Chapitre 10 : Les regards sur nos mains enlacées

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Le mois d'août a commencé bien étrangement avec l'anniversaire de Kohaku et s'est terminé dans la même ambiance. Malgré leur rapprochement impromptu dans le placard, Senku et Gen ont eu du mal à renouer le contact. Cachés dans cet habitacle minuscule, ils avaient l'impression d'être à l'abri du monde. Parce qu'il n'y avait qu'eux, parce que personne ne pouvait les voir ni même les entendre. Mais au moment où Gen a ouvert la porte, la magie s'est envolée. 

Après leur altercation avec Tsukasa, ils sont tous redescendus dans le salon et Gen n'a pas osé se rapprocher du vert. Ses mains tremblaient, son cœur pulsait si fort dans ses oreilles qu'il avait l'impression de sombrer dans un cercle infernal. Il ne savait plus quoi faire, où poser les yeux, quoi dire ou ne pas dire. Alors, il a pris la décision d'ignorer le scientifique tout le reste de la soirée. 

Et pour Senku, de son côté, la chose n'était guère mieux. Lui qui a toujours su affronter le monde qui l'entoure grâce à ses connaissances scientifiques, il se retrouvait là totalement pris au dépourvu. Parce qu'il n'y a rien d'assez scientifique pour expliquer ce qu'il est en train de vivre. Bien sûr, il pourrait parler des hormones qui jouent un rôle dans les relations amoureuses mais, à cet instant, il n'arrivait pas à relativiser. Et tandis que les images dansaient inlassablement dans sa tête, que son corps se rappelait la courbe de son dos, la forme de ses fesses, le toucher de sa peau, le goût de ses lèvres, il s'est senti défaillir. Ce n'était pas la première fois qu'il embrassait quelqu'un, mais c'était la première fois qu'il embrassait un garçon. Et contrairement à sa dernière expérience, Gen avait quelque chose de plus tendre, de plus doux, de plus unique. Et quand il s'en est rendu compte, il a commencé à avoir peur. 

Qu'est-on censé faire dans ce genre de situation ? Envoyer un message ? Laisser l'autre venir à nous ? Aller lui parler en face ? Ne rien faire ? Tant de questions, et très de réponses. 

Et puis, quelques jours après la soirée, Gen lui a envoyé un message. Il voulait le voir, en face à face, pour lui parler. Il voulait mettre les choses au clair sur ce qu'ils étaient, sur ce qu'ils allaient faire. Senku se souvient avoir trouvé son message très protocolaire, ce qui était franchement curieux de la part du bicolore. 

Et puis, il se sont revus, l'esprit clair, dépourvus de la moindre trace d'alcool. Jamais de sa vie Senku n'avait eu les mains aussi moites. Même pour Luna, il n'était pas aussi stressé d'officialiser la chose. Mais parce que l'univers est bien fait, parce que ses règles permettent à deux âmes jumelles de se retrouver, il est arrivé ce qui devait arriver. Les oiseaux semblaient chanter la nouvelle dans toute la ville, et le soleil irradiait comme jamais il ne l'avait fait auparavant. Et puis, malgré ces rayons qui les aveuglaient, leurs mains se sont retrouvées, du moins pendant qu'ils parlaient. 

Et puis, le temps s'est écoulé. Avec lui, il a emporté les longues journées ensoleillées jusqu'en fin de soirée. Il a emporté l'insouciance du repos, la joie des activités estivales et, petit à petit, il a ramené avec lui l'irrémédiable retour au quotidien, celui que doivent suivre chaque jour des milliers d'étudiants. Au moins, durant cet été bien particulier, Gen et Senku ont eu le temps d'apprendre à se connaître différemment. Doucement, loin des regards de leurs amis, ils se sont habitués à la présence de l'autre. Sans se brusquer, ils se sont habitués à sentir la pression de la main de l'autre dans sa paume. Ils se sont habitués à la singularité de leurs personnalités, découvrant petit à petit ce que leur présence à la fac ne leur permet pas de voir. Et puis, à mesure que le mois s'est écoulé, chacun a appris à apprécier la rareté de leurs baisers. 

Parce que c'est dans leur nature, à tous les deux. Peut-être est-ce parce que la timidité et la gêne sont encore accrochées à eux comme un boulet qu'on traînerait lourdement tous les jours, mais ils ont encore du mal à laisser leurs lèvres se rencontrer. Les occasions sont rares, trop rares au goût du bicolore. 

Après toi... (Sengen)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant