Chapitre 21:

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La quatrième musique du bal se termine, les nobles se mélangent, cherchant un nouveau partenaire. Mes yeux sont rivés sur un jeune homme aux cheveux noirs, sa dernière partenaire de danse s'est retirée après une révérence et désormais il guette la foule. Son regard s'arrête sur moi, il reste un moment immobile, comme s'il hésitait mais rapidement il commence à avancer vers moi.

Je suis incapable de détourner mes yeux des siens quand il me regarde comme ça.

- Aliénor, accepterais-tu de danser avec moi?

- Avec plaisir.

Ma réponse forme un sourire franc sur son visage. Les yeux ancrés dans celui de l'autre nous nous mettons en place sur la piste.

Le moment est venu de le convaincre de ne pas m'épouser mais comment le faire alors qu'il fait battre plus rapidement mon cœur ?

Il me guide dans la danse, je détourne mes yeux des siens.

- Ne m'épouse pas.

- Regarde-moi.

Je pince les lèvres.

- Aliénor, s'il te plaît regarde moi.

Je soupire et reviens vers ses yeux.
Il reste silencieux.

- Alors?

- Rien.

Exaspérée, je soupire.

- Tu es agaçant.

- Alors, redis le moi. Redis le moi en me regardant dans les yeux.

- Ne m'épouse pas. Tu trouveras l'amour j'en suis persuadée, mais ça ne peut pas être moi. Écoute ta raison au moins quelques minutes. Je ne peux pas être reine.

Il ne dit rien, cherchant la faille dans mon regard mais, déterminée, je soutiens le sien.

Contre tout protocole d'usage je recule, quittant ses bras alors que la danse n'est pas encore terminée.

- Pense à ton pays. Il doit être ta première priorité.

Je recule encore d'un pas avant de me retourner incapable de continuer à le regarder. Alors que je pars vers la foule, quelqu'un attrape ma main et ma taille avant de me tourner vers lui.

- Ne pars pas. Ne fuis pas. Ensemble on sera fort.

- Tu ne t'entends pas parler, c'est ridicule.

- Est-ce que tu m'aimes?

- Enzo je...

- C'est tout ce que je te demande. Est-ce que tu m'aimes?

Je ne réponds rien.

Tout le monde nous regarde, je sens leurs yeux peser sur moi.

Je suis de nouveau dans le flou. Pourquoi suis-je toujours aussi perdue?

- Aliénor, m'aimes-tu?

- Je... je crois que oui, mais ce n'est pas suffiisant.

- Ça me suffit.

- Mais pas à moi! Ça ne me suffit pas, pas pour faire ce choix.

- Ce choix ne t'appartiens pas, c'est le mien.

- Ne fais pas ça, je chuchote

- Désolé.

Je vois bien qu'il est inflexible, rien ne saurait le faire changer d'avis. Je ne peux empêcher les catastrophes arriver alors que j'en suis la cause.

Il a repris la danse, je le suis sans un mot de plus. À quoi bon?

Après cette danse minuit est arrivé beaucoup trop rapidement. À minuit, le Roi annonce l'alliance qui va se faire entre l'Italie et la France. Le prince se place devant l'estrade, nous faisons une ligne devant lui. Je me mets tout au bout.

- J'ai choisi ma femme, ce choix semblait d'abord impossible, et puis finalement s'est devenu impossible de faire un autre choix. Vous étiez toutes des candidates charmantes et intelligentes mais...

Il pose ses yeux sur moi, la tristesse m'envahit.

- Aliénor Élisabeth Marguerite Gautier Duchesse du Grand-Est, acceptez-vous de devenir ma femme et, par extension, les titres et les responsabilités qui les accompagnent?

Ma première pensée est que je ne savais pas qu'il connaissait mon nom complet. Ensuite, je m'avoue vaincue.
Du regard je le vois me supplier, mais, de toute manière, je n'ai pas le choix, il l'a très bien dit, je ne peux pas lui dire non, je n'en ai pas le droit. On n'entend pas un souffle lorsque je lui réponds:

- J'accepte de t'épouser et j'accepte les responsabilités qui poseront désormais sur mes épaules.

Il s'avance vers moi et me tends symboliquement la main. Je l'attrape et il m'emmène vers sa famille près de l'estrade alors que les festivités recommencent doucement, musique, danse, conversations... je suis si loin de tout ça.

- Je te prouverais que j'ai fait le bon choix, me souffle t-il

- Ça m'étonnerait fortement.

Devant ses parents je m'incline, son père me souhaite la bienvenue dans la famille, sa mère me prend un instant dans ses bras mais je sais que tout ça n'est qu'une mise en scène, ils sont déçus et je le comprends, je le serais moi aussi à leur place. Je le suis, je le pensais plus intelligent que cela.

Le reste de la soirée s'efface rapidement de ma mémoire. Je ne suis que d'une oreille distrète les conversations, répondant que lorsque l'on m'interroge. Je vis cette nuit dans le flou le plus total. J'espère que cela n'est pas un présage de ce à quoi ma vie va ressembler.
Plutôt que de passer mon temps à comprendre et trouver ce qui m'échappe, peut-être devrais-je abandonner et me contenter d'exister?

La meilleure amie du roiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant