Chapitre 5

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Aujourd'hui

LÉO

— Ce soir, on sort, m'annonce Ethan.

— J'avais plutôt prévu de me mater le dernier Spiderman...

— Ah non hein. On arrête les conneries.

Je sais qu'Ethan fait ça pour moi. Ça fait des mois qu'il essaye de me faire sortir un peu, de sorte à ce que je me change les idées et surtout pour que je passe enfin à autre chose. La vérité, c'est que je ne compte pas aimer quelqu'un d'autre. L'amour fait trop mal quand il est sincère. On se laisse emporter par une vague qui nous coule alors même que nous tentons de remonter à la surface. Cela vous frappe le visage sans jamais vous laisser reprendre votre souffle.

Selon Ethan, je devrais m'inscrire sur des sites de rencontre. Cela ne m'intéresse pas. J'ai bien évidemment vu quelques filles depuis le décès de Léna, mais rien n'y fait. C'était quelque chose de l'ordre d'un mécanisme, je n'éprouvais aucun désir, aucune intensité, aucune passion. Est-il possible que j'y parvienne un jour à nouveau?

Dans chaque visage que je vois, le sien apparaît. Dans chaque regard que je croise, son souvenir retentit. Aimer à nouveau, ça serait la trahir. On n'a pas cessé de me convaincre que c'était faux. Mais je n'y crois toujours pas. Je ne veux pas lui faire de mal, où qu'elle soit. Pour beaucoup, deux ans c'est long. Pourtant, j'ai encore l'impression que cela date d'hier. Il fait si sombre désormais. Retrouverai-je un jour la lumière?

Je sais qu'Ethan ne lâchera pas l'affaire cette fois. Une petite soirée entre meilleurs potes, cela ne peut pas faire de mal, n'est-ce pas? J'essaye de m'en persuader. Il m'assure que c'est un bar calme, avec peu d'ambiance mais des rhum-coca du tonnerre. Je décide de capituler.

— Ok. On part à quelle heure ? demandé-je.

— On part vers 19h.

Je profite de ces quelques heures qui sont devant moi pour m'essayer à quelques recettes que j'ai vu sur le web. Au menu ce soir : saumon au miso et patates douces. Je presse mon ail, coupe mes patates douces, prépare la marinade et pendant tout ce temps-là, je ne pense à rien. La cuisine me rappelle la douceur, la chaleur de mon enfance.

Petit, j'adorais cuisiner avec ma mère. J'étais toujours tellement curieux de comprendre comment cela pouvait sentir aussi bon dans toutes les pièces de la maison. Cette odeur me rassurait, me berçait et le bruit de la hotte me replonge dans les souvenirs de l'enfant que j'étais.

Lorsque j'ai fini, j'appelle Ethan qui ne se fait pas attendre. J'admets être un peu stressé. Je ne peux pas me mettre à la recherche d'un boulot dans le monde de la cuisine si mon propre meilleur ami trouve ça dégoûtant. Je le vois goûter et me sourire alors qu'il a encore la bouche pleine.

— Alors ? demandé-je.

— D-I-V-I-N.

— N'abuse pas, ricané-je.

— Je te jure mec, trop fort.

***

Pour ce soir, j'ai décidé d'opter pour un pantalon gris avec un polo blanc. Ethan quant à lui, donne tout et je sais qu'il y a beaucoup de chances pour qu'il rentre accompagné. Je me demande comment il fait et j'ai quelquefois un peu peur qu'on lui brise le cœur. Je sais qu'il rêve du grand amour, c'est un romantique dans l'âme qui refuse de l'admettre et qui se cache derrière l'image du coureur de jupons.

Quand nous arrivons dans le bar, il n'y pas encore grand monde et la plupart des personnes présentes se contentent de boire leur verre à une table. C'est en effet très calme. Après environ vingt minutes, de plus en plus de personnes affluent et je remarque qu'Ethan a déjà son radar féminin activé. Pitié, faites qu'il ne rentre qu'avec une seule.

Bientôt, il est presque impossible de circuler tellement il y a de personnes présentes à l'intérieur du bar. Ce brouhaha m'angoisse un peu, je ne me sens pas à ma place, pas dans mon élément.

— Y'a du monde, je vais peut-être rentrer. Appelle-moi si t'as besoin de quelque chose, dis-je à Ethan.

— Oh arrête un peu. Amuse-toi. Regarde les filles là-bas ! Elles s'éclatent.

À peine a-t-il prononcé ces mots que je le vois s'éloigner pour rejoindre le duo féminin qui se déhanche sur la piste. Avec toute son audace, Ethan les rejoint et même s'il ne bouge pas aussi bien ses fesses, disons qu'il se débrouille pas mal. Il reste un formidable danseur, quoi que j'en dise. Un rire m'échappe. Alors que je les aperçois se diriger vers le comptoir, Ethan me fait signe de venir après m'avoir écrit un texto qui disait quelque chose du genre : Magne-toi, elles sont canons.

Je me dirige donc dans cette direction. Pas parce que j'ai particulièrement envie de faire connaissance, mais je me vois mal rester seul à ma table. Je m'approche donc d'eux jusqu'à apercevoir la tignasse d'Ethan qui s'adosse au bar.

C'est à ce moment-là que je plonge mon regard dans celui d'une des deux filles à côté de lui. Il y a de ces yeux, vous savez, des yeux que vous n'avez vus qu'une fois mais dont l'image est imprimée dans votre esprit ? Ce sont ces yeux-là. Des yeux bleus d'un vide si profond qu'on s'y noierait. C'est Juliette.

Juliette-la-folle-dingue-du-métro.

Je l'ai reconnue. Comment l'oublier ? Cependant, je ne sais pas si c'est réciproque. Elle était d'une humeur massacrante le jour de notre rencontre. Je préfère ne pas réveiller la bête en plaisantant là-dessus. Je me contente de dire bonjour à celle dont j'apprendrai le prénom plus tard, Gaby. Puis, je me tourne vers Juliette. C'est elle qui brise le silence.

— Salut superman.

— Salut Juliette.

***

Ethan est finalement rentré avec moi, seul. Nous avons passé la fin de notre soirée avec Gaby et Juliette. La première est mannequin tandis que la seconde est libraire. Vraiment des filles sympas. Je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer le chouchou rose bonbon dans ses cheveux.

Rose. Rose. Toujours du rose. À croire que c'est une habitude chez elle.

En parlant un peu plus avec Juliette, j'ai compris qu'elle n'était pas démoniaque mais juste entière. Elle parle fort, elle rigole fort, elle sourit fort. Mais finalement, ça ne paraît que plus naturel chez elle.

Nous avons appris qu'elles venaient fêter le nouveau job de Juliette. Quelque part, je suis content que ce retard de métro ne lui ait pas porté préjudice. Je me demande si elle a pensé à la même chose quand elle nous a parlé de cet entretien.

— Putain mec, lâche Ethan, à peine sorti de la chambre.

— Quoi ?

— Je suis amoureux.

— De qui encore ? lâché-je en ricanant.

— Juliette.

— On lui a à peine parlé une soirée, Ethan.

— Ça me suffit. Faut que je lui écrive dès aujourd'hui. Que je l'invite à un rencard.

— Doucement Don Juan...

— Où est-ce qu'elle va travailler ? J'ai oublié le nom. Glagnili ? Glagani ?

— Galignani, soufflé-je.

Et alors qu'il recherche déjà comment y aller en métro, je me contente de soupirer en fixant le fond de mon café. Et je repense à Juliette qui hurle sur les quais du métro, à Juliette qui se dandine sur la piste de danse, à Juliette qui boit son mojito en un temps record.

Il ne sait pas dans quoi il s'embarque.

Je coulerai avec toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant