Prologue

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Deux ans plus tôt

LÉO

Les championnats d'Europe arrivent bientôt et je sens mon corps frissonner d'impatience à l'approche du jour-j. Dans quelques jours, je me rendrais à Glasgow pour réaliser le rêve qui m'habite depuis que je suis gamin. Je n'arrive toujours pas à y croire. Des années d'entraînement, des soirées dans cette piscine jusqu'à des heures infernales, des remises en question tous les mois, des sacrifices...Tout ça, pour finir par participer aux championnats d'Europe de natation.

Ma valise est déjà prête. Et j'ai fait la surprise à ma petite amie, Léna, de prendre un billet d'avion supplémentaire afin qu'elle puisse partir avec moi. Je lui avais dit que ce n'était pas possible pour je-ne-sais-plus-quelle-excuse. En réalité, je savais déjà que je lui proposerai de m'accompagner. Normalement, nous n'avons pas le droit d'être accompagnés par nos proches. C'est mon coach qui préfère ça, pour que nous ne soyons pas déconcentrés. Cependant, j'ai réussi à le convaincre que le soutien de Léna était précieux et que j'en avais besoin. Il sait que je joue gros et que le club pourrait exploser grâce à ma performance. C'est la raison pour laquelle il a accepté. Léna l'ignore pour l'instant et j'espère qu'elle sera heureuse de cette nouvelle.

Cela fait plusieurs mois maintenant que je la sens triste et j'espère sincèrement que cette nouvelle lui redonnera ce si beau sourire que j'aime tant. Ces derniers temps n'ont pas été simples pour elle : je m'entraînais beaucoup, elle a perdu son boulot d'architecte en tant que stagiaire, et ses parents ont divorcé. Elle fait bonne figure mais je sais très bien que c'est dur pour elle en ce moment.

Je me suis énormément inquiété au début. Elle ne mangeait plus, elle ne pouvait dormir sans somnifères, elle buvait de plus en plus et elle ne me parlait pas beaucoup. Cela fait maintenant deux semaines qu'elle a l'air d'aller mieux et d'avoir repris du poil de la bête. Cela me réchauffe le cœur. Je l'aime plus que tout. Je sais que c'est la femme de ma vie. Nous avons tellement de projets ensemble. Une fois que les championnats d'Europe seront finis, je me suis promis de la chouchouter et de passer beaucoup plus de temps avec elle.

J'arrive devant l'immeuble. Un bouquet de roses rouges à la main, je monte les escaliers un par un avec l'excitation qui monte de plus en plus. Une fois devant la porte, je souris en voyant le paillasson qu'elle avait acheté quand on a emménagé : Team Captain America. Je lui ai fait la gueule pendant deux jours. Team Iron Man, perso.

Je sonne une fois. Deux fois. Trois fois. D'un coup, une chaleur désagréable m'envahit le corps. Elle répond toujours à la première sonnerie. Je crie alors son nom. Silence radio.

Pourtant, sa voiture était garée en bas. Je sais qu'elle est là. Je dépose le bouquet au sol et ouvre la porte par moi-même à l'aide de mon double des clés. Moi qui voulais lui faire une surprise, ça risque d'être loupé.

Quand j'arrive dans le salon, il n'y a toujours personne. Quelque chose cloche. Je m'avance vers la cuisine.

– Léna?

Rien.

Je continue mon chemin vers le bureau mais il est tout aussi vide que les pièces précédentes. J'arrive ensuite dans la chambre. Son pyjama Marvel est étalé sur le lit. Un léger sourire m'échappe. Il se dissipe aussitôt que j'aperçois une lettre déposée sur son oreiller. Je décide de m'asseoir sur le bord du lit pour la lire. Je sais qu'elle déteste que je fouille dans ses affaires mais je suis bien trop curieux. Puis, elle ne me répond pas. Je lui envoie d'abord un SMS pour être sûr qu'elle ne soit pas ici.

Moi : Hey beauté, t'es à l'appart ?

Surprise : pas de réponse. Je me dis qu'elle est peut-être partie faire des courses à pied. Bon. J'ouvre alors la lettre.

Cher Papa,

Chère Maman,

Cher Léo,

Je ne sais pas lequel de vous tombera sur cette lettre en premier. Pour celui-ci, je t'en prie, lis jusqu'au bout.

Il y a quelques mois, j'ai découvert un abysse de tristesse que je n'avais jamais connu. En 23 ans d'existence, je n'avais jamais ressenti ça. Vous savez, une douleur invisible qui vous poignarde chaque jour. Qui vous empêche de dormir. Qui vous bloque l'estomac. Qui vous assaille matin et soir. Vous l'avez vu. Je le sais bien. Et je vous remercie d'être restés alors que j'étais incapable de décrocher un sourire.

Je sais que perdre son boulot ou avoir ses parents qui divorcent ça arrive tous les jours à plein de personnes. Je sais aussi que Léo et ses entraînements intensifs ne m'ont jamais arrêtée. Je savais dans quoi j'ai signé quand j'ai décidé de partager ma vie avec un homme merveilleux. Je le sais. Mais c'était plus profond que ça. Et quand j'ai compris, c'est là que j'ai sombré. Je n'étais pas heureuse. Avec un boulot merveilleux et mes parents amoureux, je pense que ça n'aurait rien changé. Quand la réalité vous rattrape, c'est là qu'on comprend. Le bonheur ne m'était pas permis.

J'ai essayé d'oublier et de me voiler la face. L'alcool ne m'a pas apaisée. Ou s'il l'a fait, c'était de courte durée. Il y a tellement de choses que j'aurai dû vous dire. Tellement de secrets qui sont bien trop lourds à porter sur deux épaules fragiles. Peut-être que c'était simplement par crainte de vous blesser.

Mais la vérité, c'est que je suis faible. Voilà c'est le mot : faible. Ces quelques mois m'ont achevée. Ils m'ont tuée. Aujourd'hui, je n'en peux plus. Mon corps ne veut plus. Mon cerveau ne veut plus. Mon cœur ne veut plus. C'est trop dur. Je vous jure que j'ai essayé. Je vous en prie, ne m'en voulez pas. On m'a tendu la main mais mes doigts n'ont pas réussi à s'accrocher. J'ai vu quelqu'un mais ça ne m'a pas soulagée.

Au fond, je n'avais peut-être pas tant envie qu'on me sauve.

La vie m'est insupportable.

Pardonnez-moi.

Je suis désolée.

Désolée.

Léna

Le bouquet se fracasse sur le sol. Chaque rose s'étale dans un bruit sourd. Je cours dans la salle de bain. Mon cœur bat la chamade. Mes mains sont moites. Mes jambes ne me portent plus. J'ai l'impression que je vais m'évanouir. Mes oreilles sifflent. Ma vision se trouble. Non. Non. Non. Ce n'est pas possible. Léna, qu'est-ce que tu as fait?

Le sang gît au sol. Il y a tellement de sang. Beaucoup trop. Je cours vers la baignoire. Je la prends dans mes bras. Mes larmes coulent. Je n'arrive plus à respirer. Je ne me rends même pas compte que je suis en train d'hurler à m'en arracher la voix.

Surpris par le bruit, un voisin accourt. J'avais laissé la porte entrouverte. C'est lui qui appelle l'ambulance. Pourtant, je sais. Je sais qu'au moment où je la serre contre moi le plus fort que je peux en la suppliant d'ouvrir les yeux, il est trop tard.

Léna est partie. 

Je coulerai avec toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant