Aria lâcha un petit rire moqueur en se penchant vers moi.
- Tu le dévisages encore.
- Tu te fais des idées. Marmonnai-je, constatant simultanément qu'elle venait de me faire mentir.
Oui, je fixais Adam d'une manière bien trop insistante pour quelqu'un que je ne connaissais pas. De temps à autres, il me lançait un regard distrait, mais guère plus qu'à Aria, ou à Cal. Je me secouai mentalement pour mettre un terme au spectacle ridicule pour lequel j'avais, semble-t-il décroché le premier rôle.
- Elle a raison. Tu ne connais même pas ce type et déjà il te fait cet effet ? Ça va vite devenir intéressant.
Si Cal s'y mettait...
Je lui lançai un regard assassin alors qu'il éclatait de rire. Pourtant ce qu'il avait dit avait beau être irritant, je pouvais difficilement le nier. Ce garçon me mettait dans tous mes états pour je ne sais quelle raison et je détestais ça. D'ailleurs, lorsqu'on en parlait... Rob et lui venaient de passer la porte de l'intendance et revenaient vers nous, l'air en pleine discussion.
Le visage du jeune homme s'était ouvert, il était méconnaissable. A la réflexion non, maintenant que j'y repensais, il n'y avait qu'avec moi qu'il s'était montré distant dès le début. Il avait embrassé Aria tous les matins, parlé avec Cal et avec Rob... mais il ne m'avait pas adressé la parole. Plus depuis le matin où il s'était excusé pour Gabe. Lorsque j'avais eu un mouvement de rejet évident alors qu'il n'avait fait que me toucher le bras.
Cela faisait maintenant trois jours. Et toujours aucun mot. Il se contentait quotidiennement de deux brefs signes de tête. Un le matin pour me saluer, et un autre peu après la dernière sonnerie. Comme maintenant d'ailleurs, j'étais prête à le parier. A dix-sept heures passé, il était temps de partir.
Mon portable vibra doucement dans ma poche. Je le sortis pour voir un unique message affiché au cadran. Je soupirai en interpellant Aria :
- Mon père vient de me dire qu'il ne pouvait pas passer me chercher.
- Mince, comment tu vas faire ? S'écria-t-elle.
Je fronçai les sourcils.
- Je ne suis qu'à un quart d'heure de marche.
- Seule ? Hors de question, on va trouver autre chose.
- Qu'est-ce qui te prend ? Ce ne serait pas la première fois.
- C'est différent. J'ai entendu dire qu'il se passait des choses étranges en ville en ce moment. Tu ne devrais pas prendre de risques. Lise serait d'accord avec moi.
Tiens, elle impliquait ma mère dans la conversation. Je lui lançai un regard soupçonneux. Que cherchait-elle ? Rob prit la parole, alors que je fusillais toujours Aria du regard, bien qu'elle n'ait pas l'air le moins du monde intéressée.
- Adam n'habite pas loin de chez toi. Il peut te raccompagner. Si tu n'as rien de prévu ? Finit-il en se tournant vers le principal intéressé.
Ce dernier haussa les épaules.
- C'est ridicule, repris-je, je ne suis pas une gamine, je n'ai pas besoin qu'on me raccompagne.
- Arrête de discuter, il vient avec toi. Asséna Cal.
Attaquée sur plusieurs fronts...
Mes soupirs peu discrets et mes multiples protestations n'y firent rien. Rob se rangea à l'avis général et mon dernier espoir d'être comprise ou simplement soutenue s'envola, balayé sans ménagement.
Comme si l'affaire ne méritait pas davantage de délibérations, Aria et Cal s'éclipsèrent, main dans la main. Même s'il était plongé dans un état de semi-conscience, mon esprit nota malgré tout que leur "dispute" n'avait pas survécu plus de deux jours. Comme prévu. Rob ne s'éternisa pas non plus et nous laissa quelques minutes plus tard. Seuls. Sans que je parvienne à l'expliquer, l'air ambiant sembla soudain se charger d'électricité à mesure que nous nous rapprochions des portes de sortie.
- Tu n'es vraiment pas obligé...
- Ça ne me dérange pas. Me coupa-t-il.
Tiens, je commençais à penser qu'il resterait muet ad vitam æternam, mais non, il s'était fendu d'une parole. Par contre, en ce qui me concernait et pour la première fois depuis longtemps, je ne trouvai rien à rétorquer. Pour une future avocate, c'était plutôt problématique, d'autant plus que d'ordinaire, j'avais toujours l'argument qui allait faire plier l'autre. Ainsi, Aria me disait souvent que j'étais "agaçante" et qu'il était impossible de discuter avec moi. Adam venait apparemment de passer à travers les mailles du filet.
Je lui jetai un nouveau coup d'œil. Ce fut pour constater que lui aussi me regardait, les sourcils légèrement froncés, une expression de frustration sur ses lèvres serrées. Je l'interrogeai du regard et il détourna les yeux. Je soupirai. Finalement non, il resterait distant jusqu'au bout. Il fallait que j'arrive à briser la glace.
- Tu connais Rob depuis longtemps ?
J'aurais voulu me gifler. De toutes les questions pertinentes et qui auraient pu témoigner d'une certaine intelligence chez moi, il avait fallu que je sorte cette phrase totalement inintéressante, et affligeante de banalité.
Il eut un petit sourire moqueur en me regardant. Je n'allais pas rehausser l'opinion qu'il semblait avoir de moi.
- Et toi ?
- Depuis trois ans. Répondis-je, curieuse quant à ce nouveau ton, plus intéressé. Moins distant.
- Et vous restez toujours tous les quatre ?
- La plupart du temps.
- Je viens donc interférer en plein milieu de votre dernière année. Constata-t-il.
- Oui.
Je me rendis compte de l'énormité de ce que ma voix venait de lâcher au moment précis où il m'était impossible de ravaler mes mots. Je me mordis la lèvre en lui lançant un regard d'excuses.
Lui aussi se mordait la lèvre inférieure mais je me rendis compte que c'était simplement pour éviter de lâcher ce qui devait être un rire. Franc ou moqueur, je ne parvenais pas à l'affirmer.
Je lui assénai une petite tape faussement révoltée sur l'épaule, guettant sa réaction. A ma grande surprise, il partit d'un long rire clair.
- Excuse-moi. Sourit-il. Mais tu es si facile à manipuler.
Il reprit, plus calme :
- À mon tour de te poser une question, si tu me le permets bien entendu.
- Que veux-tu savoir ?
Il s'apprêtait à parler, je sentais l'imminence de sa question. Je plongeai dans son regard doré, priant pour ne pas vaciller sous l'intensité dégagée par ces prunelles uniques.
Je fus absorbée dans la contemplation de son regard jusqu'au bout. Jusqu'à l'ultime instant où sa voix s'éleva, mortellement sérieuse.
- Pourquoi m'évites-tu ?
* *
Voici un deuxième chapitre un peu plus court comme prévu, je ne sais pas si vous préférez ça ou plus long. N'hésitez pas à me le dire en commentaire ou simplement votez si vous avez aimé. Prochain chapitre prévu pour très bientôt car j'ai déjà quelques idées.
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Le troisième immortel (Pause)
Fiksi UmumChris mène une vie sans hésitations. Elle sait qui elle est et ce qu'elle veut depuis ses quatorze ans. Depuis que son père lui a proposé de lui succéder et de reprendre son cabinet d'avocats. Il ne lui reste que cinq mois de lycée avant d'accéder à...