle, Donna se pencha vers le bas, le sourire aux lèvres. Elle vit à nouveau son visage, livide comme il l'était toujours depuis la mort de Papa et Maman. Un visage que toutes émotions semblait avoir déserté. Elle contempla avec écœurement ses yeux d'un noir ténébreux, ainsi que ses cheveux décoiffés encadrant une figure ovale au teint blême, presque cireux. Une figure maladive qui ne recevait jamais la caresse des rayons du soleil, pareille à celle d'un vampire.
Et surtout, elle se trouvait nez-à-nez avec cette chose indélébile, cette malédiction qu'elle portait depuis le début de sa vie et qui la séparait du reste du monde, comme une cloche géante dans laquelle elle était prisonnière. La chose qui faisait que personne ne cherchait à prendre de ses nouvelles, à savoir comment elle se portait ou même à venir prendre une tasse de thé avec elle. La chose qui la retenait de sortir par elle-même pour se faire une idée du vaste monde, reconstruire sa vie, se faire des amis et être invitée ailleurs. La chose qui faisait qu'elle n'allait même pas rendre visite à Joseph, car il verrait cette chose. Cette chose, cette cicatrice, qui lui avait pris ses parents et qui faisait qu'elle n'avait personne avec qui jouer.
En voyant la Chose, baignée de multiples traînées de sang partant de son front, et brillant à la lumière de la salle de bain, Donna pris sa tête dans ses mains et parti à nouveau dans ce qui commença comme un rire, mais qui se mua vite en un hurlement atroce, strident au point de faire vibrer toute la maison. Sur la fin, son cri, à cours d'air, s'étrangla et agonisa pour se transformer en faibles pleurs trahissant un certain épuisement. Nauséeuse, Donna lâcha son crâne et saisit d'une main tremblante l'un des bouts de verre qui jonchaient le sol. Sa main était moite et blanche comme neige autour du morceau de miroir. Elle tenait à présent son reflet entre ses doigts et songea qu'il n'y avait rien qu'elle haïssait plus que ce qu'elle avait sous les yeux. La cicatrice ricanait, se moquait d'elle et de sa situation ridicule de fille délaissée. Donna elle-même se trouva ridicule avec tout ce sang et ses larmes s'échappant de son visage grimacé, ce qui lui arracha un nouveau petit rire, mêlé d'un soubresaut.
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LA MARIONNETTISTE - Fan fiction Donna Beneviento - Resident Evil Village
Fiksi PenggemarUne fan fiction en français d'environ 150 pages retraçant l'histoire du personnage de Donna Beneviento du jeu Resident Evil 8. Ceci est une nouvelle de fan basée sur les personnages de la licence appartenant à Capcom. Je ne possède aucun de ces per...