Chapitre 4 : Mnyahabu (4/4)

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La chaleur, étouffante, envahissait le petit village de Ma'Ya lorsque Quantin réapparut à la porte de sa maison couleur ocre. À l'intérieur, la femme qu'il aimait été occupée à lire un ouvrage de l'ancien monde, un des préférés de Quantin quant il était encore qu'un jeune adulte. Bahiya posa Le Comte de Monte-Cristo sur la table, sans avoir oublié de corner la dernière page parcourue, et s'avança le regard préoccupé vers l'homme à la cicatrice.

— Comment cela s'est passé loup blanc ? Que vous voulait Mnyahabu ?

— Rien de bien nouveau sous le soleil, souffla-t-il à l'oreille de sa bien-aimée, alors qu'il venait de la prendre dans ses bras musclés et secs. Comme à chaque fois qu'elle nous convoque. Un intrus sur le territoire. Seulement, cette fois-ci, elle souhaite qu'on le lui ramène vivant.

— Vraiment ? Cela n'a pas dû plaire à tout le monde, je me trompe ?

— Exactement, mais les ordres sont les ordres, et personne n'osera aller à l'encontre de ce qu'elle veut. Surtout qu'elle a insisté sur ce point. Personnellement, je considère que cela devrait être le cas pour chaque intrus.

Quantin ponctua sa remarque d'un soufflement appuyé. Il n'appréciait pas cacher des choses à sa femme. Pourtant, dans le cas présent, il s'y efforçait, ne souhaitant pas l'inquiéter.

— Je sais, mon amour, je sais. Mais le monde ne sera jamais comme tu l'aspires, dit Bahiya, un sourire compatissant au bord des lèvres.

— Il est déjà bien mieux qu'avant, donc pourquoi pas ?

— Car rien ne dure et tu le sais.

Elle se recula légèrement, prit la tête de Quantin entre ses mains et le regarda fixement. Elle lui sourit de toutes ses dents, ses yeux pétillant de bienveillance. Il lui rendit la politesse, heureux d'avoir la chance de vivre avec une personne qui le comprenait et l'acceptait tel qu'il était.

— Merci, lui dit-il avec douceur.

— Je sais. Allons nous balader un peu, Efia ne devrait pas rentrer avant le repas de ce soir. Ne me regarde pas de la sorte ! Tu te doutais bien qu'elle n'allait pas rester à survoler notre petit village toute la journée. Nous avons fait un enfant qui a soif de voyages et de découvertes, comme son père.

Quantin grogna, prit la main de Bahiya et tous deux sortirent à la lumière du jour. Il devait être aux alentours de quinze heures et le soleil ne prévoyait donc pas de se coucher avant encore un moment. Ils traversèrent rapidement le village, sa femme saluant cordialement les gens qui les croisaient.

Quantin se sentait chez lui ici. Tout le monde l'acceptait, voire l'aimait. Les habitants lui avaient attribué le surnom de loup blanc, ce qu'il ne manquait pas de trouver ironique, sachant que son animal personnel adoptait la forme d'un immense ours noir. Mais loup blanc chérissait ce surnom.

Le couple s'enfonça rapidement dans les hautes herbes environnantes et Bahiya s'élança à toutes jambes sans se retourner. Elle courait très vite, mais Quantin n'était pas en reste non plus. Il allait l'attraper par la taille lorsqu'elle bondit avec souplesse, lui échappant de justesse, et atterrit sur ses deux pattes avant. La belle femme noire s'était métamorphosée en un élégant félin aux taches sombres parsemées sur tout son svelte corps.

En observant un serval de loin, il serait aisé de se méprendre et de le confondre avec un guépard. Ses jambes, moins allongées, et ses tâches parfois très angulaires, voire linéaires, le différenciaient du plus rapide de tous les êtres sauvages terrestres.

Bahiya, transformée, regardait son conjoint de ses profonds yeux marron. Elle lui tourna autour et, sans prévenir, attaqua avec vivacité. Quantin marqua une pause et au dernier moment esquiva le félin.

L'Héritage des Ombres : La Fille de la NuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant