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   Elles ont parcouru des villes abandonnées, éventrées par les zombies, délaissées par l'humanité, des forêts et des plaines, sans trouver d'abris sécurisé. Mais l'état de Ari s'aggrave de jour en jour, les fièvres sont intenses et les douleurs musculaires l'empêchent de progresser comme elles devraient. Désespérée devant l'état de sa sœur, affamée et déshydratée, T/P s'est essayée à la chasse. En forêt les zombies sont moins nombreux, le risque est moindre. Mais elle n'est pas parvenue à tuer d'autres êtres vivants. La main tremblante, la bile aux lèvres, elle ne parvient jamais à blesser ou à donner le coup fatal qui pourraient pourtant les sauver de la famine. Elle ne peut se résoudre à briser la carotide d'un lapin ou à planter son couteau dans le cœur d'un écureuil. Alors elle entre dans les villes dévastées, dans le repère des zombies, et glane ce qu'elle trouve. Survivre en dehors du village protégé est difficile, c'est un combat de chaque instant. T/P se rend compte, malgré les entraînements à la survie qu'elle suivait, que la réalité est pire que tout. Et sa sœur, qui est une Mordue, risque à chaque instant de perdre son humanité.

   Accroupie dans un ancien supermarché, T/P empile de vieilles boîtes de conserve parfois périmées dans son vieux sac craqué. Elle espère trouver du sucre ou des fruits pour réconforter sa sœur malade. Le sol est sale, les étalages sont vidés et détruits, ne subsistent que les anciennes caisses de l'entrée. Pour venir ici, T/P s'est faufilée discrètement dans la ville en évitant les hardes de zombie qui circulaient dans les rues ventées. Du sang macule le carrelage sur lequel elle est accroupie. L'odeur de pourriture est forte. Consciente qu'elle ne doit pas rester trop longtemps, elle ferme la fermeture éclair de son sac mais s'interrompt immédiatement en percevant un son depuis l'entrée. S'efforçant de faire le moins de bruit possible, elle hausse les sangles de son sac sur ses épaules et se glisse derrière un étalage avant de jeter un coup d' œil discret. La créature qui vient d'entrer pousse un râle sourd en rampant sur ses jambes brisées. Sa bouche difforme est béante, un long filet de bave crasseux s'écoule continuellement et du sang s'égoutte sur le sol à son passage. Les intestins dégagés de sa cage thoracique brisée, retombent mollement le long de son corps. T/P pose une main sur son visage pour cacher sa respiration. S'il la trouve, elle est perdue. Sans le quitter des yeux, elle s'abaisse et rampe sur le sol crasseux. Un deuxième zombie, tout aussi hideux apparaît dans un ancien rayon vestimentaire. Ses longues griffes grattent une tâche de sang séché sur le sol. Écœurée par l'odeur de pourriture qui se dégage de lui, T/P fronce le nez et se cache derrière le comptoir des caisses. En sortant du supermarché, elle s'autorise à reprendre son souffle en profitant de l'air libre mais une ombre surgit à sa droite, poussant un cri strident qui lui déchire les tympans. Elle fait volte-face juste à temps pour pouvoir s'échapper. Mais le groupe de zombie la poursuit, attiré par le mouvement. Elle évite les innombrables déchets qui jonchent les sols, les panneaux renversés, et contourne les voitures abandonnées. Un zombie plus grand que les autres étend son bras et ses griffes se plantent dans son sac à dos. T/P retient un cri de souffrance quand l'une de ses griffes se plante dans sa nuque, déchirant sa peau en une plaie saignante. Se sachant condamnée si elle ne fait rien, elle déchire les lanières de son sac qu'elle lui abandonne et accélère la course à travers la ville, prenant soin d'aller dans la direction opposée d'où se cache sa sœur fiévreuse. Libérée du poids des boîtes de conserve, elle est capable de courir plus rapidement. Elle franchit la rue principale et déboule dans un bois. Les zombies sont distancés mais encore derrière elle alors elle saute dans une crevasse et se laisse rouler jusqu'au fond. Tout au fond, cachée derrière un buisson, elle sait que les zombies ne la suivront pas, en perdant leur humanité ils ont également perdus l'efficacité de certains sens et certaines capacités physiques. Effrayée et frigorifiée, T/P lève les yeux vers le ciel recouvert par les arbres qui bordent la crevasse. La nuit est tombée. Elle ne pourra pas sortir de sa cachette avant le lever du jour. Angoissée à l'idée de laisser seule sa petite sœur, elle ramène ses genoux contre son torse. Elle déteste cette vie, elle déteste ce monde. Elle rage de se sentir inutile devant la souffrance déchirante de sa sœur. Elle rage de la disparition de son ancien monde.  

Juste avant la fin du monde - ChangbinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant