CHAPITRE 21- Domino

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Neil, Londres.

05 Février 2023.

Deux jours. Deux jours que Rudy ne me donne pas le moindre signe de vie, deux jours qu'il ignore les quelques messages que je lui ai envoyés. Et hier, quand je suis passé à la supérette, il n'y était déjà plus. On est dimanche, je dois donc attendre demain toute la journée pour le voir, et j'ai peur qu'il m'ignore quand je serai en face de lui.

"Si tu ne veux plus me parler, dis le moi, me laisse pas dans l'attente"
"S'il te plaît"

Mais il ne répond pas. Et sur cette application, rien ne m'indique s'il lit mes messages ou pas.

La journée du dimanche passe lentement, je me force à penser à autre chose pour éviter de me sentir déprimé ou triste par rapport à la situation.

Je suis quand même soulagé quand le lundi arrive enfin.

Après avoir mangé et m'être douché, je me mets en route vers la maison d'édition où je travaille. Je ne suis pas vraiment motivé à travailler, mais je me conforte sur le fait de voir Rudy le soir. Je partirai plus tôt pour avoir un peu plus de temps que d'habitude, au cas où il décide aussi de partir en avance pour ne pas me croiser. J'ai besoin d'explications, au moins le minimum...

J'entre silencieusement dans le compartiment qui m'est réservé et sort mon ordinateur de mon sac. Je sens que la journée va être vraiment longue...A moins que j'aille chercher mon déjeuner à la supérette. J'ai déjà un sandwich dans mon sac, mais l'occasion de croiser Rudy est bien plus intéressante. Et stressante, très stressante aussi, mais j'ai besoin de le voir.

C'est compliqué d'être amoureux de quelqu'un.

J'attends avec impatience l'heure de pause de midi. Lorsqu'elle arrive enfin, c'est limite si je ne me rue pas dehors, je ne prends pas le temps de mettre mes écouteurs et marche d'un pas rapide vers la supérette.

Je ne peux retenir une grimace déçue quand je constate qu'il n'est pas en caisse. N'ayant pas emporté le sandwich que j'avais, je suis donc bien obligé de me promener dans les rayons pour trouver quelque chose à manger. Et je m'immobilise brusquement en entendant la voix de Rudy qui provient du rayon juste à côté.

Il faut que je le voie.

Pourtant, en entrant dans le rayon, c'est un spectacle inattendu qui s'offre à mes yeux. Rudy est accroupi à côté de deux garçons et il leur parle en français. L'un des deux garçons a des cheveux rouges qui tirent vers le roux, et il a l'air d'être en pleine crise d'angoisse. Le deuxième garçon tente tant bien que mal de le rassurer, visiblement sans grand succès même si celui aux cheveux rouges se cramponne à sa manche.

...Rudy ?

Le roux sursaute doucement et se tourne vers moi. Ses yeux s'agrandissent alors que son regard brille tristement, je stresse vraiment de ce qu'il va me dire.

Je vais tout t'expliquer, promis, mais avant ça tu pourrais aller lui chercher une bouteille d'eau ? S'il te plaît Neil...

Voyant bien que le garçon par terre est vraiment mal, je n'hésite pas longtemps et me dépêche de lui apporter une bouteille d'eau. Quand je reviens, Rudy est de nouveau en train de leur parler en français. Je reconnais la langue mais je ne comprends absolument rien. J'ai pourtant eu des cours de français pendant ma scolarité, mais j'étais vraiment nul.

Je tends la bouteille à Rudy en m'asseyant à côté de lui. Le garçon qui tente de calmer la crise d'angoisse du rouquin me remercie maladroitement en anglais.

Je réussis à ignorer les sentiments qui me traversent pour me pencher vers Rudy et lui murmurer :

Qu'est-ce qui se passe ?

Ariel est anxieux d'après Elias, il fait assez souvent des crises d'angoisse. Je crois que c'est ça, je suis plus aussi fort en français que je le voudrais.

Il se racle doucement la gorge.

Je suis vraiment désolé, tu mérites des explications et moi j'ai juste fui...Je...je t'explique tout ça après si tu veux toujours me parler...murmure-t-il d'une voix mal assurée.

Je veux toujours te parler...ça m'a un peu blessé, c'est sûr, mais je veux toujours te parler.

J'évite consciemment de lui dire que j'avais envie de fondre en larmes à tout moment pendant le week-end.

Je vais être en retard au travail mais je m'en fiche, je ne peux pas laisser les deux garçons - Ariel et Elias, donc, - ni Rudy.

Elias embrasse doucement la tempe d'Ariel pour essayer de le rassurer, et ça a l'air de vraiment bien fonctionner.

Vous êtes mignons ensembles, dit Rudy, en français, quand Ariel semble bien calmé.

Je suis moi-même surpris de réussir à comprendre. Sûrement parce qu'il a parlé lentement en cherchant ses mots.

Merci, remercie Elias en serrant son copain contre lui.

Ariel semble aller vraiment mieux, il boit un peu d'eau et parvient à se lever. Rudy leur dit quelque chose en français que je n'arrive pas à comprendre tant il parle vite, Elias le remercie à de nombreuses reprises et les deux garçons finissent par sortir de la supérette, main dans la main.

Je me retrouve donc seul avec le roux, et j'appréhende sérieusement. Je prends une grande inspiration et le suit lorsqu'il va lui-même en caisse pour payer la bouteille d'eau. C'est sûrement ça qu'il disait à Elias.

Je vais être en retard, marmonné-je, plus pour moi-même que pour autre chose.

Au pire reviens ce soir, à 18h...je te promets que je t'attends et que je bouge pas d'ici.

Tu vas pas fuir, hein ?

Ma voix tremble légèrement et les yeux de Rudy se remplissent de tristesse.

Promis, assure-t-il en s'approchant de moi.

Il se hisse à ma hauteur en se mettant sur la pointe des pieds et il embrasse doucement ma joue.

Je bouge pas d'ici, achève-t-il de me rassurer. 

Not(e) me, Please...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant