Des dizaines. Non pardon, des centaines et pourquoi pas des milliers. Ils étaient là, telles des fourmis, recouvrant la pleine verte de leur haine, leur dangerosité. Écrasant chaque brin d'herbe de leurs bottes, frappant le sol comme si le simple tremblement que celles-ci pouvaient produire allait nous faire tomber. Les soldats de mon oncle. Enfin, mes soldats, sous les ordres de cet imposteur, de ce monstre. D'imposantes catapultes dont je ne connaissais même pas l'existence semblaient clore ce cortège inquiétant.
Une poussière brunâtre s'élevait autour de l'armée. Le nuage annonçant la tempête.
Dans l'allée centrale, un groupe de cavaliers se fraya un chemin pour se placer en première ligne. Je tournais ma tête vers Caspian. Sa colère envers moi paraissait s'être dissipée pour laisser place à une haine, une exécration viscérale dirigée vers le cavalier dont l'armure en or éblouissait quiconque tentait de le fixer trop longtemps. Miraz.
Je bouillonnais, moi aussi. Cet assassin osait se pavaner dans une armure royale, avec mon armée, mes catapultes et mes chevaux, pour tenter de nous détruire. Il allait le regretter. Alors, qu'un voile d'inquiétude nous recouvrait, je retrouverais ma hargne de vaincre et surtout, de le détruire. Peu importe ce qui se passerait, je le détruirai. Peu importe ce que cela me coûterait, il allait quitter ce monde.
Et puis, ma main. Sa main. Nos mains. Une chaleur soudain différente de celle de ma détermination et de ma colère prit place sur mes joues, dans mon ventre, mes jambes... Tout mon corps fit envahi par cette sensation étrange causée par le seul contact que mon otage venait d'imposer à nos mains. Il l'avait attrapée doucement, comme s'il avait peur qu'elle ne brise ou qu'elle s'enfuit. Puis voyant la couleur pivoine que mon visage prenait, il resserra sa prise sur elle et chercha mes yeux du regard. Je tournais la tête, notre moment dans la salle du tombeau me revenant en tête. Son souffle brisé dans mon cou, mes mains dans son dos et cette douleur en le voyant souffrir qui avait emprisonné ma cage thoracique. Puis là encore, il était ici. Ses yeux dans les miens, communiquant ses sentiments bien mieux qu'avec une multitude de mots. Parce que depuis le début, ç'avait toujours été comme cela, non ? Nous n'avions eu que très peu de discussions lorsque nous comparions à Peter. Pourtant, je ne m'étais alors jamais senti aussi proche de quelqu'un, aussi en confiance, aussi naturellement moi.
Sauf, que j'avais peur. Les gens que j'aimais finissaient toujours par être damné. Non, c'était faux. J'avais le droit au bonheur. Cependant, pas maintenant. Peut-être jamais d'ailleurs, mais l'important serait d'essayer. Je lâchais avec le plus de précaution possible la main d'Edmund, faisant glisser la mienne le long de la sienne. Jetais une dernière œillade à mon oncle et retournais à l'intérieur. Nous avions un plan à mettre en œuvre et mes sentiments n'étaient pas de la partie.
Une heure. Une heure !! Cela faisait une heure que mon otage était parti en direction du campement de nos ennemis pour proposer un combat qu'ils ne pourraient refuser. Nous étions alors, mon frère et moi, près de notre cheval, monté par Lucy et Susan, prêtes à partir à la recherche d'Aslan. Bien que je me fisse du souci pour la sécurité de ma petite camarade, l'absence de notre messager était la seule chose à laquelle je pensais, me faisant un sang d'encre.
-Elizabeth ? Ça va ?
Lucy m'observait avec inquiétude. Son interrogation avait fait converger les regards de mon frère et de Susan vers moi. Je me raclais la gorge, qui était sèche dû à mon inquiétude, pour reprendre contenance. J'attrapais la main de mon amie.
-Tout va bien se passer. Destrier nous a toujours bien servi, vous êtes entre de bonnes mains, répondis-je d'une voix qui se voulait la plus rassurante possible.
-Entre de bons sabots dans ce cas-là, ajouta la petite en ponctuant sa remarque d'un sourire radieux.
Je laissais échapper un petit rire, de peur de briser ce doux échange. Je lâchais doucement sa main et lançais un regard entendu à sa sœur qui me répondit d'un léger hochement de tête. Cette fille n'était sûrement pas ma meilleure amie. En revanche, je lui faisais confiance lorsqu'il s'agissait de défendre sa petite sœur et remplir sa mission coûte que coûte.
-Bonne chance, souhaita Caspian en observant le visage de la plus âgée sous toutes ses facettes.
Elle le remercia et détourna son regard. Mon frère sembla blessé. Je ne savais pas ce qu'il s'était passé entre eux deux mais cela ne me disait rien qui vaille. Bien que je ne sois pas une fervente supportrice de cette relation, le bonheur de Caspian restait pour moi une priorité.
-Tenez, je crois qu'il est temps de vous rendre ce qui vous appartient, dit-il en tendant la corne à Susan.
-Gardez là, vous pourriez avoir besoin de me rappeler, déclara-t-elle avec un léger sourire sarcastique.
Je fronçais les sourcils, croisant les yeux de Lucy, qui me rendirent mon regard perdu. A quel jeu ces deux-là jouaient-ils ? La jeune fille empoigna les rennes et disparu sans un dernier mot. J'observais mon frère qui paraissait mis sur pause. Quel idiot ! J'attrapais son bras et l'entraînais vers la salle de réunion.
-« Tenez, je crois qu'il est temps de vous rendre ce qui vous appartient », répétais-je d'une voix dramatique. Je savais que tu adorais les contes et les romans à l'eau de rose, mais au point de les mettre en pratique dans ta propre vie..., m'exclamais-je en retenant un éclat de rire.
Il retira brutalement son bras du mien, en colère. Mince... J'avais oublié que celui-ci m'en voulait encore.
-Écoute, je suis désolé de ne pas t'avoir dit la vérité, commençais-je prudemment après un moment de silence tendu. Je voulais te protéger de cette souffrance que j'avais ressentie.
-Me protéger... ? Tu crois que je n'ai pas souffert de croire que notre père était mort dans son sommeil et que notre mère, détruite par le chagrin, nous avait abandonné en se suicidant ? Et, maintenant, j'apprends que ma sœur, la personne auquel ma confiance appartient, m'a menti pendant toutes ces années, murmura-t-il d'une voix brisée.
J'attrapais ces joues, essuyant le plus vite possible ses larmes dont la simple vision brisait mon cœur en mille morceaux. Des gouttes d'eau salées s'échappèrent alors de mes yeux face à la souffrance se reflétant dans les yeux de mon cadet. Je l'enveloppai de mes bras, cherchant à absorber sa douleur, le libérer de ce fardeau.
-Pardonne-moi, je te jure que je ne recommencerai jamais, soufflais-je, la voix éteinte. Je t'aime Caspian, je ne peux pas supporter le fait que tu ne me fasses plus confiance, que tu... que tu..., que je ne te protège plus... mon petit frère...
L'Elisabeth d'il y a quelques mois se serait trouvée minable, là, dans les bras de son cadet, à chouiner comme une gamine. Pourtant, à cet instant, je me sentis comme libérée d'un poids qui pesait depuis si longtemps sur mes épaules. Mon frère s'écarta, agrippa mes bras et me déclara avec un sérieux que je ne lui connaissais pas :
-Lizzie, je t'aime, tu en es bien consciente ? Tu es ma grande sœur et je sais à quel point, toute ta vie, tu as cherché à me protéger, mais maintenant, je veux que nous formions une équipe. Quelles que soient les répercussions sur mes sentiments, je veux que tu me considères comme un allié, pas comme un enfant auquel tu dois mentir pour le protéger du monde extérieur. Promis ?
Il me tendit son petit doigt, comme lorsque nous étions enfants. Sauf que, lorsque j'enroulai ceux-ci ensemble, la personne que je voyais en face de moi n'était plus un enfant, mais un adulte. Mon frère avait grandi et je n'en prenais conscience qu'à présent. Cela n'enlevait aucune valeur à mon existence, ma personne. Au contraire, cela me faisait exister en tant que femme à part entière, non pas comme une machine suivant un algorithme bien précis lui permettant de survivre. J'expirais un grand coup, comme respirant pour la première fois et soufflais :
-Promis.
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My Kingdom
FanfictionLa protection de mon trône et de mon royaume est la seule chose qui m'importe. La fuite de mon château pour survivre, la rencontre de ce garçon et la reconquête de nos terres seront peut-être les seuls remèdes pouvant me sauver de cette folie de rei...