Chapitre 13

51 4 3
                                    

Ils étaient trop nombreux. Je tranchais des têtes, rencontrais des épées, faisais tomber des écuyers de leurs montures sans trêve. Les aigles, nos alliés, tombaient sans cesse sous les pierres catapultées. Je plantais mon regard dans celui désespéré de Peter et secouais la tête lui communicant mon inquiétude qu'il semblait partager. L'entrée de notre refuge venait de s'écrouler. Je me retournais vers l'armée telmarine, essayant d'évaluer nos chances de victoire. Elles étaient très minces. Ils étaient bien plus nombreux, mieux équipés et notre nombre ne faisait que réduire. Nos troupes commençaient doucement à perdre espoir quand le sol se mit à trembler. La terre trembla de tout son être, comme si celle-ci se réveillait d'un sommeil d'une centaine d'années. Les arbres, comme déchainés sous la force d'une bourrasque, se mirent à mouvoir et assaillir les soldats telmarins. Leurs racines sortirent des tréfonds du sol et chassèrent les narniens comme des proies en fuite. Le feu de la forêt, la colère de la nature bafouée et maltraitée se réveillait pour détruire et protéger. La Terre prenait notre défense, nous préservait. Nous étions ses enfants. 

Caspian et Peter se plaçaient à mes côtés, tout amochés, éreintés et couvert d'égratignures, mais en vie. C'était l'important. Je soufflais un grand coup et assistais à ce phénomène que je n'aurais pu imaginer qu'en rêve. Peter énonça ce que nous pensions tous en un souffle : 

-Lucy... 

Bien-sûr. La petite avait trouvé Aslan et déclenché le réveil de la nature. Elle nous avait tous sauvé et je souriais en repensant à sa silhouette frêle et son courage si grand. 

Après la destruction des catapultes de nos opposants par nos alliés, les arbres, les narniens poussèrent un cri de guerre victorieux appelant à la poursuite des soldats ennemis tentant le repli vers la rivière. 

-Pour Aslan!

Et nous fendîmes l'air à leur poursuite. La rivière d'un bleu cristallin éblouissant était traversée par un pont en bois élaboré et confectionné par les telmarins. Alors que ceux-ci s'apprêtaient à le traverser et pénétrer l'épaisse forêt à l'intérieur de laquelle nous aurions eu un mal fou à les retrouver, Lucy apparu, leur faisant face. Un sourire sur son doux visage, celle-ci s'immobilisa, coinçant les soldats entre elle et nous. La reine de l'ancien temps sortit son léger poignard, je lui souris, fière de son aplomb et regardais mes amis partager le même rictus, leurs armes toujours tendues et prêtes au combat. 

Aslan entra en scène, s'avançant fièrement vers Lucy et le vent se leva. La magie que celui-ci apportait était palpable, l'air en était rempli. Pourtant, Sopespian, le traitre, imbu de lui-même, aveuglé par la perspective de pouvoir et leur avantage numérique, annonça la charge sur les deux souverains. 

Lancés à toute vitesse sur le pont, ils atteignirent la moitié de la structure et le lion sacré se mit à rugir d'une puissance telle que l'armée telmarine mit terme à sa course effrénée. Un moment de latence, tous attendant l'attaque finale du souverain suprême de Narnia, sachant que celle-ci serait spectaculaire. Quand soudain, un bruit d'eau battante au loin. Nous nous tournâmes tous vers le bruit et virent un vague gigantesque, se frayer un chemin entre les arbres et le col étroit de la rivière. La panique se mit à gagner les telmarins qui se mirent à hurler l'ordre de la retraite, mais la vague, surnaturelle, les rattrapa sans mal et se métamorphosa en géant aquatique. J'en étais bouche bée. La créature de la rivière lança un regard entendu à Aslan, puis se jeta sur le pont, symbole de la cruauté et de l'abus du pouvoir de Miraz et de ses adhérents. Son règne venait de disparaitre pour toujours! L'équilibre, la confiance, l'honneur venait de mettre fin à la corruption, la haine et la violence. "La nature et la magie avaient fait leur choix", je méditais alors en regardant les restes du pont disparaitre dans l'eau pure de la rivière. 



Je baissais les armes. Pour la première fois de mon existence, je me prosternais devant un être, mon roi. Aux côtés de Caspian et des Pevensies, je mettais ma vie, mes armes et mes capacités au pied du roi et acceptais un souverain supérieur et pur. Je baissais mes yeux la dernière, croisant son regard royal. Mes côtes, mes jambes et mes poumons me torturais mais je ne flanchais pas, mon roi était finalement devant mes yeux. 

-Debout, Rois et Reines de Narnia, dit-il d'une voix paisible. 

Je sentais les Pevensies se relever, bien que difficilement à nos côtés. Quant à mon frère et moi, nous restions à genoux, attendant notre sentence. Je n'étais pas inquiète, Aslan était bon et juste. Ce que nous aurions, nous le mériterions. Et quoi qu'il arrive, ce sera toujours, Caspian et moi contre le reste du monde. Je lâchais une respiration de soulagement quant à cette idée de toujours l'avoir près de moi.  

-Vous tous, ajouta-t-il. 

Le regard brûlant de nos compagnons sur nous me fit réaliser le sens des mots du roi de Narnia. 

-Je ne pense pas être prêt, énonça Caspian d'un voix peu certaine. 

-C'est justement pour cette raison que je pense que vous l'êtes, termina Aslan. 

Mon frère se releva, toujours incertain et touché par les mots du lion. Je relevais finalement mon port vers lui. Je me contentais de croiser son regard pour y déceler toute la confiance et l'ambition qu'il voyait en moi. Je lui souriais. 

-Peter, Caspian, je ne serai pas contre un peu d'aide pour me relever, riais-je sans lâcher le lion et la petite reine du regard. 

My KingdomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant