S3 T5 - Hurt/Comfort

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Semaine 3/ Thème 5 : Hurt/Comfort

Ténèbres et sang

Des ombres. Les ténèbres l'entourent. Ils bougent, se déplacent, évoluent dans le vide. Ils l'enserrèrent, le retiennent, l'emprisonnent, leur étau semble se refermer sur lui.

Jesper ne voit rien, aveugle. Le brouillard noir le borde de toutes parts . Il avance doucement, chancelant, sur un sol invisible. Il n'est pas plat, ni bossu. Seulement instable.

Soudain, il perçoit un bruit. Comme une respiration, roque, sourde, étouffée. Elle est suivie d'un râle, faible, douloureux. Comme une agonie.

La tension grimpe, mais elle n'est pas de celle qu'il affectionne. La peur le prend aux tripes alors que ses revolvers sont introuvables sur ses hanches. Il continue d'avancer, doucement, prudemment, inquiet.

Un véritable effroi le saisit alors que son pied touche une substance humide. Comme une flaque. Il baisse les yeux, mais ce n'est pas de l'eau qu'il entrevoit. Le rouge sombre du liquide scintille, sous une lumière inexistante. Il n'ose plus bouger, jusqu'à entendre un voix. Enfin, si tel on peut l'appeler, car cela s'apparente plus à un sifflement et un mélange de gargouillements qu'à une tonalité humaines bien portantes.

Petit à petit, il perçoit des syllabes, au milieu du tout. Son nom résonne dans un demi silence. Il réalise soudain combien il fait froid.

Un mouvement dans son dos le fait sursauter, quand une main lui saisit soudain la cheville. Il pousse un cri, qui se perd dans l'écho de ce monde ténébreux.

Mais lorsqu'il tourne la tête, il n'y a alors plus de mot pour décrire ce qu'il ressent. Une peur primitive, sauvage, l'origine même du mot à l'état pure le perfore alors qu'une lueur blafarde éclaire le teint pâle d'Inej, allongée au sol. Il se reflète sur le flot pourpre qui coule de ses lèvres. La flaque sous son corps s'agrandit toujours plus. Les vêtements de la jeune suli sont gorgés de son propre sang.

Les cheveux du tireur se dressent, sa gorge se serre, ses mains deviennent moites. Le froid s'intensifie, engourdissant ses doigts. Il ne peut plus bouger, pris dans la glace. Il ne peut que la regarder agoniser à ses pieds, répétant encore et toujours son nom, le suppliant de l'aider, de mettre fin à son supplice. Ses mots se noient dans des bulles de sang.

Impuissant, il observe les silhouettes émerger une à une de la pénombre, baignant dans leurs veines. Chacun des corbeaux, souffrants, mourants, murmurant son nom. Nina, debout, une lance fjerdan dans la poitrine, d'où coule un flot ininterrompu. Ses mains sont ensanglantées, son pouvoir ne peut sauver aucun d'entre eux. Matthias, troué de balles, le regard vide, se cheveux blonds noirs de crasse. Il rampe péniblement jusqu'à lui. Kaz lui même, un petit couteau orné d'un lion plante dans le cœur, sa canne brisée à ses pieds, son visage boursoufflé par les coups. Il le lorgne de son regard noir, accusateur.

Les larmes ruissellent sur le visage de Jesper. Elles coulent le long de ses joues, tombent dans le néant ambiant, se mêlent à l'emoglobine. La glace l'emprisonne, le retient, le condamne à n'être que témoin. Il ne peut le supporter. Il cri, se débat, peste, maudit ce foutu monde. Combat vain.

Il tente de réfléchir, de trouver une solution, mais son esprit lui même semble s'être englué dans le sang. Il tente de savoir ce qu'il fait là, où il est, de ce remémoré les événements récents. Impossible.

Non. Cela n'était pas réel. Cela ne pouvait pas l'être. Et pourtant, il sentait le courant d'air sur sa nuque, la main d'Inej à sa cheville. Comme transpercé, son cœur criait. Il hurlait à s'en arracher les poumons.

Vers D'autres Horizons - Un mois dans le grishaverseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant