Chapitre 4 : Mnyahabu (1/4)

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La lionne se réveilla avant même que les premiers rayons du jour ne lui caressent la fourrure. Elle bondit de sa branche perchée, atterrissant avec fluidité et élégance sur le sol aride, couleur blé, qui s'étalait à perte de vue. Mnyahabu s'étira de longues secondes. La brise légère du matin lui titillait les oreilles, tandis que le soleil se frayait un chemin à l'horizon, dévoilant petit à petit l'encolure de sa lumineuse crinière.

Allant se poser sur un large rocher surplombant de quelques mètres la savane environnante, la déesse profita de l'entrée en scène du plus divin de tous les astres. Recentrant son attention sur la nature l'entourant, elle la contempla avec amour. Elle avait pris l'habitude de le faire tous les matins sans jamais se lasser, son regard se perdant dans les perspectives sauvages de sa belle demeure.

Après plusieurs siècles à survivre dans la peur, cachée et traquée, Mnyahabu pouvait désormais arpenter librement le monde extérieur. De nouveau maîtres de leur destin, les animaux vivaient, se reproduisaient et enfin mouraient, et tout cela dans le cycle équilibré, ordinaire, voire presque banal, de la vie.

Les humains, pour leur part, certes, continuaient de se nourrir, car telle était la loi de la chaîne alimentaire, mais : adieu les chasses excessives pour le sport, le plaisir ou la contrebande. Aujourd'hui, plus aucun lionceau ou jeune guépard ne se retrouvait séparé de sa mère pour satisfaire les caprices d'un prince quelconque, ou encore d'une célébrité sans limites. La nature avait repris ses droits et Mnyahabu se sentait plus sereine que jamais.

Elle embrassait son rôle de protectrice, sa principale raison d'être. Plus rien ne rentrait ou ne sortait de son territoire sans qu'elle n'en soit directement au courant. Elle avait des agents postés à différents points stratégiques, veillant au bon fonctionnement de l'ensemble et capables de protéger leurs terres si une menace apparaissait.

Le domaine de la déesse s'étirait des grains de sable du Sahara, jusqu'aux plages de l'ancienne Afrique du Sud, s'épanouissant entre l'océan Atlantique et l'océan Indien.

Mnyahabu avait l'impression d'être enfin pleinement connectée à cette terre ancestrale s'étendant sous ses pattes sur des milliers de kilomètres. Au sommet de son pouvoir, elle pouvait en ressentir les moindres perturbations, les moindres variations, aussi légères fussent-elles. Et cette nuit, pour sûr, elle en avait ressenties. Cela arrivait souvent, mais cette fois-ci, il y avait quelque chose de différent. Une sensation de puissance, aussi soudaine qu'éphémère, l'avait tirée de ses agréables rêveries. La signature magique de l'intrus lui était familière, d'un autre temps. Certaines connaissances finissaient irrémédiablement par réapparaître un jour ou l'autre. Une grande spécialité des dieux. Ils ne savaient pas comment disparaître définitivement.

Le jeune Dieu de la Nuit ne semblait pas faire exception.

Mnyahabu n'était nullement inquiète, elle détenait une confiance totale en ses cavaliers et en elle-même. Son pouvoir n'avait cessé de croître ces trois dernières décennies, proportionnellement à l'épanouissement de la végétation et de la faune africaines. Elle pouvait sentir toute sa puissance magique crépiter avec calme dans chacune des cellules alimentant son corps. La lionne ne craignait plus rien ni personne.

Avec sérénité, le divin fauve se dressa sur ses pattes, arqua son thorax en entrant son cou entre ses épaules et entonna un rugissement qui se répercuta dans le continent tout entier avec fracas et grandeur. Retroussant ses babines, satisfaite d'elle-même, Mnyahabu s'allongea avec flegme sur le sommet de son rocher et attendit. 

L'Héritage des Ombres : La Fille de la NuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant