Lorsque nous arrivâmes au repaire, Peter et moi, Susan en sortit visiblement prise d'une déception intense et d'un agacement accru par ma présence. Son frère lui demanda avec empressement pourquoi celle-ci était dans un tel état.
-Tu n'as qu'à demander à son frère, cracha-t-elle en me regardant, puisque cette famille pense toujours mieux valoir que quiconque et agit sous l'impulsion de leurs ressentiments.
Ne prenant pas en compte la fin de ses paroles, visiblement prononcés plus par les émotions que par la raison, je courais à l'intérieur pour prendre connaissance des évènements. Je cherchais Caspian dans tout le repaire, arrivant finalement au tombeau lorsque mon regard croisa celui de mon otage. Je détournais immédiatement le regard, me rappelant mon erreur de tout à l'heure, espérant qu'il m'ignore et m'apprêtant à faire demi-tour Néanmoins, comme habituellement, il n'était pas du même avis et s'approcha à grand pas. Mon otage se plaça face à moi, à une distance raisonnable, comme s'il craignait que je prenne mes jambes à mon cou. Je levais les yeux, me remémorant les paroles encourageantes de Peter, mais les siens semblaient fuyants.
-Ils te l'ont dit ? me questionna-t-il sans toujours oser me regarder.
-Me dire quoi ? soutins-je en essayant d'attirer ses yeux aux miens.
Il se gratta la nuque pendant qu'un silence pesant régnait entre nous. Il luttait, contre je ne sais quoi, mais la crispation de ses muscles témoignait de sa bataille intérieure. Puis, il lâcha un long soupir, et se décida à baisser les yeux sur mon visage. Ceux-ci étaient remplis de larmes qui menaçaient de couler sur ses joues rouge écarlate.
-Que je suis un monstre, murmura-t-il aussi légèrement que le souffle du vent.
Et il se laissa aller à son désespoir. Je le pris dans mes bras, sans trop comprendre, cette action m'étant insufflée par mon instinct. Instinct qui, je ne savais pourquoi, me faisait souffrir et ressentir le besoin insupportable de lui prendre toute cette douleur. Son souffle était saccadé et il m'étreignit si fort que je me demandais si nous n'étions plus qu'un seul et unique être. Je caressais son dos, ne sachant que dire face à sa détresse. Au bout de plusieurs minutes d'étreinte, ses bras se desserrèrent et il recula, se confondant en excuses. J'eus à peine le temps de reprendre mes esprits, qu'il avait disparu. Je restais alors là, plantée, au milieu de cette salle silencieuse, essayant de mettre de l'ordre dans mes pensées. Pourquoi était-il si bouleversé ? Et pourquoi le besoin irréfutable de le sentir contre moi s'était-il manifesté si brutalement dans mon ventre ? Je n'avais de réponses à ces questions que la certitude que je devais être près de lui. Décidant de faire confiance à mon instinct pour la première fois de ma vie, je me dirigeais vers la sortie lorsqu'une voix que je ne connaissais que trop bien scanda mon nom.
-Professeur, dis-je en pivotant pour mieux voir mon instructeur qui se tenait debout près de la sortie.
-Il ne va pas bien. Il a besoin de vous, annonça-t-il de but en blanc.
-Pourquoi m'avez-vous conseiller de lui mentir ? C'est à cause de vous qu'il me déteste, lui reprochais-je en élevant la voix.
Cependant, comme dans tous nos échanges, il restait calme. Aucunes émotions ne transparaissaient sur son visage, faisant monter ma rage et frustration.
-Mademoiselle, vous restez la même. Je ne suis point la personne à blâmer dans cette histoire. Voulez-vous savoir si des remords m'assaillissent ? Eh bien ce n'est pas le cas. Si c'était à refaire, je le referais. Votre frère a grandi dans l'ignorance et a vécu la vie que vous auriez dû vivre. Il ne s'est pas enfermé dans sa haine et a profité. Il est devenu ce jeune homme plein de bonté et d'empathie que nous aimons tous deux. Et vous êtes devenu la jeune femme pleine d'ambition et de courage qui se tient devant moi et dont je suis plus que fier. J'ai toujours cru en vous. Car, depuis toujours, je suis convaincu, qu'à vous deux, vous avez la possibilité de devenir la plus noble contradiction de l'Histoire : les Telmarins qui ont sauvé Narnia.
Une larme brillante coula sur sa joue. Il sourit avec ce sourire plein de bienveillance qu'il avait l'habitude de faire lorsque nous l'impressionnions en récitant nos leçons ou en communiquant des réflexions amusantes. En attrapant mes mains, il finit :
-Vous pouvez le faire. Vous en avez toutes les capacités pour, mais vous ne pouvez pas le faire seule. Vous avez besoin d'eux et surtout, vous devez lui faire confiance, à votre frère. Il ne demande que ça. Il vous aime plus que lui-même et vous l'aimez plus que vous-même, je le sais et je le sens. Il est là-haut. Ouvrez-vous, pour vous, pour lui.
Je serrais ses mains, les larmes aux yeux.
-Merci. Merci professeur.
-Elisabeth ! Je pense que tu dois voir ça.
Mon otage venait d'apparaître derrière moi, aux côtés de Lucy et Peter. Leurs yeux étaient remplis d'inquiétude. Je plantais les miens dans ceux d'Edmund. Ce n'était pas fini.
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My Kingdom
FanfictionLa protection de mon trône et de mon royaume est la seule chose qui m'importe. La fuite de mon château pour survivre, la rencontre de ce garçon et la reconquête de nos terres seront peut-être les seuls remèdes pouvant me sauver de cette folie de rei...