Atypical Romance | Baji x Kazutora

Dans sa chambre

Quittant tout juste l'université, Kazutora se rendait à l'arrêt de bus d'un pas aussi résigné qu'à l'accoutumée. Il avait beau se servir des mêmes transports en commun chaque soir depuis plus d'un an, il ne pouvait s'habituer à la foule qui suivait. Même silencieux, le nombre des voyageurs lui semblait posséder une présence bruyante à cause de sa masse. Kazutora ne se sentait pas reposé lorsqu'autant de personnes l'entouraient. C'était même épuisant. 

À partir du bâtiment de l'université, il avait cinq minutes de marche pour atteindre l'arrêt de bus. En marchant, il passait toujours devant le petit parking où Keisuke garait sa Suzuki. Malheureusement, depuis bientôt trois jours, il n'avait pas aperçu la moto, que ce soit à l'aller ou au retour. Keisuke et lui ne s'étaient pas vus depuis seulement quatre jours, mais cela lui semblait étonnamment long.

Depuis des semaines, ils prenaient l'habitude de se voir environ tous les deux soirs, alors les absences de contacts semblables se faisaient lourdement ressentir. Son petit ami était la seule personne capable de lui apporter un véritable réconfort. Keisuke savait comment il se sentait réellement et, s'il ignorait les sources profondes de son mal, cela ne l'empêchait pas de le comprendre et l'épauler.

Chifuyu était un rayon de soleil, mais ses rayons ne suffisaient pas toujours à percer les épais nuages qui étouffaient Kazutora. Ce dernier sortit alors de ses pensées et s'immobilisa, un pied sur le trottoir en face. Keisuke était à la fac aujourd'hui... ? Il ne l'avait pas aperçu une fois, ni dans les couloirs ni lors des pauses.

Pourtant, sa moto se trouvait bien à sa place habituelle, de l'autre côté de la route. Dans ce cas, il n'allait pas tarder à terminer, lui aussi. Kazutora avait-il le droit de l'attendre ? Ils ne s'étaient pas vus ni n'avaient eu aucun contact ces quatre derniers jours. Il ne savait pas comment allait Keisuke ni s'il était d'humeur à le voir... il ne voulait surtout pas le déranger et se faire rejeter juste pour être apparu au mauvais moment.

En même temps, tout son être réclamait la présence de son amoureux et ignorer son besoin était difficile. Sauf qu'il avait tellement peur de gêner. Si Keisuke lui reprochait de le coller dès son retour à la fac ? Ce serait affreux. Il n'avait pourtant jamais été réprimandé ainsi, mais tout commençait bien par une première fois. Et ce ne serait pas le premier rejet qu'il essuierait...

Tant pis. Il allait rester là un instant, histoire de voir si Keisuke semblait d'humeur à le voir ou non. S'il apparaissait comme irrité, Kazutora laisserait tomber et gagnerait son arrêt sans chercher le contact. Son bus n'arriverait que dans un quart d'heure, il attendait toujours un moment.

Ainsi, il monta sur le trottoir adjacent et s'assit au bord d'un muret, face au lieu de stationnement. La route l'en séparait, il n'était pas trop visible de cette manière. Malgré ses mèches originales, les gens continuaient à l'ignorer. Il était trop habitué à se faire discret et invisible pour qu'une simple teinture change la donne. Seules lui prêtaient attention les personnes qui se tenaient proches de lui... et encore.

Il palpa sa poche, fut soulagé d'y sentir la présence d'un paquet de cigarettes. Il n'en prenait pas toujours avec lui et avait craint un instant d'avoir quitté son domicile sans y penser. Il ne fumait certes pas tous les jours, mais avoir toujours un paquet le rassurait. Si jamais il n'avait aucun moyen de gérer son stress, son anxiété, le tabac lui offrait un infime pilier. Un moyen de soulager la pression juste assez pour ne pas perdre le contrôle.

Devoir refouler une crise d'angoisse inopinée au beau milieu d'un cours calme était une affreuse torture. Il lui semblait imploser, suffoquer sans que personne ne prête attention à son agonie. Être invisible était rassurant. Mais parfois, c'était aussi désespérant. On ne le voit pas, on le laisse tranquille ; pour le meilleur et pour le pire.