Chapitre 7

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Nous étions dans cette grotte depuis de nombreuses minutes déjà à attendre une réaction de la part des Pevensies qui fixaient le mur comme s'ils avaient vu un fantôme. Les peintures et gravures qui ornaient le mur représentaient des scènes de l'histoire des narniens, paraissaient un peu enfantines, et étaient bien moins splendides que les dessins qui décoraient nos livres d'histoire à Telmare. 

-C'est nous, affirma la plus jeune nous interrogeant tout de même du regard. 

-Quel est cet endroit ? ajouta Peter comme en écho aux pensées de sa fratrie. 

-Vous ne le savez pas ? répondit Caspian amusé. 

L'absence de réaction et le regard stupéfait que nous lancèrent l'ensemble des rois et reines de l'Ancien Temps confirma l'hypothèse qu'ils n'avaient en aucun cas conscience qu'ils se trouvaient à l'intérieur de la colline de la Table de Pierre. J'attrapais une torche enflammée, passait devant eux pour les mener à l'endroit le plus sacré de cette colline. Les sentant me suivre, je continuais d'avancer sans me retourner jusqu'à la salle de la légendaire Table de Pierre. J'illuminais la salle après avoir descendu le grand escalier et me mettais en retrait près de mon frère. Les Pevensies paraissaient complétement désemparés, comme si un souvenir enfouit au plus profond de leur âme était remonté à la surface à leur insu et qu'ils ne pouvaient le nier, l'oublier, car la preuve inéluctable était là, devant leurs yeux impuissants. Pour la première fois depuis notre rencontre, je ressentais donc une once de compassion pour eux. J'en arrivais même à m'identifier à eux. La fillette s'avança, fixant le lion sculpté dans la pierre, des larmes perlant au coin de ses yeux. 


-Lizzy, laisse ton frère tranquille ! Il est bien trop petit pour jouer avec une épée, même en bois ! Caspian, dis quelque chose je t'en prie ! 

 Ma mère, exaspérée par mon incapacité à obéir et par mon père qui ne faisait qu'encourager Caspian Junior en lui donnant des conseils pour me battre au combat d'épées, donnait un léger coup à l'arrière du crâne de mon père pour le faire réagir. J'avais alors six ans, mon frère quatre ans et il tenait vaguement debout sur ses jambes potelées. Il tentait de frapper de temps en temps dans mon épée en émettant des petits rires adorables et moi, je frappais sans relâche dans l'arme de mon « adversaire » sans prendre en compte l'âge de celui-ci. Mon père se décida enfin à se lever pour arrêter ce pseudo combat. Il m'attrapa, me faisant lâcher mon épée et me fit tourner au-dessus de lui. Je me mettais un rire, envahi d'un sentiment de joie et de liberté indescriptible, et nous rîmes tous en cœur. Ma mère attrapa aussi mon frère et nous nous retrouvâmes tous les quatre assis sur la nappe de pique-nique. Riant aux éclats, dans les bras des uns et des autres, dégustant des sucreries succulentes...      


Je... Que s'était-il passé ? Je n'en savais rien. J'étais bouleversée par ce souvenir de mon enfance qui venait de surgir brutalement sans que je puisse le contrôler. Je ne voulais pas me rappeler, cela me rendait trop faible, trop vulnérable, trop fragile... Ma joue semblait soudain froide, je la touchais et pris conscience qu'elle était mouillée d'une larme. Une seule larme dévalant ma joue mais une larme de trop. Brusquement, je fis un pas en arrière, fonçais dans mon frère qui me jeta un regard soucieux en me soutenant par les bras. J'entendais sa voix mais de loin ,elle ne me parvenait pas directement comme si j'étais ailleurs. Je le repoussais et sortais prendre l'air, m'aérer l'esprit. Mon père faisait toujours cela. Quand il n'arrivait pas à réfléchir, qu'il se sentait pris au piège à l'intérieur, il venait me chercher dans ma chambre et nous partions nous balader seulement lui et moi. Nous ne disions rien, nous respirions en chœur tout en sachant que l'autre était à nos côtés. Je devais arrêter de penser à lui ainsi qu'à ma mère. J'inspirais alors un grand coup me préparant à retourner à l'intérieur quand une voix me parvint dans le dos :  

-Cela doit être compliqué d'être une reine comme vous...

Je pivotais et me retrouvais face à la plus jeune Pevensie qui tenait ses mains au niveau de son ventre, comme embarrassée de me déranger dans ma réflexion. Je l'observais. Ses cheveux presque roux étaient attachés en couronne tressée et une pochette en cuir se tenait au-dessus de sa robe pourpre qui était cintrée par une ceinture semblable à la mienne tenant son poignard. Elle semblait si vulnérable, si démunie et mal à l'aise que j'en oubliais quasiment son insinuation et voulait la prendre dans mes bras. Elle me rappelait mon frère quand il était encore un enfant. Pourtant, dans ses yeux brûlait une flamme de sagesse qui paraissait tout de même atténuée à cause de ses pupilles embuées par une récente tristesse.

-Que veux-tu dire par « comme moi » ? questionnais-je, déboussolée par son curieux propos.

Elle s'agitait immédiatement, bougeant ses mains dans tous les sens et son visage prenait une teinte écarlate. Pensant m'avoir offensée, elle balbutiait des mots inintelligibles avant de se confondre en excuses :

-Je... Ce n'est pas ce que je voulais dire. Je souhaitais simplement insinuer que j'admirais, enfin, je... Je désirais vous faire comprendre que vous êtes admirable, enfin, votre manière d'être... Cela ne doit pas être facile tous les jours d'être une reine face à tant d'hommes et de protéger votre frère. Excusez-moi si je vous ai blessée, termina-t-elle en baissait la tête, regardant ses pieds.   

Je restais là, pendant quelques minutes, à la regarder, complétement perdu. Elle venait de décrire ce qui me tenait encore en vie en quelques mots. Certes la première était évidente, j'avais toujours exprimé mon envie viscérale de récupérer mon trône mais la seconde en revanche...Je m'étais efforcé de cacher que je protégeais mon frère envers et contre tous car montrer qu'il comptait pour moi faisait de lui une victime potentielle pour mes ennemis. Je ne pus alors m'empêcher d'éprouver une certaine affection pour cette petite et de l'admirer pour ses dons d'observation. Je m'autorisais donc à lui témoigner une certaine amicalité, après tout elle n'était en aucun cas une menace pour moi. Je m'approchais donc doucement d'elle et posais malhabilement ma main sur son épaule. Je n'étais pas très douée pour les démonstrations d'affection.      

-Merci, Lucy. Tu peux me tutoyer, enfin si tu le veux, avançais-je maladroitement. 

Elle releva la tête, ses pupilles noisette s'écarquillèrent soudainement et sa bouche s'étira en un gigantesque sourire. Elle paraissait si heureuse que je laissais moi aussi apparaitre un léger sourire. 

-Vraiment ?!? Vous... Mince, tu es géniale ! Je t'observe depuis ce matin et je te trouve impressionnante ! Ed aussi te trouve superbe ! Peter est plus sceptique et Susan, elle, ne dit rien, comme d'habitude. Mince, je suis désolée, je parle trop, il y a des choses que je ne devrais pas dire. Ed deviendrait fou de rage s'il savait ce que je te raconte... 

Encore une fois, une chaleur singulière vint m'empourprer les joues à l'entente du surnom de mon otage. Pourquoi ?Je n'en savais rien et cela me rendait folle. Cette petite, en plus d'être incroyablement attachante allait peut-être aussi m'être utile. En effet, elle connaissait le roi Peter par cœur, c'était son frère. J'allais donc pouvoir joindre l'utile à l'agréable...      

-Ne t'inquiète pas, tu peux tout me dire. Je le garderais pour moi... annonçais-je avant de rentrer pour nous joindre à la réunion d'avant-guerre.                                                                                                                                                       

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