MATT

Jimmy m'a raconté l'histoire de mes parents et toutes les questions que je me suis toujours posées ont enfin trouvé leurs réponses. J'étais persuadé qu'il avait définitivement tiré un trait sur nous et jamais rien tenté pour me connaître, mais je me suis trompé sur toute la ligne. Grâce à Mamina et Papi, il a suivi mon enfance, refusant d'être absent de ma vie même s'il ne pouvait être là physiquement. Je ne ressens plus aucune colère contre lui, uniquement de la tristesse.

J'ai perdu mon père et je n'aurais jamais l'occasion de rattraper ce temps perdu. Je m'en veux de ne pas avoir retrouvé sa trace plus tôt, mais il est trop tard pour faire marche arrière. Jimmy ne m'a rien caché et j'éprouve une certaine empathie envers lui, pour cette décision si difficile qu'il a eu à prendre : sacrifier son bonheur et son amour de toujours pour le bien de son entreprise et du travail fourni par ses parents. Tandis que de mon côté, je n'ai toujours pas décidé ce que j'allais faire.

Le père de celle qui fut sa femme est encore aujourd'hui l'un des principal collaborateur de l'entreprise et leurs affaires sont au beau fixe. Tout n'a finalement pas été vain si l'on peut dire.
Le nom Weyburn est devenu synonyme de réussite qui impose une confiance et un certain respect. Et j'en fais partie. Maintenant que je ne suis plus dans l'ignorance, je comprends ce qu'il a ressenti en quittant ma mère. Est-ce que je suis dans le même cas avec Kiera ? Vais-je devoir sacrifier notre relation ?

Je suis toujours assis dans le bureau de Jimmy et Madame Potts est finalement venue nous apporter de quoi nous restaurer. Nous sommes officiellement présentés l'un à l'autre par mon oncle, même si elle se doutait déjà que j'étais le fils de Jon. J'ai son regard et cette manie de mettre la main dans les cheveux est typique des hommes de la famille. Elle discute quelques minutes avec moi, avant de finalement nous laisser seuls. Le silence règne dans la pièce et je me repasse en tête les événements récents. L'accident, ma rencontre avec Kiera, notre couple, mon lien de parenté...

J'ai envie de me confier à mon oncle, mais je n'ose pas. Si je lui dis que je suis responsable de la mort de Dylan, le premier amour de Kiera, qui plus est mon demi-frère, il aura une bonne raison de me mettre à la porte. Et pourtant, il le faut.
Si quelqu'un est en mesure de me pardonner, c'est bien lui. Mais je me dégonfle au moment où il me tend une pochette de documents.

- Qu'est-ce que c'est ? dis-je en la prenant.

- Ce qui te revient de droit. Ton père avait tout prévu et si tu acceptes ta part, tu n'as plus qu'à signer au bas de ces pages.

- Et si je refuse ?

- Tu refuserais une telle somme ?

Je feuillette les papiers et me rends compte qu'en acceptant, je deviendrais un homme riche. Mais j'ai vécu tout ce temps sans, alors que ferais-je de cet argent tombé du ciel, du jour au lendemain ? Les idées ne manquent pas, mais ce n'est pas ce que j'ai en tête pour le moment et repousse mon choix à plus tard.

- J'aimerais en parler avec mes grands-parents avant de prendre ma décision. Et aussi avec ma mère, même si je présume qu'ils sont déjà tous au courant.

- Ils savent tout, en effet. Et je ne les remercierai jamais assez d'avoir respecté la dernière volonté de mon frère pour avoir gardé le silence durant toutes ces années.

- Je leur transmettrai le message.

- Je sais qu'il est trop tôt pour que tu m'appelles tonton, mais pourrais-tu m'appeler Jimmy ? Après tout, nous ne sommes plus deux étrangers l'un pour l'autre.

- Je vais essayer de m'y faire. Il faut que je digère cette histoire et ça fait beaucoup.

- Je comprends. Et je tiens à te présenter mes excuses. Je pensais que seul l'argent...

- Ce n'est rien, je le coupe avant qu'il termine sa phrase. L'erreur est humaine.

Je bois une gorgée de mon verre et réfléchis à la manière d'aborder le fait que je sois avec Kiera. Mais la chance me sourit et c'est Jimmy qui s'en charge à ma place :

- Quand on s'est croisé avec Kiera, c'était un rendez-vous ? Vous êtes ensemble ?

- Oui, c'est récent. Mais on se fréquente depuis un long moment déjà.

- Tu veux parler des réunions ?

- Comment est-ce que...

- J'ai pris le relais de ton père à sa disparition. J'ai donc pris également soin de me tenir informé auprès de tes grands-parents.

Je ne pensais pas qu'il prendrait son rôle d'oncle à ce point au sérieux et lui en suis reconnaissant. Je passe
une main dans mes cheveux avant de répondre à sa question :

- Disons que ça nous a rapprochés, d'une certaine façon.

- Je vois...

Il ne dit plus rien et n'arrête pas de me fixer d'un air impénétrable. Impossible de savoir ce qu'il pense de cette situation. Mais il ne tarde pas à reprendre la conversation :

- Qu'est-ce que tu comptes faire maintenant ?

- C'est-à-dire ?

- Et bien, tu connais l'identité de ton père et tu refuses ton héritage pour l'instant. Est-ce qu'il y autre chose qui te retiens ici à part Kiera et tes réunions ?

- Et bien... En réalité, j'ai encore une autre affaire à régler, lui dis-je en pensant à la vérité que je cache depuis des mois.

- Si je peux t'aider d'une quelconque manière, tu peux compter sur moi. Je tiens à tenir le rôle qui est le mien.

- Merci. Mamina et Papi ignorent que je suis ici, je vais devoir rentrer.

- Tu as raison. Je ne te retiens pas plus longtemps. Sache que tu es le bienvenu si tu souhaites revenir ou parler de Jon. Ma porte te sera toujours ouverte.

Je ne sais plus quoi répondre devant tant de prévenance de sa part, alors je ne dis rien. On se lève en même temps et récupère ma boîte, puis lui emboîte le pas jusqu'à ma voiture. On se serre la main et je fais un signe de tête à Mme Potts, qui nous a suivi et arbore maintenant un immense sourire.

- Au revoir, Madame Potts.

- Oh, non ! Appelle-moi Cathy.

Je souris et réponds en lui faisant un clin d'œil charmeur :

- Alors au revoir, Cathy. Et à bientôt !

- Tout son père celui-là, soupire Jimmy en rigolant de mon numéro de charme.

Ils restent tous deux sur le perron jusqu'à ce que je quitte la propriété. Je reviendrais, c'est certain. Je veux absolument tout connaître de mon père et le mieux placé pour assouvir ma curiosité est sans nul doute mon oncle. J'ai l'impression qu'un gros poids s'est maintenant ôté de mes épaules, mais qu'un autre est toujours là, plus présent et plus lourd encore.

Kiera me comprendra, il le faut. Je ne suis pas prêt à tirer un trait sur ce que nous vivons et me promets de ne pas faire la même erreur que mon père. Je ne la laisserais pas fuir, et si jamais ça devait être le cas, j'espère au fond de moi être prêt à l'attendre le temps qu'il faudra pour qu'elle revienne à moi.

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