Chapitre 23

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Des doigts fins vinrent se poser sur la ligne de sa mâchoire, la faisant remonter le regard vers l'homme qui l'avait achetée.

Grâce au filet de lumière que laissait passer le rideau, elle reconnut la cicatrice à ses lèvres.

La sienne.

Les yeux écarquillés elles les remontaient jusqu'à croiser son regard bleu qui lui avait tant manqué. Elle n'arrivait plus à déglutir, son cœur avait cessé de battre.

Il était vivant, amoché mais en vie.

Les larmes dévalèrent ses joues inconsciemment, incapable de parler elle le regardait la bouche entrouverte avant qu'il ne pose ses lèvres sur les siennes.

Ce baiser doux, rassurant et passionné la fit tomber. Il la rattrapait et la plaquait contre son torse.

- Ça va aller, je suis là maintenant.

Elle riait nerveusement avant de fondre en larmes. Après tout ce qu'elle avait enduré, elle s'autorisait à relâcher la pression qu'elle avait accumulée, ses muscles se relâchaient dans les bras de l'homme que l'aimait.

Elle avait risqué de se faire agresser sexuellement avant de tuer un homme de ses mains, avait passé la traversée à protéger Sarah, ne dormant que d'un œil pour rester sur ses gardes, cogitant sans cesse à un plan d'évasion.

Elle relevait les yeux pour détailler le visage qu'elle n'aurait jamais espéré revoir, un voile blanc sur son œil droit, son arcade peinant à cicatriser et les traits serrés, il la regardait avec admiration.

Il se doutait qu'elle avait dû se battre jour et nuit pour retrouver la terre ferme vivante.

Il revêtit le foulard qu'il avait sur le visage avant de la serrer encore contre lui. Ils devaient partir, mais détacher son corps du sien lui semblait impossible.

Il avait prévu de camoufler son visage en pénétrant les lieux, certains auraient sûrement reconnu que la brune et lui arboraient la même cicatrice. Il n'avait pas semblé suspect, la moitié des hommes de ce pays portait un turban.

- Est-ce qu'ils t'ont touché ?

Sa voix grave et inquiète la fit relever les yeux vers lui et doucement elle hochait la tête négativement.

A travers le masque, il laissa échapper un soupir de soulagement avant de la relever doucement en essuyant les larmes sur ses joues rouges et amaigries.

- Suis-moi.

Il attrapait sa main fermement et ouvrait la porte. Il essayait de se donner de la contenance, essayait d'agir comme s'il ne venait pas de retrouver la femme de sa vie. Il s'efforçait de se donner un air détaché.

- Attends.

Elle serra sa main et il se retournait pour ancrer ses yeux seulement perceptibles dans les prunelles de la brune.

- Je ne peux pas laisser Sarah et les autres ici.

- J'ai prévenu la police qui devrait arriver d'ici une vingtaine de minutes maintenant.

Il avait regardé le chronomètre de sa montre pendant qu'il la trainait dans les couloirs.

Jamais elle n'aurait pensé sortir d'ici à ses bras.

Elle s'efforçait elle aussi de se donner de la contenance, mais elle tenait à peine sur ses jambes.

Passant devant l'estrade aménagée, les lumières d'un défilé éclairaient ses yeux. Les femmes du bateau défilaient sur le podium sous le regard pervers des hommes pendus à leurs tailles fines. Elle sentit son estomac se tordre quand le tailleur demanda aux filles de se dévêtir pour laisser les hommes faire leurs choix.

Elle aperçut enfin la porte de sortie, quelques femmes aux bras de différents hommes s'amassaient devant.

D'après ce qu'elle arrivait à entendre, les gardes de l'entrée vérifiaient que les acheteurs repartaient bien avec les femmes qu'ils avaient achetées. Ils devaient montrer leurs papiers et les vigiles contrôlaient le visage des jeunes filles.

Le noiraud resserra sa prise sur la main de sa femme avant de porter ses yeux sur celle-ci, tailladée par ce qu'il devinait être des traces de corde, il passait son pouce délicatement sur ses égratignures.

Disposée en file indienne, elle reconnut devant elle le carré blond de sa protégée. L'homme qui l'accompagnait était grisonnant et un sourire salace ancré sur son visage ridé, il contemplait les femmes devant lui.

Sentant les regards sur elle, Sarah se retournait et croisait le regard de la brune. Elle fronça légèrement les sourcils quand elle la vit sourire.

La brune se tournait vers son amant avant de tapoter sa cicatrice. Il baissa légèrement son foulard en regardant la blonde, comprenant que sa partenaire avait dû sympathiser avec elle et voulait la rassurer sur son avenir.

En assimilant que l'homme aux cheveux noirs portait la même cicatrice que son ange gardien, les yeux de Sarah reprirent de l'éclat. Elle devinait que c'était l'homme de sa vie dont elle lui avait parlé. Il était venu pour la sauver, et comme elle lui avait promis qu'elle ne l'abandonnerait pas, elle aussi était sauvée.

La blonde n'attira pas les regards sur elle et baissa les yeux en cachant son sourire.

Le garde vérifia leurs identités avant de contrôler le couple de criminels qui s'était retrouvé.

Et après un signe de tête, la brune sentit l'air frais frapper son visage. L'air n'avait pas la même odeur qu'à la sortie du bateau, celle-ci était parfumée de l'odeur de son partenaire, de l'odeur de la sécurité, de la liberté.

Il pressa le pas jusqu'à la voiture avant de lui ouvrir la portière et de l'attacher. Déposant un baiser chaste sur ses lèvres il marchait d'un pas rapide pour contourner la voiture et prendre place côté conducteur.

Il démarra en gardant une vitesse normale pour ne pas alerter les alentours.

Les sirènes de police ne tardèrent pas à retentir et une file d'une vingtaine de voitures et de fourgons les contournait.

Le noiraud accélérait pour sortir rapidement du port, se fondant entre les voitures qui regagnaient la ville. Il aurait voulu la contempler des heures, rattraper ses heures de sommeil en retard avec elle, mais ils devaient passer la frontière au plus vite.

Les mains sur ses genoux, elle ne réalisait pas encore qu'elle s'en était sortie. Elle avait tout prévu mais pas cette éventualité.

Elle qui avait prévu de tuer l'homme avec qui elle ressortirait de cet enfer se retrouvait dans une voiture avec celui qu'elle croyait perdu à jamais.

Les larmes remontèrent rapidement, elle pouvait enfin mettre son cerveau en veille. Les autres femmes seraient traumatisées à vie, mais elles seraient vivantes et Sarah pourrait regoutter les glaces de son glacier préféré.

DISPARUE [Toji Fushiguro X OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant