Souvenirs

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Allongée sur mon canapé le son de cette vieille sitcom en fond, j'observe le plafond de mon appartement. Le temps passe si vite, mais la douleur semble s'estomper. Des minutes, des heures puis des semaines et des mois qui en font des années. Deux ans jours pour jours. La sérénité et la plénitude qui m'habitent me laissent perplexe. Suis-je arrivée à bout de mon malheur et de ma tristesse ? La première réponse me venant à l'esprit serait un « non » franc, mais cette once d'espoir me donne aujourd'hui l'envie d'avancer.

Un bruit sourd me réveille de ma trans, le bruit de la bouilloire qui déborde. Je me dirige vers ma cuisine et éteins le feu. Je renverse l'eau bouillante dans ma tasse en ajoutant un sachet de thé. Un dimanche comme les autres, et un dimanche de plus sans lui. Mais tout n'est plus aussi dur à vivre. J'aimerais dire que la tristesse m'habite toujours mais ce n'est plus le cas. J'ai appris à chérir les bons moments, je ne suis plus la petite fille fragile d'autre fois. 

« Salam mimi comment ça va de ton coté ? »

Un message de ma meilleure amie Samia. Toujours derrière moi comme une maman, elle a toujours su me soutenir même dans les pires moments de ma vie. Sirotant mon thé brulant je décide de lancer un appel FaceTime.

- Salam Aleykoum ma belle

- wa aleykoum salam Alyah comment tu vas ?

- ca va al hamdoulilah ne t'en fais pas

- ummm... mais je ne m'inquiétais pas dit-elle ironiquement. Ma mère n'arrête pas de se plaindre que tu ne lui a pas rendu visite depuis un moment, mimi tu soules. Elle ajoute en soupirant. Passe c'est à coté.

- Je suis désole Samia avec le boulot j'ai vraiment pas eu le temps mais dis lui que je passerais demain.

- Pas de soucis ma biche, tu sais pas quoi ? Hier Am-

« Samia ? Samia viens à la cuisine toute de suite » nous coupe khalti Amina de la cuisine. J'aperçois Samia souffler de plus bel ce qui me fait glousser.

- Vas y Samia, rappelle moi plus tard.

- Mais non Alyah à croire que je suis la seule dans cette maison.

J'explose de rire cette fois en raccrochant. Samia se plaint beaucoup de sa mère, ces deux là sont comme chien et chat mais de cette relation transpire tout l'amour qu'elle se portent à des kilomètres. Deux femmes aussi douces l'une que l'autre.

Samia et moi sommes inséparables d'aussi loin que je me souvienne. Nos mamans étaient amies bien avant notre naissance et puis lorsqu'elles ont eu nos frères ils ont grandis ensemble dans le même quartier puis il fut notre tour de grandir dans ce même cercle. Des soirées chez moi puis chez elle, à nous cacher de nos frères ou à les épier parfois. Beaucoup de préjugés entourent souvent nos quartiers populaires mais ils nous ont forgé dans les mauvais mais aussi dans les bons cotés. Aujourd'hui je vois le bon en chaque personne que je croise, j'ai appris le vivre ensemble mais aussi le vivre en communauté, la mixité mais aussi la non mixité. On nous accuse de communautarisme mais on nous parque tous ensemble dans des quartiers populaires comme des bêtes de foire. Mais ne vous méprenez pas, rien de cela ne sera jamais une honte pour nous, ces quartiers représentent notre fierté et pour certains notre moteur au quotidien.

Ma journée se déroule aussi calmement qu'elle avait commencé mais je plane toujours un peu. J'ai beaucoup prié aujourd'hui. Pour lui. Pour son âme. Mais aucune larme n'a coulé sur mon visage. J'ai peur d'un jour oublier son visage, ses traits, de ses mimiques à toutes ses habitudes, même celles dont je me plaignais tant. Cette réflexion m'arrache un rire franc, cette manie qu'il avait de me trainer partout avec lui comme son ombre. Mini Ibrahim qu'on m'appelait.

Je crains d'oublier le son de sa voix et son rire. J'ai peur de perdre tous les souvenirs que j'ai autant chérie. Mais aujourd'hui, la douleur n'est plus la même, et la colère n'est plus présente, je pardonne. Je pardonne à celui qui m'a arraché ma moitié. Celui qui a pris une vie et brisé une famille entière, des amis, des frères. Je m'étonne moi même de cette pensée mais il faut se l'avouer, mon amour et ma dévotion pour mon seigneur a nettoyé mon coeur de toute sa colère, enfin en grande partie.

Vingt et une heure douze. Je devrais aller me coucher, j'ai cours demain. 


NDA 

Salam Aleykoum, à celles et ceux qui me lisent, si quelqu'un me lit évidemment. Voici le premier chapitre d'un récit que je chéris énormément et qui représente beaucoup pour moi, une des premières vraies histoires que j'ai pu écrire. La grande majorité du récit est fictive néanmoins certains de mes traits de caractères sont portés par mes personnages. Je retranscris aussi mon ressentis et mes émotions ici et là. 

Attention si vous êtes sensibles à certains topics, j'ai décidé d'aborder des sujets importants pour moi comme le deuil, les agressions sexuelles, la santé mentale ou encore le rapport au corps qui sont des sujets assez sensibles et trop souvent mis sous silence dans certaines communautés (dont la mienne). J'aimerais sensibiliser mais aussi mettre en lumière des problèmes de sociétés auxquels nous faisons tous face. 

Prenez soin de vous, de votre santé mentale et de vos proches. Stay safe, aimez vous. Bonne soirée sous la protection d'الله. 


DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant