KIERA

Mes retrouvailles avec Matt ayant lieu ce soir, j'en ai touché un mot à Blake afin d'avoir son avis objectif sur notre situation. Vu la façon dont s'est déroulée notre dernier rendez-vous et le silence radio qui s'en est suivi ensuite entre nous, j'ai eu besoin de son soutien quant à la décision que j'ai prise.

Bien évidemment, elle n'a pas pu s'empêcher de blaguer et m’a fortement conseillée de ne  pas me laisser avoir par son physique ravageur, sa voix envoûtante et ses mots doux qui selon elle m'ont manqué. Elle n'a pas tort, mais hormis m'avoir fait rire, ces conseils m'ont encore plus troublés que je l'ai laissé paraître. J'ai réussi à rester neutre et distante au téléphone, mais qu'en sera-t-il une fois que je serais face à lui ?

En rentrant chez moi, je n'ai pas avancé sur la façon dont je dois procéder dans quelques heures. Après une bonne douche revigorante, je troque mon jogging et mes baskets contre des compensés, un jean noir et une chemise blanche que  je laisse entrouverte au niveau du décolleté. Je relève mes cheveux en un chignon flou dont je laisse quelques mèches s’échapper, histoire  de me donner un look moins strict et ajoute une paire de créoles à mes oreilles.

Je tente de me persuader que je ne pars pas en mission reconquête puisque notre conversation ne s'annonce pas des plus réjouissantes, mais la touche de rose que j'ajoute sur mes lèvres avant de franchir le pas de ma porte me fait mentir sur ce point. Je suis malgré tout plus déterminée que jamais à savoir ce  qu’il voulait me dire au restaurant, je lui dois bien ça.

Je n'ai pas besoin de l'enfoncer davantage puisqu'il se lève tous les matins avec la disparition d'un autre sur la conscience. Je pensais réellement pouvoir laisser ça derrière moi, reprendre notre relation sans qu'il n'ait rien à me révéler, mais au final, ma curiosité l'emporte. On ne peut pas avancer et se relever de cette épreuve si on ne met pas les choses au clair une bonne fois pour toute.

C'est fort de cette constatation que j’arrive chez Luciole avec un peu  d'avance, puisque  je n'habite  pas  très  loin.  Je m'accorde quelques minutes pour observer les clients postés à l'intérieur  et découvre que Matt est déjà présent, assis à  une table. J’en profite pour me faire discrète en me mettant hors de son champ de vision et l’admire à travers la grande fenêtre, sans me faire remarquer.

Pourtant, mon cœur s’emballe et mes mains deviennent moites à la simple idée de croiser son regard, car Matt est un bel homme  et  ce  ne sont  pas les deux filles installées à  la  table  d’à  côté  qui  diraient le contraire. Elles n’arrêtent pas  de  jeter  des  coups  d’œil  insistants  dans  sa direction, mais  il reste imperturbable  et  sirote sa bière dans son coin. 

Je remarque qu'il  n'arrête pas de  regarder  son  téléphone,  s’impatientant  sûrement  de  mon  arrivée imminente.  Il lui suffirait  pourtant  d'un  coup d'œil  vers la rue pour me remarquer,  mais  il ne fait  rien, son attention étant entièrement concentrée sur son écran. Je quitte mon poste d’observation et amorce un  pas  en  avant, quand mon téléphone m’interrompt dans  mon  mouvement. 

Je lance un regard vers Matt,  mais  ce n’est pas lui qui semble essayer de me joindre. Un numéro inconnu s’affiche sur  mon écran, que je décide de  ne pas ignorer :

— Allô ?

— Kiera Anderson  ?

— Oui, c’est  bien moi.

— Je  travaille à  l'hôpital et...

— L’hôpital !? je la coupe sans m'excuser. Qu'est-ce qu'il se passe !?

— Votre père a demandé à ce qu'on vous prévienne.

Mon cœur s’emballe, j’ai tout à coup l’impression de manquer d'air et sens la panique m’envahir. Que fait-il à là-bas ?

Je m'éloigne du pub afin de libérer le passage et prie intérieurement qu’il ne soit rien arriver de grave.

— Pourquoi est-ce qu'il est à  l'hôpital !? fais-je  la voix  tremblante.

— Rassurez-vous, il a simplement fait une mauvaise chute à  son  travail.

— Il s’est blessé  ? Est-ce  que c’est  grave ?

— Il a une entorse, rien de méchant. Tout va bien, soufflez un coup, il est entre de bonnes  mains, me rassure-t-elle d'une voix douce.

Je  soupire de  soulagement  et  après un dernier regard sur Matt, rebrousse chemin et me précipite en  direction de chez moi. Je  dois avoir l’air d’une folle  à courir  dans  la  rue,  mais  je  m’en  fiche  complètement. Je  ne  fais  pas  attention  aux  regards  des  passants que  je croise car  je n’ai  qu’une seule  préoccupation  en  tête : mon père.

— Est-ce  que vous pouvez  venir  le chercher  ?

— J’arrive tout  de  suite  !  Dites-lui  que  je me mets en route.

— Prenez  votre temps. Je lui  transmet  le message.

— Merci  beaucoup.  

— Il n'y a pas de quoi. On vous attend, soyez prudente.

Je raccroche au moment où j'atteins le parking et sors en trombe les clés de mon sac. Je me suis récemment achetée une voiture avec l'argent que j’ai mis de côté depuis que je travaille et cette récente  acquisition ne pouvait  pas  mieux tomber. Je
m’installe sur mon siège, inspire et expire les yeux fermés pour me calmer, puis mets en route ma playlist et démarre légèrement plus sereine. Il n'a rien,  calme-toi.

Je  conduis prudemment et me rappelle que  j'ai  laissé  Matt  en plan sans aucune explication. Ce n'est que partie remise, en  attendant,  j’ai un problème plus  urgent  à régler.

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