Trois ans avant Los Angeles...
Je pense que, si le bon Dieu existait, et s'il appliquait réellement ses punitions divines dont les prêtres grabataires m'ont rabâché les oreilles durant mes années de primaire dans le privé, ça ressemblerait assez à ça.
Seigneur, pardonnez-moi car j'ai péché, et surtout, arrêtez de me torturer. J'ai compris : mon purgatoire ressemblera très certainement à une partie de poker où Moïra me dévore du regard, alors que je n'ai le droit, ni de la regarder en retour, ni de la toucher, bon sang d'bonsoir.
Sérieusement, vous pouvez arrêter maintenant, j'ai compris. Je ne volerai plus jamais. C'est un commandement, de ne pas voler ? Je ne me souviens plus. Il y en a dix...Tu ne tueras point, okay, celle là est facile. Enfin pour moi, je pense que l'Ecossais se galère à l'appliquer. Et il y a quoi d'autre ?
Je pensais que ce serait plus évident de tenir si elle ne se trouvait pas à côté de moi, cette fois, mais...Non. Elle est en face, et je sens ses yeux de biches parcourir toute ma figure avec encore plus d'intensité. C'est. Une. Torture.
Une vraie.James m'a décrit un soir "la technique de l'ongle", pour faire parler leurs ennemis. Franchement, je signe. Ce sera toujours plus agréable que ce que je subis depuis une heure.
Et en plus, elle joue avec la pièce que je lui ai offerte. Elle l'a posée devant elle, et la caresse ponctuellement ; je le sais, parce que, même si je ne m'autorise pas à relever mes yeux pour les planter dans les siens, ils dévient malgré-moi vers ses mains.
Ses trèèèèès jolies mains, même, devrais-je dire. Elle ne fait pas ses ongles, tout au naturel, la Moïra. Mais ses doigts sont longs et fins, parfaits pour la guitare qu'elle tenait, tremblante, il y a deux ans dans sa chambre.
Ils sont parfaits pour la pièce. Elle en prendra soin. Elle a intérêt, boudieu.
Ah, encore un phénomène inexplicable, ça.D'abord je la laisse gagner au Poker, ensuite, je lui offre ma pièce porte-bonheur. Mais qu'est-ce qu'elle fait de moi, la biche apeurée ? Il serait temps de se reprendre.
Je vais perdre. A tous les coups, je vais perdre ! C'est ça de filer son porte-bonheur, aussi. Je n'ai pas réfléchi. Elle avait l'air si fière. C'était joli de la regarder sourire. Je voulais seulement que ça continue.
Comme d'habitude, Blind. T'agis avant de réfléchir. Boarf, ça fait mon charme.
Bien, où en est-on ?— Dernière carte, annonce Travis en retournant la cinquième sur la table. On y va. Le diamant, tu dis quoi ?
Ne la regarde pas, Blind, ne la...
Nos yeux se percutent. Ça dure une seconde de trop ; celle qui change tout. Celle qui indique qu'on est passé d'un zyeutage conventionnel, à un flirt visuel.Mer...credi. Je fixe la table.
— Je me couche, annonce-t-elle.
C'est fou ce que le poker implique de termes plein de possibles sous-entendus. Moins que le billard, c'est sûr, mais dans la bouche de Moïra, ce "je me couche" sonne affreusement sensuel.
C'est de sa faute aussi. "Je ne dis pas que c'est ce qu'il me faut. Je dis que c'est ce que je veux". Faut pas me sortir des trucs pareils.
Et puis...Je suis un voleur. Plus c'est proscrit, plus ça m'attire. Un diamant que je n'ai pas le droit de convoiter, avouez que c'est rude de résister ! Ne serait-ce que pour le principe.C'est à moi. On se concentre... Allez, je me couche aussi. La mise était basse, de toute façon. Je ne perds pas grand chose, et à voir la tronche illuminée de Don, la jolie rousse qui suit James comme sa fichue ombre, elle va enfin remporter la mise.
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BLIND
RomanceMoïra a été élevée à la Dark Romance. L'amour et les hommes, elle ne les connaît qu'au travers de ses lectures sombres, toujours profondes et souvent teintées d'amoralité. Elles sont son unique refuge pour échapper à la réalité et à la surprotection...