Deux semaines après les événements de Tessir-Sabyl, les examens de césure s'achevaient à Sidih-Ur, annonçant un répit vacancier aux étudiants.
Ce début d'année avait été riche, jalonné de rencontres et de nouvelles amitiés, mais aussi éprouvant. Alors que j'étais un élève studieux et appliqué au premier trimestre, le second s'était avéré plus chaotique ; en dents de scie entre mes escapades avec Hussein et mes reprises en main dès que les enseignants me sermonnaient.
J'avais néanmoins passé cette étape et mon chez-moi me manquait. Je n'avais pas pu rentrer à Biwa lors des vacances d'hiver, pour raisons financières. À présent que mes revenus s'étaient stabilisés grâce à la fréquentation des sahir, je comptais bien profiter de la semaine de l'aïd al-Warda pour retrouver mes parents et mes sœurs.
Nous nous étions arrangés pour voyager ensemble, Hasna et moi. Lever aux aurores jeudi matin pour attraper un train express pour Marfa, le port le plus important de la principauté, à l'embouchure de l'Euphros. De là, une correspondance nous attendrait pour Biwa, un tortillard qui mettrait pas moins de quatre heures à longer la côte.
Je n'aurais pas dit non aux portails de téléportation de la Ziggurat. Quoique je n'étais pas mécontent de m'octroyer une pause loin du monde des sahir. Depuis l'incident, je sentais Hussein tendu et irritable. Il avait écopé de quelques ennuis avec le reste du groupe pour avoir contrevenu aux règles de la Ziggurat. Bien que cela me peinait pour mon ami, j'étais content que personne ne vienne me chercher des noises. Je n'avais pas les épaules pour endosser une faute qui ne me concernait pas.
Je rapportai déjà un souvenir désagréable de l'expédition avec ce souffle au cœur. Si la chaleur sur ma main s'était estompée, le sensation d'un éclat coincé dans ma poitrine persistait. Quand j'en ai parlé à Hussein, il m'a assuré ne rien sentir de magique là-dessous. La poussière des cavernes avait simplement eu raison de mes bronches chétives. Un comble pour qui se destinait à une carrière dans la géologie. L'irritation n'était pas douloureuse, mais savait rappeler sa présence. Je tâcherais de trouver un médecin en rentrant de Biwa.
Hasna avait enfoncé ses écouteurs dans ses oreilles et moi, je délaissai mes cours de stratigraphie pour me perdre dans la contemplation des rives de l'Euphros. Le fleuve nourricier irriguait les cultures de chanvre et de sorgo à perte de vue. Le soleil se levait sur la mer, drapant le paysage d'un brouillard rosé cotonneux. Quand les fonderies moroses de cobalt tachèrent le panorama de leurs fumées grises, je retournai à ma lecture jusqu'à notre arrivée.
La gare centrale de Marfa était baignée d'une lumière mouchetée : d'immenses ventaux de bois coupaient l'impitoyable soleil qui perçait par le toit. À neuf heures, la température restait supportable, en revanche, l'endroit se transformerait en four à midi. Nous attendions, les cuisses en équilibre précaire sur nos sacs de voyage, le train suivant, chacun rivé sur le monde de son téléphone.
— Tu déjeunes avec tes parents ? me demanda d'un coup Hasna.
— Oui, ma mère a préparé sa recette fétiche de mérou au tahini. Mon père rentre de la pêche plus tôt pour manger avec nous. Par contre, il n'y aura pas Ylisse, elle est chez son fiancé à Abrestan.
Un sourire rêveur illumina le visage de Hasna.
— Ta sœur va vivre là-bas, alors ? Elle a de la chance... Les îles sont magnifiques. Tu te souviens quand on y était allés pour observer les oiseaux ?
— Je me rappelle surtout que tu es tombée dans la gadoue en voulant pourchasser un héron.
Ses joues prirent la couleur de son voile.
— Oui, bon, ça va, on était petits. J'y retournerais bien... On pourrait embarquer dans un des bateaux de mon père ! Il y a en un qui fait la navette entre Biwa et la Fuligie une fois par jour en faisant escale sur les îles.
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La Maison des Chants - T1
FantasíaOurane, petite principauté enclavée entre deux puissances militaires, ne doit son salut qu'à la renommée de ses sorciers. Chargés de veiller sur les frontières entre le monde stable et celui du chaos, ils forment une élite respectée à la tête de la...