MATT

Notre séjour touche déjà à sa fin et je repars complètement ressourcé. Les bagages sont chargés dans le coffre et les embrassades sont interminables.

— Ce n'est pas comme si je n'allais jamais revenir !

— On ne sait jamais de quoi la vie est faite, fait remarquer ma mère en me prenant dans ses bras.

Je la serre fort contre moi et lui chuchote à l'oreille que tout ira bien. Avant qu'elle n'ait les larmes aux yeux et me reproche de la faire pleurer, je  m'éloigne et monte dans la voiture. C'est au tour de Mamina d'être contre elle et nous sommes enfin prêts à prendre la route quand elle s'installe à mes côtés.

Cette semaine m'a permis de faire le point et je suis prêt à reconquérir Kiera. Je lui dois des excuses d'avoir menti durant si longtemps, mais plus encore de l'avoir blessé. Je soupire discrètement et concentre mon attention sur  la route, Mamina en fond sonore qui  ne cesse de parler malgré la  musique. Quand  nous  arrivons, Papi se  poste sur le perron pour  nous  accueillir et mes  grands-parents s’étreignent  comme  s’ils ne s’étaient pas vus depuis des  mois.

Je vide seul le coffre tandis qu’ils se dirigent vers la maison main dans la main, en ayant complètement oublié ma présence. Je dirais  même mon existence,  vu qu’aucun des deux ne prend la peine de jeter un œil vers moi. À ce que je vois, l'amour rend vraiment aveugle !

Papi a préparé quelques rafraîchissements et nous prenons place dans le salon pour débriefer sur notre séjour. Après lui avoir raconté nos retrouvailles entrecoupé de remarques de sa part, c'est à son tour de prendre la parole pour nous annoncer une grande nouvelle :

— Ne nous dit pas que tu as acheté une autre chèvre ?

— Encore mieux que ça ! fait-il avec un clin d’œil.

— Cesse tes devinettes et…

— Son prénom commence par un K.

Sur ces derniers mots, je manque de m'étouffer avec la gorgée de ma boisson. Mamina me tape dans le dos et c’est en toussant que j’essaie tant  bien que mal de continuer à parler.  Je crie presque quand j’y arrive enfin :

— Kiera !?

— Oui.

— Tu as rencontré son père ?

— Non.

— Mais… Je ne comprends pas. Elle n'a même pas ton numéro et…

L'évidence me saute aux yeux et je m'exclame en devinant ce qu'il n'a pas encore dit :

— Non !?

— Si.

— Impossible… Seule !?

— Et oui  !

Je suis complètement abasourdi par la nouvelle, mais également admiratif d'entendre qu'elle a surmonté sa peur. Elle s'est déplacée jusqu’ici pour me voir et souhaite me parler. Tout n’est donc pas terminé et j’en suis extrêmement soulagé. J'abandonne mes grands-parents et m'isole  dans le jardin, mon portable à la main.

J’inspire puis expire longuement le temps des tonalités, prenant sur moi de ne pas laisser exploser ma joie de l'entendre et éviter un faux pas. Notre séparation ne s'est pas faite en bons termes et il se pourrait que je me fasse des films.

—  Salut.

— Salut, Matt. Vous êtes rentrés ?

— Oui.

— Tant mieux.

Son ton est calme et posé, ce qui me donne du mal pour deviner l'état d'esprit dans lequel elle se trouve. Je continue sur un ton convivial afin de lui faire comprendre que je suis heureux de l'entendre :

— On est arrivés il n'y a même pas une heure. Papi nous a dit que tu es passée durant notre absence.

— Oui.

Ses réponses sont courtes, ce qui me coupe dans mon élan enthousiaste. Un silence s'installe, que je ne cherche pas à combler, et c'est elle qui reprend :

— Est-ce qu'on pourrait se voir maintenant que tu es de retour  ?

Il semblerait qu'elle ne  soit pas d'humeur à discuter  gaiement ce qui me fait me renfrogné. Puisque c'est comme ça, ne perdons pas de temps et allons  droit  au but.

— Quand  tu veux. Dis-moi  où et quand, j'y  serais.

— Chez Luciole  ? Demain à 19h ?

— OK. Tu veux que…

— On se rejoint là-bas ? me coupe-t-elle précipitamment.

— Ok. Alors à  demain.

— À demain.

Quand elle raccroche, j’ai dû mal à savoir si elle est énervée ou indifférente envers moi. Je soupire tout de même de soulagement que cette conversation ne soit pas notre dernière. Je suis partagé entre hâte et appréhension de la retrouver, car j'ai peur qu'elle ait pris sa décision et que la seule raison pour laquelle elle souhaite me voir, c'est uniquement pour me l'annoncer en face. Non, c'est impossible.

Elle n'aurait pas braver sa peur du volant pour mettre un terme à notre relation, je la connais bien. À moins que ça ne soit le contraire ?

Et quand bien même si c'était le cas, c'est mon unique chance  de  m’expliquer enfin et de lui avouer l'entière vérité, malgré la promesse faite à mon oncle de ne rien lui révéler. Hors de question que notre conversation se déroule comme la dernière fois, je m'en fais la promesse.

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