S1 T6 - Wylan Van Eck

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Semaine 1/ Thème 6 : Wylan Van Eck

Vers d'autres horizons

Le son fluet s'envole. Les notes s'enroulent autour de ses doigts, avant de s'échapper et de voltiger jusqu'aux oiseaux noirs qui l'entours. Ses mains se déplacent avec précision sur la flûte. Le son est fluide, dextère.

La mélodie se tisse alors que le temps coule. Elle en suspend le cours, quelques secondes perdues entre deux mondes. La bulle protectrice qui se forme autour de lui se solidifie. Fragile et inébranlable à la fois.

Il ne s'impose plus la concentration, il vit tout simplement chaque expiration. Son souffle est régulier, pour ne pas perdre le rythme. Il n'entend plus rien, sourd dans son univers. Il ne voit plus rien, paupières closes, aveugle dans son envers.

Volupté qui s'élève. Vapeur fraîche qui condense au cœur de la danse alors qu'il déverse et renverse inconsciemment ses sentiments au sein de sa musique. Elle est le bras maternelle protecteur. Il n'entend que le son qui s'élève de l'instrument, les notes qui suivent le rythme de ses doigts agiles. Mais il n'y a rien d'autre à entendre. Le silence s'est fait. Les yeux des cinq corbeaux sont figés sur lui. Même l'ancien loup, depuis la sphère azurée. Même ceux du phénix, qui lutte contre l'esclavage et son étau sur les mers. Même ceux du cœur meurtri et ressoudé, qui court les glacier et les plaines nordiques enneigées. Même ceux du corbeau noir, rescapé de la noyade, au regard si sévère et aux allures si froides.

Surtout ceux du corbeau joueur, qui le lorgne de son regard pétillant. Il parle beaucoup et souvent. Mais à cet instant, il se contente d'écouter.

Il suivait ses doigts sur l'instrument au début. Mais à présent, même les yeux fermés et l'esprit perdu dans le son de sa voix instrumentale, le corbeau crépusculaire peut sentir la douceur de son regard, fixé sur son visage.

Il sait qu'il sourit. Il sait qu'il meurt d'envie de l'embrasser, et qu'il s'empressera de le faire dès que la dernière note se sera envolée. Mais il sait aussi qu'il souhaite continuer à le regarder jouer, des heures durant. Alors il joue. Et il danse. Enroulé dans sa mélodie, choyé par leur douceur et leur légèreté. Drapé dans ses notes. Une Volupté. Il s'égare, toujours plus loin de cette ville. Vers des horizons qu'il n'a jamais vues, qu'il ne peut qu'imaginer.

Et toujours, il emmène avec lui cette présence rassurante, cet esprit arrogant, intrépide, cet instinct doux et soucieux. Il lui dévoile son univers, ses monts, ses vallées, ses contrés perdues à l'extrémité pure de la terre. Le chemin, lui seul le connaît, gravé dans sa partition.

Il vole, ses ailes noirs s'embrasent d'un doux rayonnement alors qu'il plane, toujours plus haut, toujours plus loin. Rien ne semble pouvoir le ramener sur terre. Il est libre. Ses chaînes sont tombées avec son père, ses poids se sont détachés quand ses lèvres ont rencontré celles du corbeau joueur.

Le monde n'est plus cruauté et douleur, le monde est maintenant calme et douceur. Le sol n'est qu'un souvenir lointain, où rien ne semble pouvoir le ramener. Le ciel n'est que paix enchanteresse. La physique ne réagit plus rien. Savoir lire n'est plus un essentiel, autrement que dans l'art de lire les cœurs. Les maths ne sont plus à l'origine de toutes les lois. Ici le bonheur est seul calcul et résultat. Ici, il n'existe plus rien d'autre qu'eux. La bulle gonfle toujours plus. Le soleil approche.

Mais soudain la bulle éclate, la réalité revient violemment, ses douleurs et ses peines l'accompagnant, arrachant l'instrument à ses lèvres.

Il inspire. Il rouvre les yeux, les plisse, éblouie par le luminosité trop vive.

Il expire et se laisse retomber contre le dossier de son siège. Son corbeau l'observe toujours, cette expression d'intarissable amour gravée dans son sourire. Leur regards se croisent et c'est une toute autre partition qui s'écrit. La mélodie de leurs vies entrelacées. Leur musique, à la fois personelle et commune. Mais non moins douce. Le chant de leurs âmes. Volupté.

 Volupté

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Wylan, tu illustres si bien le titre de ce recueil :,) c'est pas voulu hein... Mais vue que tu en est digne, je donne à ton texte le même nom que ce livre.

Sur ce, à demain pour le dernier texte de cette première semaine à thème ! ♡

Vers D'autres Horizons - Un mois dans le grishaverseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant