7. Blind

238 48 174
                                    


On n'a pas vraiment eu temps de prendre l'apéro, de se raconter nos journées respectives, ou de simplement apprécier nos retrouvailles improbables dans cette superbe ville qu'est New-York ; je crois que James a décidé de pourrir l'ambiance en me plaquant contre le mur défraichi de mon hôtel minable et en pointant le canon de son flingue sous ma gorge. 

Sympa.

— Comme ça, sans préliminaires ? soufflé-je la respiration écourtée par la pression de l'arme sur ma carotide. J'adore être séduit avant d'être retourné contre un mur, James, fais un effort, courtise-moi. 

Les yeux exorbités de rages, plus gros et plus rouges que jamais, il frappe un violent coup dans le mur, tout prêt de mon visage. 
Et merde, je suis foutu, là. 

Je connais la réputation du gus, je me suis un minimum renseigné avant de décider de le trahir. Mais je pensais vraiment qu'il n'aurait pas le temps de me retrouver. J'étais censé me trouver dans un avion avant qu'il percute. Et maintenant, c'est ma tronche qu'il va percuter. Et c'est bien dommage, parce que j'ai toujours trouvé ma gueule franchement charmante. 

— Où est le collier, Blind ? grince-t-il la voix profonde et rauque. 

— Le...? Oh, le collieeeer ! Oui, non, je ne l'ai pas avec moi. Tu t'inquiètes, Jay ? Retire ton arme de mon cou, on discute posément, si tu le veux bien. J'ai tendance à perdre mes mots quand on me menace de mort. 

Stérile, comme requête. James ne retire pas son arme, mais sa main du mur, et s'en sert pour la poser sur mon crâne, faire tomber chapeau, et empoigner très douloureusement mes boucles brunes. 

— Un dominant ? Je vois le genre. C'est pas comme ça que tu m'auras, Jay, j'suis plus porté sur les jolies brunes sans barbe d'un jour. 

Et c'était la blague de trop. 
Il lâche mes cheveux, et m'envoie un coup d'une violence rare dans la mâchoire. 

Bordel, ce que ça fait mal. La douleur est tout à la fois aigüe et grave, elle frappe dans le fond de ma gorge, et s'étale dans l'ensemble de mon visage, jusqu'au creux de mon épaule. 

Je m'écroule immédiatement, je porte la main là où il a cogné, par un réflexe complètement con, puisque me toucher me fait encore plus mal. J'ai à peine l'occasion de grogner ma souffrance, que son pied s'écrase dans mon abdomen. 

Putain de bordel de sac à emmerde. 

Je savais que je terminerai comme ça.  Sous les coups d'un mafieux pas content. Mais je suis navré que ça se passe dans cet hôtel sordide, ça manque de classe, comme final. 

Jay me relève par le col de ma chemise grise, d'une main, et me plaque de nouveau contre le mur, dans un bruit détonnant de peau qui claque, et d'os qui se cogne. 

— Je t'aimais bien, salopard de français, râle-t-il en rapprochant son front du mien avec hargne. 

Il a une drôle de façon de prouver son affection, celui-là. Cela dit, je le rejoins : moi aussi je l'aimais bien. Je n'ai jamais trop saisi pourquoi. Mais j'avais un...Comment disent les américains, déjà ? Un "feeling", avec lui. 

Il me semblait droit. 
Dommage, on n'aura pas eu le temps devenir bras-dessus bras-dessous. 

— Alors ? ajoute-t-il, les yeux en feu. 

— Alors, quoi...? 

— Je déteste me répéter, Blind. 

Bon. 
Réfléchissons. 

Son arme froide est de retour sous ma glotte. Garde ton sang froid, le magicien. Si je lui donne le collier, est-ce qu'il m'épargnera ? Après tout, je ne les ai pas encore trahis, lui et son chef. Mais si, par la grâce du divin auquel je ne crois d'ailleurs absolument pas, il décide de me laisser la vie sauve, est-ce que ce ne sera pas le Baron qui se décidera à me buter vite fait bien fait ? 

BLINDOù les histoires vivent. Découvrez maintenant