Dépression

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Oh, bordel de merde. Putain de saloperie de dépression de merde. Ça ne s'arrêtait jamais ? Il n'avait pas le droit de souffler cinq minutes ? Kazutora se prit la tête dans les mains et se replia sur lui-même, assis par terre, le dos contre le bas de son lit.

Il n'avait pas eu de journée trop pénible aujourd'hui. Il avait été un peu plus vif et éveillé que d'ordinaire, il avait même réussi à parler à l'université pour échanger quelques idées avec un camarade de sa filière. Une journée presque bonne si on oubliait la bouffée d'angoisse pendant la pause. Mais ce n'était rien, c'était fréquent. Pas de quoi s'en lamenter.

Il avait aussi eu le courage de se pencher sur ses études une fois rentré à l'appartement, profitant de son élan d'énergie pour faire un maximum d'efforts. Oui, seulement voilà, les montées d'énergie de ce genre étaient toujours, toujours suivies d'une brutale descente aux Enfers plus tard dans la journée. Sans doute pour le punir d'avoir été un tant soit peu ouvert et apaisé.

Il ne méritait pas d'être heureux, il le savait pertinemment, mais cela ne l'empêchait pas de désespérer à chaque accès de mal-être. Il n'en pouvait plus. Si être énergique sur le moment était un soulagement, cela l'effrayait car il savait combien il allait ensuite se sentir mal, tel un effet boomerang lui rappelant cruellement sa place. Pourquoi se sentait-il mal ? Pourquoi cette insupportable douleur l'envahissait-elle ainsi, vicieuse et perfide ?

Ses ongles, courts et inégaux à force d'être rongés constamment, s'enfoncèrent nerveusement dans son crâne. Il se sentait mal, tellement mal. Le poids qui envahissait sa poitrine semblait être à la fois pesant et vide. Un creux lourd et pervers qui le bouffait de l'intérieur. Kazutora aurait voulu hurler les sanglots muets qui s'accumulaient en lui mais sa gorge nouée ne laissait rien passer. Rien.

Il était condamné à sentir son mal le détruire sans rien pouvoir exprimer. Son corps refusait de laisser sortir quoi que ce soit. Cri, plainte, sanglot, tout demeurait enfoui pour mieux le ronger sournoisement. Non, rien ne s'exprimerait. Sa voix était éteinte et ses yeux ne voulaient pas pleurer. Il se sentait mal à en crever mais était réduit à subir sa peine en silence. Putain. Ça faisait tellement mal. Pourquoi ? La journée avait été si paisible. Si normale, pour une fois. C'était injuste, putain.

Une journée. Passer une seule et unique journée sans vouloir se foutre en l'air, c'était trop demander ? Le jeune homme expira longuement dans ses paumes, tendu. Il était au bord de l'explosion. Ou de l'implosion. Juste à cette limite de partir en vrille, cette limite qu'il ne franchissait pas mais approchait si près chaque fois. Est-ce qu'il craquerait un jour ? Finirait-il par céder et s'effondrer définitivement ?

Oh, merde, c'était un supplice de chaque seconde. Il n'avait plus de codéine pour tenir le coup. Il avait oublié d'en acheter en rentrant et voilà le résultat. Qu'est-ce qu'il s'en voulait. Un incapable, c'était ce qu'il était. Un incapable, un raté, un nul, une foutue erreur censée ne pas exister. Il se leva difficilement, sous une impulsion. Il se sentait trop mal. Il voulait voir Chifuyu. Voir quelqu'un, ne pas être seul. Être seul était si pénible. Si insupportable. La solitude le terrifiait tant.

Deux pas furent exécutés loin du lit avant qu'il ne s'immobilise. Mais non. Non, n'importe quoi, bordel. Il n'allait pas voir Chifuyu dans son état. Il n'allait pas se montrer aussi pitoyable et mal en point. Chifuyu ne devait pas savoir cela, il ne devait pas apprendre combien il était pathétique. Kazutora serra les dents, sentit son ventre se tordre sans que les larmes ne veuillent monter. Merde. Personne. Il n'y avait personne pour lui.

Il regagna son lit en titubant et tomba à genoux à son côté, le buste sur la couverture. Il serra les poings sur le tissu, ses jointures blanchirent sous la tension. Le visage dans la couverture, impuissant, il aurait encore préféré hurler, pleurer ou tout casser. Pas rester figé et bloqué dans cet état qui le rendait malade. Il aurait voulu voir Keisuke. Même s'il l'insultait ou l'ignorait. Keisuke le rassurait rien qu'en étant présent. Mais il n'était pas là, personne ne l'était. Kazutora était seul au monde et personne ne s'en rendait compte.

Atypical Romance | Baji x KazutoraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant