CHAPITRE 17- Your eyes

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Rudy, Londres.

02 Février 2023.

Après avoir insisté pendant dix minutes pour me raccompagner chez moi, Neil a failli laisser tomber son idée, mais j'ai fini par accepter. Il sourit, tout heureux de me raccompagner à mon appartement, sa main doucement serrée autour de la mienne. Je commence à apprécier fortement ce contact pourtant minime, mais je n'y peut rien : Neil m'a atteint, et en plein cœur.

Même si mon cerveau tente encore de se battre contre ça, sans grand résultat. Le cœur l'emporte presque toujours sur la raison, c'est bien connu.

La prochaine fois, c'est moi qui gagne, me promet-il, faisant référence à toutes les parties de Mario kart que j'ai remportées durant l'après-midi. Mais ce que je veux gagner aussi, c'est ton coeur.

Il plaque une main sur sa bouche pendant que ses oreilles deviennent écarlates. Un rire nerveux secoue son corps musclé.

Oublies, c'était gênant.

Moi, j'ai bien aimé.

Un nouvel éclat de rire l'atteint.

J'habite ici, dis-je en montrant un immeuble avec ma main. Troisième étage. Tu m'accompagnes jusqu'en haut, ou tu préfères rester ici ?

Je t'accompagne.

Nous entrons dans le hall de l'immeuble. Neil ne fait aucun commentaire, mais je vois bien la lueur qui traverse son regard lorsqu'il réalise qu'il n'y a pas d'ascenseur. Je n'en tiens pas compte, je sais qu'il est habitué à beaucoup plus de luxe que ça, bien plus que ce que je trouve déjà onéreux.

Nous gravissons les escaliers, toujours main dans la main. Neil est tellement proche de moi en marchant que je ne m'étonne même pas de sentir son menton frôler mon épaule à plusieurs reprises.

Il paraît déçu lorsque nous arrivons devant ma porte. Visiblement, lui aussi ne souhaite pas que cette après-midi se termine. Pourtant, il faut bien, je travaille demain. Lui, non. Il me l'a dit tout à l'heure.

En face de moi, il semble hésiter. Il fait un mouvement vers moi, se ravise, inspire d'un air décidé et s'approche pour m'embrasser...sur le front. Puis, soudain gêné, ses oreilles ont retrouvé leur couleur rouge, il balbutie un rapide "au revoir" suivi d'un geste de la main qui signifie exactement la même chose.

Je le regarde disparaître dans les escaliers, un peu interloqué. Il est mignon lorsqu'il est gêné. Vraiment adorable.

Je tourne ma clé dans ma serrure et entre chez moi. Je me sens fatigué, maintenant, ce n'est peut-être pas une si mauvaise chose que la journée soit terminée. Je n'avais pas réalisé ma fatigue avant de me retrouver seul.

Je me dirige vers ma cuisine sans hésiter. Je me lave les mains puis commence à me préparer des oeufs au plat, seulement interrompu par un message de Neil :

"Je suis chez moi"
"Tu préfères que je passe à quelle heure à la supérette, demain ?"

"A 18h ?"
"On pourra discuter un peu comme ça"

"Parfait"

Une odeur de brûlé me parvient. Je me dépêche de couper le feu et de retirer la poêle de la plaque. Armé d'une spatule, je transvase mes œufs dans une assiette pour voir les dégâts. Par chance, ils ne sont que légèrement noircis en dessous, mais totalement comestibles.

"Ta proposition de lasagnes tient toujours ?"

"Oui, évidemment"
"Tu connais mon adresse maintenant en plus"

"Je suis désolé de ne pas avoir été parfait aujourd'hui"
"Je ferai mieux la prochaine fois"

"Arrête, t'étais très bien"

"Je ferai quand même mieux la prochaine fois"
"Tu mérites la perfection"
"Et c'est ce que je vais essayer de t'offrir"

Qu'est-ce que j'avais dit ? Touché en plein cœur.

"Juste toi, comme tu es, ça me suffit tu sais ?"

"On m'a toujours demandé de faire mieux"
"On m'a toujours forcé à faire plus"
"Et on m'a toujours dit que je ne faisais pas assez bien"

Je comprends, ou plutôt je pense comprendre. Je me dépêche de lui demander.

"Ton père ?"

"Ouais"

"Mais t'as pas besoin de faire tout ça pour moi. Je te promets que tu es déjà parfait sans rien faire"
"Trop parfait pour que je réalise vraiment que tu puisses avoir des sentiments pour moi"

"J'espère qu'un jour tu réalisera à quel point tu mérites la perfection, Rudy"

Cet homme est un trésor, un trésor qui devient de plus en plus précieux au fil de nos discussions.

"J'ai hâte de te voir demain"
"Tu m'attendras ?"

"Bien-sûr"
"Soit à l'heure ;)"

"Explique moi comment tu fais pour me faire rougir avec des messages aussi banals"

"Peut-être parce que tu as trop d'imagination"
"Arrête de m'imaginer faire un clin d'oeil, tes oreilles vont encore devenir écarlates"

Je ne sais pas d'où vient l'étonnante confiance qui surgit lorsque je parle à Neil, mais j'aime bien, me découvrir comme ça.

"En plus tu continues"

Je suis sûr qu'il a actuellement la petite moue qu'il avait à chaque fois que je gagnais une partie de Mario.

"J'aime bien cette partie de toi"
"T'es mignon"

"Bizarrement, j'aime bien cette partie de moi aussi"

"Tant mieux"
"Enfin, ce qui serait encore mieux, c'est que tu aimes toutes les parties de toi, mais c'est déjà ça de gagné"

"Toi aussi, tu devrais t'aimer"

"J'essaye"

"C'est déjà ça"
"Moi, je crois en toi"
"Et je suis sûr que ta soeur aussi, elle croit en toi"

"Elle le cache mieux, mais elle est comme moi, au fond"
"Je t'expliquerai un jour"

"T'as tout le temps que tu veux pour m'en parler"
"On est pas pressés"

"Merci, Rudy"

"Merci, Neil"

Not(e) me, Please...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant