Epilogue :

18 0 0
                                    

L'adolescente retourne une page du vieux carnet qui a toute son attention depuis plusieurs heures. Les larmes qu'elle avait sur les joues au moment de grimper dans le grenier avait séché depuis longtemps. Sa lecture l'avait totalement absorbée et totalement entraîné vers un monde de luxe et de faux semblants qui était loin de lui être familier. Au moment de tourner cette page, elle ne pensait pas découvrir quelque chose qui la surprendrait plus encore que tout ce qu'elle avait déjà lu. Et pourtant. Derrière cette page aux papiers fragiles sous les doigts délicats et rugueux de la jeune fille se trouvait une lettre écrite à la main, comme tout le reste. Plus personne n'écrivait de lettres depuis un ou deux siècles et pourtant, c'était bien le brouillon d'une lettre qui remplissait la feuille suivante. Il y avait de nombreuses ratures, des mots griffés par l'encre d'un trait rude et ferme. Des astérisques de diverses couleurs, et même de diverses formes lorsque l'on ne savait plus comment indiquer un rajout sans réutiliser un symbole déjà utilisé, renvoyaient à des paragraphes formés de mots si minuscules et d'une écriture si délicates qu'on peinait à distinguer ce qui avait été rajouté dans les coins de la page. Mais, cette jeune fille aux yeux curieux et mélancoliques était suffisamment patiente, pour prendre le temps de reconstituer chaque phrases, et le moindre mot, la moindre intention donnés à cette lettre. Car, oui, on le voyait, ce n'était pas par soucis de convenances que cette lettre avait été longuement réfléchie et retravaillée. C'était un cœur qui s'exprimait dans ces mots et ces phrases, dans ces petits ajouts alambiqués et ces flèches qui revenaient d'un point B à un point A. L'original, on l'espérait, avait du trouver son destinataire depuis longtemps, mais cette trace du passé suffisait pour partager, accompagné de tous les mots qui le précèdent, une histoire où l'amour n'est pas la clé pour faire ce qui est le mieux. Une histoire qui, malheureusement, ne finit pas tout à fait en conte de fées. Une histoire qui nous rappelle que nous ne pouvons pas tout faire nous même, que nous ne pouvons pas endosser toutes les responsabilités et se sentir coupable de tout. Une histoire où l'amour ne peut s'exprimer plus que par les mots. Une histoire, une lettre, qui fait couler une larme sur la joue pourtant déjà séchée de larmes de notre adolescente.

Mon cher enfant,

Ne part pas après avoir lu ces trois premiers mots. Ne jette pas cette lettre. Ne déchire pas ce papier. Tu ne dois pas avoir l'habitude de recevoir un manuscrit mais je n'ai jamais apprécié le numérique et le papier me semble plus avantageux, il est concret. On peut le toucher, le sentir sous nos doigts et en respirer l'odeur. Il n'y a rien de tel. 

Je t'en prie accepte de me lire, je ne te demande pas de m'aimer ou de me pardonner, juste de me lire et de ne surtout pas en parler à ton père. Il est mieux pour lui que je sois morte, il est mieux pour lui de vivre sans moi. Pas plus facile, loin de là, mais mieux. Mieux pour sa position de roi, mieux pour sa couronne, mieux pour l'image de la famille royale. Oui. Il était mieux sans moi. 

Je ne sais pas si tu attends de lire quelque chose de particulier sur cette lettre. Je ne sais pas si quoi que se soit que je pourrais écrire pourrais changer le fait que je t'ai laissé. Pas que je n'aurais pas voulu rester, si j'avais pu cela aurait été tellement plus simple... mais ce n'était pas le cas.

Je ne crois pas réussir à former les phrases parfaites ( pourtant je me suis acharnée à corriger et reformuler cette lettre pendant quelques heures ), mais je dois le dire. Il ne se passe pas une journée sans laquelle je ne pense à toi et à ton père. Le jour de ton anniversaire je m'isole, je passe la journée dans un parc assise sur un banc, ce jour là je ne peux penser à autre chose qu'à l'anniversaire de mon fils que je ne peux rejoindre. J'ai pensé très tôt à t'écrire une lettre, mais la raison m'a rappelé que si l'innocence enfantine qui était tienne, en tout cas je l'espère ; devenir grand n'a rien de réjouissant, informait son père qu'il avait reçu une lettre de sa mère, je reviendrais ruiner sa vie. Alors, je t'envoie cette première lettre maintenant que tu as douze ans et que tu caches sûrement plus de choses à ton père que tu ne lui en dit. J'ai trop de choses à te dire. Trop de choses que je ne saurais comment dire ou écrire. Trop de choses dont mon âme déborde, pourtant cette lettre touche à sa fin. Maintenant tu peux jeter cette lettre au feu, mais ce que je te promets, que tu le veuilles ou non, c'est que je t'enverrais une autre lettre l'an prochain, et encore l'an prochain, et ceux même quand je t'aurais vu devenir un homme en suivant les émissions sur la famille royale à la télé.

La meilleure amie du roiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant