Visite imprévue

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La soudaine sonnerie de son portable fit sursauter Kazutora. Comme beaucoup de soirs, il était assis sur son lit, lame sur le bras, et s'adonnait à son habituelle séance de coupures. Cette journée n'avait pas été trop dure, surtout éreintante.

À présent, il s'automutilait plus par occupation, par habitude, que par réel mal-être - quoique, ce dernier point était tout de même bien présent... Il se redressa un peu et jeta un regard à son téléphone. Si c'était Chifuyu, il décrocherait, bien évidemment. Sinon, il laisserait sonner et retournerait à son occupation.

Cependant, il fut surpris de lire le nom de Keisuke s'afficher sur l'écran douloureusement lumineux. Il en délaissa son petit couteau de cuisine et accepta donc l'appel. Keisuke ne l'appelait pas souvent, c'était plutôt lui qui le joignait en cas de mal-être trop important. Certes, ils étaient désormais ensemble, mais leur relation n'en avait pas été transformée.

Chacun continuait de suivre sa vie de son côté et de seulement profiter de l'autre pour souffler un peu, tourner le dos à la réalité et se plonger dans un court moment de quiétude. Les rares fois où Keisuke l'appelait, c'était pour coucher ensemble afin d'oublier sa vie, ou exceptionnellement dans le but d'éviter son foyer le temps d'une nuit. Kazutora porta le portable à son oreille.

- Ouais ?

- T'es occupé, Kazutora ?

Aucune salutation, comme d'ordinaire. Ils n'en avaient pas besoin, pas plus que de se demander des nouvelles. Ils s'appelaient avec un but précis et y venaient directement, sans s'encombrer de fausses paroles et attentions. Ils fonctionnaient ainsi et s'en comprenaient très bien.

- Non, je suis dans ma chambre. J'étais en train de me couper.

- J'avoue, t'as pas assez de cicatrices, j'ai vu un centimètre carré de peau lisse la dernière fois que je t'ai baisé.

- Je vais l'éliminer rapidement. Pourquoi tu m'appelles à cette heure-ci, Keisuke Baji ?

- Je peux venir chez toi ?

- Oui, c'est possible. Pourqu...

- Ok.

Puis Keisuke raccrocha sans plus de manières. Il n'avait pas encore eu le culot de lui faire ce coup, mais cela n'étonna aucunement Kazutora. Il se contenta de poser son portable sur sa table de chevet et se réinstalla en haut de son lit. Il reprit son couteau et chercha sa dernière coupure, interrompue par l'appel imprévu.

Il s'en était fait quatre nouvelles sur l'avant-bras gauche, déjà bien abîmé. C'était son endroit favori. Le premier marqué, le plus accessible, le plus écorché et surtout, il avait la sensation de mieux ressentir l'apaisement en se faisant mal ici. Étrange, non ? Pourtant, il préférait de loin s'y couper. Cela lui apportait plus de soulagement qu'ailleurs.

Oh, il avait bien de nombreuses cicatrices partout, oui. Sur le bras droit, de l'épaule jusqu'au poignet, sur les cuisses, les tibias, le torse, un peu sur le ventre... mais pour son buste, il préférait les brûlures. Les brûlures et les coups, en particulier sur son buste et ses cuisses, déchargeaient mieux sa colère. Les coupures, morsures et griffures, son mal-être, son stress, sa tristesse... oui, il avait tout de même certaines manières de faire selon son état.

S'il se sentait vide, les brûlures étaient également de bon recours. Seul inconvénient, les cloques que cela pouvait engendrer. Oh, il détestait ces cloques orangées, gonflées et dégoûtantes. Sale prix à payer pour son salut. Sur son bras, les gouttes de sang roulaient le long de sa peau et allaient chuter contre le tissu sombre de son pantalon.

Atypical Romance | Baji x KazutoraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant